Art et Culture

04 Mar 2025

Transition écologique... Comment la Culture peut nous sortir de notre illusion collective ?

Ma démarche fait écho aux nombreux reportages, débats, livres, etc dont j'ai pu prendre connaissance au cours de ma vie et qui m'ont toujours laissé sur ma faim.

Ici, vous ne trouverez pas de chiffre, de statistique, de références universitaires, d'études de Think Tank, de philosophe de l'antiquité ou de poète (excepté Jean Cocteau) !
 
Cela pourrait paraître contre-intuitif et contre-productif me direz-vous, en matière de crédibilité ! En particulier dans un article de presse en ligne !
 
« En fait, pas vraiment, non ! » car pour le grand public, depuis Wikipédia, puis le développement des réseaux sociaux, des médias actuels et des IA, la crédibilité n'est plus, globalement, une question de raison, de savoirs, de vérité ou même contextuelle. Mais une question émotionnelle et de biais de confirmation. Biais qui conforte et confirme nos croyances tout en ignorant celles qui les contredisent. Je ne fustige ni ne me réjouis de ce fait, mais j'en fais le constat, que je prends en compte comme une réalité, au regard du nombre croissant de personnes qui convergent vers ce mode de fonctionnement. Aussi, l'erreur serait en l'occurrence de juger « la prise de pouvoir de l'émotion » et « du biais de confirmation » comme étant les symptômes de nos sociétés fiévreuses actuelles, déraisonnables et à la dérive, mais comme une des causes. Cause qu'il faut essayer d'explorer et de comprendre pour agir dessus et amener des changements. Pourtant, les sciences, quels qu'en soient les domaines, nous apportent déjà de nombreuses pistes et explications ! Mais qui fait encore l'effort de s'y intéresser parmi le grand public ?
 
Le choix éditorial que je fais ici, basé sur l'humble pathos de ma rhétorique, sera dès lors le seul levier que j'exercerai pour vous convaincre.
 
Effectivement, ce choix n'est pas anodin en ce qu'il cherche à démontrer l'erreur dans laquelle nous nous sommes maintenus en ne considérant que seuls le « Logos » et « l'Ethos » seraient les vecteurs du savoir, en particulier scientifique, et que nous pouvions faire abstraction de notre « nature humaine ». Qui pourtant agit comme acteur majeur de nos choix et frein avéré en matière de changements de comportements, dans le cadre de la transition écologique. En se recentrant sur ce qui anime cette nature humaine, dans ce qu'elle a de plus fondamentale, à savoir ses émotions et ses biais cognitifs qui interviennent pleinement sur nos choix, nous pouvons y trouver la source qui nous permettra de construire des solutions, pour le présent comme l'avenir.
 
Ma démarche fait écho aux nombreux reportages, débats, livres, etc. dont j'ai pu prendre connaissance au cours de ma vie et qui m'ont toujours laissé sur ma faim. Avec ce sentiment d'incomplétude, sur lequel j'ai pu mettre finalement un nom : Le manque si ce n'est l'absence de « Pas de côté ». Oui ! Ce « pas de côté » essentiel, pour nous observer et nous analyser avec recul et neutralité, en tant qu'espèce vivante et individualités, au sein d'autres systèmes du vivant. J'ai ainsi remarqué que la plupart des explications ou des démonstrations sur les questions de transition écologique s'arrêtent en général où commence l'être humain, en tant qu'espèce vivante. En caricaturant, les explications s'achèvent souvent sur cette sentence fataliste, « C'est la faute de l'Homme ! Il faudrait/faudra qu'il change !». Puis, plus rien ! Ce qui témoigne de la persistance, dans les représentations collectives, du découplage entre l'être humain social et l'être biologique. Certains qualifiant le premier « d'être conscient, éduqué, civilisé, réfléchi, créatif » et le second « d'être inconscient, sauvage, impulsif, automatique, bestial ». Avec, de la part de la société, une victimisation (lors d'une catastrophe naturelle) ou une culpabilisation (plastiques en mer, poubelle jaune mal remplie) de l'être social et un déni, rejet ou invisibilisation de l'existence de l'être biologique (mort, maladie, déficience, santé mentale, sexe, violence, etc.). D'ailleurs, on peut se demander ici, à quel point l'être humain accepte réellement de se considérer comme un être vivant. Ne préfère-t-il pas renforcer et se réfugier dans l'illusion anthropomorphique, sensitive, symbolique, jouissive et autocentrée d'une bulle de sécurisation et de contrôle que notre cerveau, la société et la culture alimentent en permanence ? Au lieu de mieux prendre en compte la réalité de notre condition corporelle et de la vie en général, avec son incertitude, son impermanence, sa dégradation et sa limitation ? Même si l'histoire témoigne de notre main mise sur le vivant, notre peur existentielle, qui s'amplifie actuellement, renforcée par cette illusion, comme mécanisme de simplification et de défense, font le lit de l'inertie comme du scepticisme de nos sociétés actuelles. Que nous pensions que technologiquement, socialement et financièrement nous pouvons surmonter ces épreuves, la réalité finira toujours par s'imposer à nous, que cela nous plaise ou non ! Tant que nous penserons que nous sommes la solution, sans regarder que nous sommes aussi le problème, il ne faut pas espérer de grandes changements collectifs. Désormais, bourreau et victime à la fois, quelle résilience pouvons-nous développer ? De plus, j'entends souvent cette expression « La Nature se venge du mal qu'on lui a fait ! ». Cette expression moraliste et anthropomorphique n'a aucun sens à l'échelle de la réalité de la Nature. Car la Nature ne veut rien, elle n'attend rien, elle ne cherche pas à se venger ou à demander la justice... Elle « est » et elle « agit » ... en fonction des systèmes et des dynamiques en place !
 
