Les jardiniers sont parmi les mieux placés pour observer les conséquences concrètes du changement climatique .
Changement climatique : quelles plantes privilégier au jardin ?

La température moyenne ne cesse de croître, les épisodes caniculaires, les orages dantesques et les périodes de sécheresse se répètent et mettent à mal le développement des végétaux. Les hivers plus doux nuisent aux espèces qui, comme les pommiers, abricotiers et cerisiers, nécessitent une dormance hivernale pour une bonne fructification, et ne régulent plus le cycle de reproduction des nuisibles.


Les printemps précoces entraînent des floraisons qui risquent d'être emportées par le gel. Des espèces que l'on croyait parfaitement adaptées à notre climat commencent à peiner. «Les hêtres et bouleaux , pour ne citer qu'eux, supportent de moins en moins bien, voire plus du tout, le stress hydrique estival qui se répète chaque année», illustre Michel Audouy, architecte paysagiste et secrétaire général de Valhor, l'interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Trouver des vignes en Bretagne, des pistachiers en Corse, des palmiers en Normandie ou des lavandes et des oliviers dans le Nord n'a plus rien de surprenant. Bref, tout se dérègle.

Aussi, les bonnes pratiques transmises génération après génération deviennent peu à peu caduques et obligent les jardiniers à se réinventer. Une nécessaire évolution qui passe forcément par le choix de nouvelles essences plus adaptées, le retour aux bases de l'agroécologie – notamment l'attention portée au sol –, une gestion plus responsable de l'eau, une surveillance plus rigoureuse des besoins du jardin, etc. «Face aux nouvelles contraintes climatiques auxquelles s'ajoute un appauvrissement de la biodiversité lié à l'urbanisation et à la pollution , il s'agit en somme de rendre nos jardins capables de supporter ces évolutions», résume Jean-Paul Thorez, ingénieur agronome et auteur de Solutions pour un jardin résilient (éd. Terre vivante).

Composer avec les changements climatiques induit de réfléchir aux espèces qui peuvent désormais s'y épanouir. «Planter des végétaux sur un coup de cœur n'est plus possible, remarque Brigitte Lapouge-Déjean, auteur de Jardins secs, s'adapter au manque d'eau (éd. Terre vivante). Il faut notamment adapter la plante au sol et ne plus faire l'inverse. Observer la  flore spontanée sur les bords des routes ou en pleine nature et ce qui fonctionne chez les voisins est la première piste à suivre.»

Quelles sont les plantes les moins gourmandes ?

Avec des étés plus secs et des températures plus élevées, choisir des végétaux résistants à la chaleur et qui nécessitent peu d'arrosages semble logique. Piochez dans les plantes méditerranéennes comme la lavande, le thym, les agapanthes, habituées au stress hydrique. Mais tenez compte de la nature du sol. Pas question de planter un olivier dans une terre argileuse même si le terrain est bien exposé et que le climat se réchauffe. Les hivers pluvieux auront raison de lui si le sol n'est pas suffisamment drainé.

ns vos massifs, préférez des fleurs qui se ressèment seules d'une année sur l'autre, comme les cosmos, les capucines, les pavots, les centaurées ou les soucis ; elles résisteront mieux que les fleurs plantées. En revanche, par la force des choses, vous allez être amenés à restreindre la présence des variétés gourmandes en eau. Pour Brigitte Lapouge-Déjean, elles se reconnaissent facilement : «Il s'agit notamment de toutes les plantes ornées de grosses fleurs , des arbres aux feuilles grandes et molles et des gros légumes gorgés d'eau.» Sont notamment concernés :

Autant de végétaux à installer plutôt dans les zones moins touchées par la sécheresse. Préférez-leur les végétaux à petites fleurs, à petites feuilles vernissées, les plantes grasses, les fleurs peu gourmandes… Vous ne vous tromperez guère en optant pour des gazanias, œillets, pourpiers ou sedums.

 

Anticiper le climat à venir

Une autre stratégie, adoptée par Robert Kran, l'auteur de l'ouvrage Un Jardin fruitier pour demain (éd. Terre vivante), consiste à anticiper les changements à venir. «Ici, en Corse, le climat tend à se rapprocher de celui du Chili ou de l'Afrique du Nord. Je regarde ce qui y pousse et ce que je pourrais acclimater. J'ai par exemple des canneliers et des myrciarias du Brésil qui se plaisent dans mon jardin.»

Le changement climatique n'entraîne pas que des inconvénients : «L'éventail des possibles s'ouvre, avec davantage de choix de cultures, confirme Jean-Paul Thorez. En Normandie, les palmiers de Chine , assez rustiques , s'épanouissent. Idem pour les kiwis , les pêchers de vigne et les figuiers . On voit même s'y plaire des oliviers plantés en pleine terre.» Même constat pour la culture des pois chiches. Cette légumineuse du bassin méditerranéen est en train d'étendre sa zone de culture plus au nord.

Au cours des dernières années, les arboriculteurs ont régulièrement déploré des pertes de récolte. Le coupable : le gel printanier. «La végétation se réveille plus précocement au printemps, de 15 jours à 3 semaines selon les régions», rapporte Jérôme Jullien, ingénieur expert en agroenvironnement au ministère de l'Agriculture, spécialisé en surveillance biologique et protection des végétaux et auteur de Adapter son jardin au changement climatique et 50 plantes qui résistent à tout (éd. Eyrolles).

