29 Nov 2024
Dans nos océans flottent non seulement des macro-déchets en plastique mais également des micro-plastiques (fragments < 5mm). Ces derniers sont issus directement de nos produits ou proviennent de la fragmentation des macro-plastiques.
La pollution par les micro-plastiques est complexe et pernicieuse. En effet, elle est peu visible, et les fragments sont très stables. Ils peuvent persister jusqu’à 1000 ans dans le milieu marin, libérant donc longtemps dans l’eau les substances chimiques nocives qui le composent. Mais pas seulement! Comme ce sont de véritables éponges, ils absorbent toutes les molécules qu’ils rencontrent. Ces substances nocives sont difficilement biodégradables et restent donc longtemps dans l’environnement. Ainsi, certains composés très nocifs pour l’environnement, aujourd’hui interdits, se retrouvent encore dans les océans.
Mais alors, quels sont les effets de la pollution plastique et de ces molécules sur les organismes ?
Polluants, additifs, polymères du plastique… Toutes ces substances nocives sont absorbées par les micro-organismes lorsqu’elles sont libérées dans l’environnement marin. Quant aux micro-plastiques, ils peuvent être directement ingérés par la plupart des espèces de plancton, de petits poissons mais aussi d’organismes filtreurs comme les moules ou les huîtres. Or, tous ces organismes représentent les premiers maillons de la chaîne alimentaire.
Encore peu d’études permettent d’évaluer réellement la toxicité des micro-plastiques pour ces organismes, ni même les menaces qu’ils représentent sur les chaînes alimentaires… Pour certains chercheurs, ils les évacuent trop rapidement pour permettre leur assimilation dans les tissus. Il serait alors peu probable de retrouver les micro-plastiques dans les niveaux supérieurs de la chaîne alimentaire. Néanmoins, des études soulignent que la concentration en micro-plastiques dans les gyres est comparable, voire supérieure, à celle du zooplancton. Ainsi, lorsqu’un poisson s’y nourrit, il a plus d’une chance sur deux d’ingérer des micro-débris.
Mais, que disent concrètement les travaux récents ? Dans un article publié en 2014 (ici), les données montrent que les micro-plastiques sont retrouvés dans les déjections des animaux. De plus, lorsque ces derniers meurent, ils emportent vers les grands fonds les micro-débris qu’ils contiennent… Une étude de 2011 (ici) montre que l’on trouve des micro-plastiques dans l’estomac de 9% des petits poissons vivant entre -200 et -2000 mètres, au niveau du gyre du Pacifique Nord. Chaque année, ils ingurgiteraient entre 12000 et 24000 tonnes de plastique. Soit ils en meurent de faim, soit ils sont mangés par leur prédateurs. Et, si un organisme contaminé est mangé par son prédateur, ce dernier le devient à son tour…
Ce mécanisme bien connu s’appelle la bioaccumulation. Dans la majorité des cas, ces types de substances ne sont pas éliminés par les organismes et s’y accumulent. Plus un petit poisson mange une algue contaminée, même faiblement, plus il sera lui-même contaminé. Et ainsi de suite pour chaque niveau de la chaîne alimentaire, jusqu’à l’Homme qui est en général le dernier prédateur. Au final, la concentration du composé en fin de chaîne est souvent plus élevée que dans le milieu : c’est la bioamplification. Ainsi, il existe bien un transfert entre un organisme et son prédateur. Les niveaux supérieurs de la chaîne alimentaire ne sont donc pas épargnés, bien au contraire.
Micro-organismes et plancton sont mangés par de nombreux petits poissons, mollusques, oiseaux, mais également par les baleines et les requins pèlerins. Les prédateurs subissent donc la pollution des micro-plastiques au travers de leurs proies par la bioaccumulation, mais également de manière directe. En effet, il ne faut pas oublier qu’une baleine filtre 70000 litres d’eau chaque fois qu’elle ouvre la bouche! Immanquablement, elle ingurgite des micro-plastiques. C’est donc une pollution complexe, invisible, très difficile à estimer.