Je veux ainsi porter votre attention sur la nécessité, en particulier en France, d'apprendre dans un premier temps à se comprendre en tant qu'être vivant, inscrit parmi le monde vivant. Au-delà du bénéfice émotionnel, cela ouvrirait aux plus jeunes un chemin plus clair vers leur propre mode d'apprentissage, adapté à ce qu'ils sont individuellement. En outre, il convient de sortir au plus vite de l'illusion d'un être humain et d'une nature fantasmés, esthétiques, bien policés et à notre service. Dans le monde du vivant, aucun blanc-seing n'a été signé à l'être humain, l'autorisant à s'approprier tout ce qui lui passait sous sa main, tout cela sans conséquence, ni limite. Pourtant, c'est ce qu'il croit et c'est ce qu'il fait, même en connaissance de cause !
 
Dès lors, en quoi la Culture pourrait-elle participer à enclencher cette prise de conscience de soi, en dehors du Logos et de l'Ethos ?
 
Au préalable, ne doivent-être déclenchés que des processus qui sont pensés pour monter en puissance, puis fonctionner et s'adapter sur le long terme. Sinon, cela s'appelle de la « Pensée magique » ! La pensée de la rupture brutale, à coup de baguette magique, ne peut être impactant globalement que si, le hiatus du changement de paradigme à combler est faible. Ce qui n'est pas le cas pour notre sujet. Car la pensée de rupture va au contraire conforter, par action de réaction et par biais d'inertie, le déni et la remise en question, ainsi qu'on peut le vivre actuellement dans de nombreux pays, sur les questions de transition écologique.
 
Comme chez toute espèce, l'assimilation et l'expérimentation prennent toujours du temps, et nécessitent de la répétition de même que de l'entrainement. Surtout sur des sujets qu'on ne veut pas ou qu'il ne faut plus regarder. Elles nécessitent ainsi de partir d'un point commun à valeurs de préférence positives et de franchir des seuils, un par un. Elles nécessitent d'aborder les sujets avec une approche plus fondamentale. Elles appellent aussi une ouverture d'esprit sans jugement, associée à une capacité d'acceptation et de résilience. C'est en cela que la Culture constitue une bonne approche, car elle porte aussi ces valeurs.
 
En effet, l'œuvre artistique constitue par l'émotion agréable, inconfortable ou insupportable qu'elle génère, une forme de connaissance qui s'inscrit directement et intimement en chacun d'entre nous. Plus profondément souvent que ne peut le faire un savoir. La pratique artistique renforce également l'empreinte laissée dans la mémoire de celui ou celle qui l'expérimente. L'œuvre, pratique et l'émotion corrélées se révèlent comme d'efficaces moyens de développer les compétences psychosociales. Aussi appelées compétences de vie des personnes, elles œuvrent au développement des personnes, comme à leur autonomisation et sur leur capacité d'agir. Je ne citerai ici que les principales compétences qui me paraissent intéressantes dans ce contexte, dont la « conscience de soi », « savoir gérer ses émotions et son stress », « avoir une pensée créative » et « savoir résoudre des problèmes ».
 
