Les recherches sont formelles : les géants des océans sont en train de se transformer en aspirateurs à plastique.
Une étude menée par des biologistes marins de l’Université de Stanford et publiée dans la revue Nature Communications révèle que les baleines bleues ingèrent en moyenne 10 millions de fragments de plastique par jour, soit environ 43,5 kg de déchets. Ce constat alarmant jette une lumière crue sur l’impact croissant de la pollution plastique, un fléau encore largement sous-estimé face à d'autres enjeux environnementaux comme les émissions de gaz ou le dérèglement climatique.
Une ingestion massive et indirecte
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces microplastiques ne sont pas avalés directement à partir de l’eau. Ils sont ingérés via la chaîne alimentaire, notamment par le biais du krill, un petit crustacé dont se nourrissent principalement ces cétacés. En effet, la taille des particules plastiques est comparable à celle des proies naturelles des baleines à fanons, qui filtrent leur nourriture à l’aide de lames de kératine.
Des chiffres qui donnent le vertige
L’étude a porté sur 29 rorquals communs, 126 baleines bleues et 65 baleines à bosse dans les eaux côtières de Californie. Elle estime que :
Les baleines à bosse consomment en moyenne 4 millions de fragments plastiques par jour (soit 38 livres, environ 17 kg), et jusqu’à 200 000 pour celles qui se nourrissent davantage de poissons que de krill.
Les rorquals communs (ou petits rorquals) ingèrent environ 6 millions de morceaux par jour, soit jusqu’à 57 livres (environ 26 kg) de plastique.
Au rythme actuel, une baleine bleue peut ainsi ingérer plus d’un milliard de particules plastiques au cours de sa saison d’alimentation, qui s’étend généralement sur 3 à 4 mois. Le poids total de plastique absorbé peut varier de 230 kg à 4 tonnes selon les individus.
Une menace qui s’aggrave
Les chercheurs alertent : ces estimations sont issues de régions relativement modérément polluées comme la côte ouest des États-Unis. Dans d’autres zones du globe, bien plus contaminées, les quantités pourraient être largement supérieures. Si la pollution plastique continue de croître au rythme actuel, certaines baleines pourraient être exposées à jusqu’à 150 millions de particules par jour.
Matthew Savoca, biologiste marin et coauteur de l’étude, précise : « Même dans des zones dites modérément polluées, les baleines à fanons consomment déjà plusieurs millions de fragments plastiques quotidiennement. »
Un impact encore mal compris
Les conséquences de cette ingestion massive restent partiellement obscures. Certaines recherches suggèrent que les baleines rejettent ces particules dans leurs excréments. D’autres études ont identifié des traces de produits chimiques liés au plastique dans les tissus d’individus échoués, laissant craindre une accumulation toxique.
Au-delà des baleines, la pollution plastique est responsable chaque année de la mort de 100 000 mammifères marins, selon
l’UNESCO. Dauphins, poissons et oiseaux marins en sont également victimes, souvent retrouvés avec l’estomac rempli de déchets.
100 000 mammifères marins meurent chaque année à cause de la pollution plastique
L’urgence d’agir
Malgré les efforts de réduction des gaz à effet de serre et le développement des énergies renouvelables, le plastique continue d’envahir les océans. Pire encore, la moitié du plastique présent sur Terre aujourd’hui a été produite au cours des vingt dernières années.
Environ 9 % seulement du plastique vendu chaque année aux États-Unis est recyclé. Et chaque année, ce sont 13 millions de tonnes de déchets plastiques qui finissent dans les mers du globe — soit l’équivalent d’un camion-poubelle déversé à la mer chaque minute.
Vers une planète moins plastique ?
Alors que certaines espèces de cétacés, comme les baleines grises ou les baleines à bosse, commencent tout juste à se remettre des polluants chimiques bannis dans les années 1970 (comme le DDT ou les PCB), elles font désormais face à une nouvelle menace invisible mais omniprésente : le microplastique.
Réduire la pollution plastique implique de repenser profondément notre dépendance au plastique à usage unique, de développer des politiques ambitieuses de réduction à la source, et d'intensifier les efforts de sensibilisation. Protéger les océans, c’est aussi protéger les plus grands animaux de la planète... et l’équilibre fragile de tout notre écosystème.
Comment
Reply