Les fruitiers de nos jardins fleurissent donc plus précocement, mais restent exposés aux épisodes de gel nocturne d'avril ou mai qui, en dépit du réchauffement global, existent toujours. Pour limiter les pertes de récoltes, évitez les variétés cataloguées comme très précoces. Préférez par exemple le cerisier géant d'Hedelfingen au napoléon. Brigitte Lapouge-Déjean conseille aussi de «jeter un œil aux variétés anciennes adaptées au climat de montagne , qui fleurissent plus tard». En tout cas, il est important que la base végétale du jardin reste locale, «ce qui lui permet d'assurer une bonne connexion avec la faune», précise Jérôme Jullien.

Comment adapter son jardinage aux changements de saisons ?

Puisque le climat change, l'agenda du jardinier s'en trouve bouleversé et impose des adaptations, notamment au potager. Échelonnez vos semis pour éviter à la fois le gel et la chaleur intense du cœur de l'été. Vous minimiserez les risques de perdre votre production. Si l'on avait jadis tendance à privilégier les légumes de plein été (tomates, courgettes, aubergines, poivrons), leur besoin en eau est de moins en moins compatible avec les épisodes de sécheresse. Il se dessine ainsi désormais plusieurs saisons de plantation.

La première profite des hivers plus courts et plus doux pour commencer plus tôt qu'auparavant (dès la fin des frimas). Les cultures – oignons, échalotes, petits pois, radis, navets, laitues – arrivent alors à maturité avant les grosses chaleurs.

L'automne constitue également une saison culturale à part entière. «On peut semer en septembre des espèces qui auront le temps de pousser avant l'hiver, comme les blettes , les épinards , les carottes ou les poireaux », note Jean-Paul Thorez. Plus surprenant, «dans mon jardin luberonnais, la fin du mois d'août semble propice aux semis de haricots verts , qui ont du mal à supporter les épisodes caniculaires, pour une récolte début novembre , rapporte Blaise Leclerc, agronome et jardinier, coauteur de Un potager presque sans eau (éd. Terre vivante). L'automne est, en outre, la bonne saison pour certains gestes qui, il y a encore peu de temps, pouvaient s'effectuer au printemps, comme la mise en terre des arbustes fruitiers ou le semis du gazon et des vivaces florales. Les plantes auront ainsi le temps de s'enraciner, et seront plus fortes au printemps suivant.

Dans le même ordre d'idée, renoncez à mettre en terre en ce mois de mai le beau rosier fleuri qui vous fait de l'œil dans les rayons de votre jardinerie. Là aussi, c'est plutôt en automne qu'il vaut mieux agir. Reportez donc votre achat ; vous choisirez la même variété, mais proposée en racines nues. «Si vous souhaitez planter des végétaux plus âgés, optez pour des sujets en mottes, entourées d'une toile de jute ou d'un film grillagé, en principe ces arbres et arbustes ont été contre-plantés régulièrement en pépinière et leurs racines se sont développées à l'aplomb de la touffe ou du houppier. Ainsi, ils assurent une bonne reprise après la plantation moyennant quelques arrosages en complément des pluies », indique Jérôme Jullien.

Où acheter des plantes adaptées au réchauffement climatique ?

D'une façon générale, «délaissez les enseignes qui ne prennent pas soin de régionaliser leur offre pour tenir compte des particularités locales», conseille Brigitte Lapouge-Déjean. «Privilégiez les pépiniéristes locaux qui produisent leurs propres plantes. Ils connaissent le terroir et sont déjà habitués à votre climat», poursuit Jean-Paul Thorez.

Méfiance face à des végétaux qui ont trop fière allure, ils ont souvent été forcés dans des serres et risquent de rencontrer des difficultés à s'adapter à votre jardin. «Choisissez des plantes qui ont été cultivées à l'extérieur et ont ainsi supporté tous les aléas climatiques, suggère Marie-Laure Rauline, cogérante de la pépinière Javoy, spécialisée dans les plantes grimpantes. Elles peuvent certes paraître moins reluisantes, mais sont plus résistantes.» Elles présentent des taches sur leurs feuilles et leurs fleurs sont moins fournies ? C'est un bon indice des conditions difficiles qu'elles ont endurées et donc de leur résilience. «N'hésitez pas à les dépoter pour observer leur système racinaire, reprend Marie-Laure Rauline. Celui d'un sujet en bonne forme doit être riche. Une plante forcée à l'engrais , à l'éclairage et au chauffage présente peu de racines.»

Dans son jardin de 2,5 hectares, Robert Kran préfère une autre approche pour ses arbres : partir d'une graine. «Les plantes ont alors une capacité d'adaptation importante. C'est certes beaucoup plus long, mais les arbres sont moins fragiles, ils s'accommodent mieux de l'environnement et leurs racines vont chercher l'eau plus en profondeur.» Une méthode déclinable pour tous les végétaux. Aussi, lorsque cela est possible, récupérez vos propres graines sur les végétaux à la fin de la saison, voire pratiquez des boutures ou des greffes. L'épigénétique entre alors en marche et, d'une génération à l'autre, les végétaux disposeront d'un patrimoine génétique mieux adapté au milieu dans lequel ils évoluent.

 

Source: Le Figaro

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