la majorité des espèces d’abeilles sauvages sont plus sensibles aux pesticides que l’abeille domestique.
Une étude montre des biais dans l’évaluation de la toxicité des néonicotinoïdes pour les pollinisateurs sauvages

Des lacunes et des biais dans les évaluations des risques écologiques des pesticides de la famille des néonicotinoïdes sur les espèces d’insectes sauvages viennent d’être mis au jour par une nouvelle étude scientifique. « Nos travaux passent en revue les études publiées et utilisées pour évaluer le risque des pesticides.

Nous avons pu voir qu’une majorité de ces travaux étaient fortement biaisées car ils portent sur l’abeille mellifère domestique. Ce fort accent mis sur l’abeille domestique a conduit à sous-estimer les risques d’exposition des pollinisateurs sauvages aux pesticides »¸ explique Mathilde Tissier, chargée de recherches à l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien de l’université de Strasbourg.

La co-auteure de l’étude publiée en mai dernier dans la revue scientifique Conservation Letters indique que travailler sur les néonicotinoïdes, substance interdite en Europe avec encore quelques dérogations en France mais toujours beaucoup utilisée dans le monde, permet d’avoir 30 années de recul pour observer les évolutions dans la mesure de la toxicité. Les auteurs ont analysé les études de la base de données ECOTOX, celle-ci peut servir dans les protocoles d’évaluation des risques avant la mise sur le marché des produits phytosanitaires.

Les chercheurs ont ainsi constaté que le protocole actuel d’évaluation des risques sous-estime fortement la létalité des néonicotinoïdes. En effet, les recherches sont conduites en laboratoire sur des espèces de substitution aux pollinisateurs sauvages, généralement l’abeille domestique. Il existe au niveau mondial 20 000 espèces d’abeilles sauvages et de pollinisateurs, dont les bourdons.

Leur nombre tourne autour du millier en France. Mathilde Tissier précise : « l’abeille domestique utilisée pour évaluer le risque des pesticides n’est pas le bon modèle pour évaluer le risque des produits sur d’autres espèces d’abeilles qui possèdent des cycles de vie, une écologie et des besoins d’habitat complétement différents.

Dans notre étude, nous montrons que la majorité des espèces d’abeilles sauvages sont plus sensibles aux pesticides que l’abeille domestique. » Les études en laboratoire ne parviennent pas à fixer des seuils précis de toxicité des pesticides pour les abeilles domestiques en raison d’une grande variation dans les résultats.

Mathilde Tissier ajoute que : « en laboratoire, il n’y a pas de consensus sur le seuil de toxicité pour les abeilles domestiques. La variation est telle, de l’ordre du million, qu’il est impossible de déterminer un seuil de toxicité fiable. Alors, pour les abeilles sauvages, exposées à des variations de températures et de climat, aux maladies ou aux carences nutritives, les seuils de toxicité peuvent d’autant plus varier ».

Les scientifiques arrivent donc à la conclusion que les évaluations de toxicité et donc de mise sur le marché des pesticides sont mal conçues et inadaptées. Mathilde Tissier résume ainsi : « il y a trop de biais qui mettent en péril la santé des pollinisateurs sauvages et d’autres espèces. Nous suggérons donc de faire des tests sur les abeilles sauvages et d’effectuer des études chroniques plutôt que des études à court-terme basées sur des tests de 48h car on sait que l’exposition prolongée aux pesticides est nocive ».

Enfin, elle plaide pour cesser d’employer les pesticides à titre préventif car cela est contreproductif dans la mesure où cela n’augmente pas les rendements et nuit à la biodiversité sur le long terme, donc compromet aussi la productivité agricole.

Source: goodplanet.info

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