Mais, cela ne suffira pas tant que la Culture elle-même n'a pas fait globalement sa propre révolution copernicienne. Afin de faire évoluer sa vision stéréotypée et nourrie de préjugés sur la réalité du vivant ! En sachant qu'une grande partie de ces stéréotypes et de ses préjugés ont été véhiculés et transmis par la Culture au cours des siècles, avec des transferts sur le monde du vivant, aussi bien à valeur positive que négative, et variant d'une civilisation ou d'une époque à l'autre. Pourquoi le requin est-il stigmatisé aujourd'hui alors que la deuxième place parmi les espèces tueuses d'être humain, c'est l'être humain (je peux même préciser l'homme) lui-même ! Et vous pourrez aller sur internet, où vous trouverez toujours les mêmes représentations. La plupart des artistes représentent un nombre limité d'espèces (capacité générative faible du cerveau humain), chosifiées par un classement en méchants/gentils et beaux/laids. Entrez ici, avec votre terrible cortège de gentilles et lentes baleines, des rieurs et protecteurs dauphins, des intelligents cachalots, des trop kawaï poisson clown et bébés de toute espèce !  Haro pour les espèces qui n'ont pas nos codes, se cachent, sont noirs, sont disproportionnés, ont trop de dents, sont trop grand ou trop petits et n'ont pas de pattes ou de bras ! Même en leur rajoutant des yeux d'humains ou des perruques, ils demeurent une sous-classe, loin du majestueux cheval, du chat et du chien. Je passe aussi sur toutes les formes de chimères humain/animal qui alimentent l'imaginaire des bandes dessinées et des anime. Mais je vous rassure, vous verrez très rarement un centaure avec la tête d'un cheval et le corps d'un humain (sauf chez Cocteau). Car tout doit rester esthétique et proportionné. Plus gênant encore concerne l'anthropomorphisme que l'on retrouve dans beaucoup de concours photographiques animaliers qui sélectionnent des images reprenant des expressions humaines, en générale cocasses pour bien montrer que s'ils nous ressemblent, ce n'est que parce qu'ils imitent notre naturel. Cette photographie animalière, souvent pratiquée par des personnes avec peu de culture et de questionnement scientifiques en réalité, alimente ainsi la vision collective stéréotypée sur la Nature. Je passe sur les méduses toujours dans la même position, les singes qui sourient de pleine bouche, les expos recyclage (terme erroné car au mieux il s'agit de revalorisation) d'objets plastiques, etc...
 
C'est ce paradoxe qu'il nous faut résoudre aujourd'hui et en premier sur ce sujet de la biodiversité. Parce qu'il est moins complexe et plus prescripteur que d'autres domaines de la transition écologique, il peut constituer une porte d'entrée pour beaucoup d'entre nous.
 
Ainsi que l'art moderne l'a fait vis-à-vis des beaux-arts sur la question de la forme et de l'esthétique puis l'art contemporain vis-à-vis de l'art moderne sur la signification, il faut progressivement sortir de cette bulle rassurante, plaisante, positive, confortable et pleine de bonnes pensées moralisatrices. Notre peur intrinsèque, qui nous mets dans l'incapacité de regarder, de comprendre et d'accompagner les émotions naturelles qui nous animent, ne doit plus constituer un obstacle pour concevoir un réel récit collectif de résilience. Avec un bémol majeur. Là où l'art contemporain peut se suffire de ne toucher qu'un nombre limité du public, la transition écologique est soumise à l'injonction d'en toucher un maximum.
 
La Science doit enfin faire son propre examen de conscience ! Même si la simplification et les raccourcis ont permis de créer de l'adhésion et de d'élargir l'auditoire, pour autant, elle-aussi a contribué à maintenir notre illusion et à ralentir notre transition. Si elle pouvait se permettre ce luxe auparavant, il n'est plus possible de tenir cette position actuellement ! La Science et la Recherche payent ainsi de ne pas avoir voulu prendre plus sérieusement la question du « pourquoi ? » en se limitant à celle du « comment ? » qui a épuisé l'auditoire par sa complexité croissante. De ne pas avoir voulu comprendre que la question du « pourquoi ? » est importante pour tant de personnes dans le monde et de plus en plus, qu'elle doit être considérée comme une forme de réalité. Réalité moins sur le fond que par les choix et les actions que « les croyances » peuvent orienter, lorsque la majorité des personnes est concernée. La Science pâtit d'avoir valorisé plus les processus que les questions initiales qui en étaient à l'origine. En particulier sur ce que ces questions révèlent de ce que nous sommes individuellement et collectivement.
 
En conclusion, je veux apporter ici des solutions, en commençant par la base qui est l'enseignement. Dès le primaire, la transition écologique ne doit pas constituer une sous-catégorie des thématiques actuelles, car elle les englobe toutes. A ce titre, elle doit en être le cadre de lecture général, au sein duquel les autres s'intègrent. De même, le travail sur la compréhension par l'élève de ses propres émotions et de ses propres biais cognitifs doit primer pour l'amener dans la compréhension du vivant qui l'entoure et qui l'inclut. Pour aller vers une relation plus naturelle entre ce que nous sommes et la Nature. Les outils de la Culture pouvant constituer des catalyseurs propices à ce cheminement. Les sujets doivent être traités non pas en dehors de l'être humain mais mis en perspective avec ce qui le constitue. Du point de vue de la Culture, dont la mission est de questionner et d'imaginer le monde, entres autres, il conviendrait, en parallèle, que les écoles d'arts et d'architecture s'acculturent autour des questions de sciences et de transition écologique avec des matières spécifiques. Pas uniquement sur les questions de la décarbonation de la Culture et de préférence sans stéréotype et préjugé. Pour finir, les formations universitaires devraient créer des cursus spécifiques de médiateurs, avec une approche pluridisciplinaire mêlant sciences, histoire, philosophie, religions, actualités, technologies, etc. Pour couvrir l'ensemble des sujets de la transition écologique en les mettant en perspective les uns avec les autres.


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