Quant aux macro-déchets, ils ont, eux, un impact direct et bien visible. Ce sont environ un million d’oiseaux marins et 100000 tortues et mammifères marins qui meurent chaque année de cette pollution. Ils peuvent se retrouver emprisonnés dans des sacs plastiques ou des filets, dans lesquels ils meurent de faim ou d’étranglement. Souvent, ils succombent après avoir ingéré des déchets plastiques en les confondant avec une proie. Les tortues, par exemple, sont friandes de méduses qui ressemblent beaucoup à un plastique transparent en suspension…
Ainsi, cette ingestion peut entraîner étouffements, occlusions intestinales, perforation des organes digestifs, mais également croissance plus lente, vulnérabilité aux prédateurs et aux maladies. Par ailleurs, le transit peut être perturbé, provoquant des gaz qui font flotter l’animal. Dans le cas de la tortue, elle ne peut alors plus plonger pour se nourrir… Enfin, beaucoup meurent de faim. En effet, lorsque l’estomac est plein de déchets, il n’y a plus de place pour la nourriture.
En Méditerranée, une étude a montré que deux tiers des 171 oiseaux capturés avaient au moins un débris plastique dans l’estomac. Encore plus alarmant, 94% des fulmars retrouvés morts en mer du Nord et 92% dans le Pacifique Nord avaient des macro-déchets dans leur estomac. Les cétacés ne sont pas épargnés non plus : 59 objets en plastique, soit 17 kg, ont été trouvés dans l’estomac d’un cachalot de 10 mètres mort d’inanition, échoué en mars 2014 au sud de l’Espagne (d’après Sea Shepherd).
Cependant, il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’estimations… En effet, une partie des animaux victimes de cette pollution ne s’échouent pas sur les plages mais finissent au fond de l’océan. A contrario, trouver des déchets plastiques dans l’estomac d’un animal mort ne signifie pas obligatoirement qu’ils sont la cause du décès. Il n’en demeure pas moins que le plastique fait de très importants dégâts parmi la faune marine : plus de 600 espèces en subissent directement l’effet.
Par la bioaccumulation, les animaux en bout de chaîne alimentaire consomment des proies dont les tissus possèdent des concentrations en polluants bien plus importantes que celles du milieu de vie. Ironie de la situation, l’Homme est en général le dernier prédateur… Ainsi, il s’agit d’un simple retour à l’envoyeur, comme un boomerang qui prendrait beaucoup de vitesse en cours de route !
Les métaphores humoristiques ne manqueraient pas pour dénoncer cette catastrophe écologique et ce réel problème de santé publique. Une étude américaine de 2015 (ici) a été réalisée sur différents étals de marchés. À Makassar (Indonésie), des débris plastiques ont été retrouvés dans 28% des poissons et dans 55% des espèces vendues (poissons et coquillages). Sur les marchés californiens, 25% des poissons et 33% des coquillages étaient concernés.
Composants du plastique, pesticides, métaux lourds contaminent notre alimentation et, au final, nos tissus. Peut-être avez-vous déjà entendu parler du problème des Inuits, notamment des femmes à qui l’on déconseille d’allaiter? Dans le nord du Canada et au Groenland, pas d’industrie ni d’agriculture, mais l’écosystème est contaminé par de très nombreux polluants. Ces derniers sont transportés sur de longues distances depuis les régions industrialisées et s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Ils se retrouvent très concentrés dans les tissus des mammifères marins qui représentent la principale source de nourriture des Inuits. Dans les tissus des habitants de l’Arctique ont été détectés 200 composés dangereux (dont les PCB, utilisés dans les plastiques, et le DDT, un pesticide). Cette concentration en produits chimiques correspond à la plus importante jamais trouvée chez un être humain, où qu’il vive… Ainsi, le lait maternel de certaines Groenlandaises pourrait être classé comme déchet toxique!
Mais quel est l’impact de ces composés sur la santé humaine, et au-delà sur tous les organismes vivants?
On commence tout juste à entrevoir les conséquences toxicologiques de cette pollution sur la biodiversité et sur la santé. Bien évidemment, on pense tout de suite aux perturbateurs endocriniens que sont les additifs du plastique (phtalates, bisphénol A, retardateur de flamme…) et les pesticides. Ces molécules sont très proches des hormones de tous les êtres vivants, y compris des végétaux et de nous, les Hommes. Même à très faible dose, elles agissent sur l’équilibre hormonal. Elles ne sont pas toxiques en elles-même, mais elles provoquent des perturbations physiologiques, souvent de façon discrète. Elles peuvent induire des cancers et altérer des fonctions comme la croissance, le développement, le comportement, le sommeil, la circulation sanguine, l’utilisation de l’énergie ainsi que les fonctions sexuelles et reproductrices.
L’altération des fonctions de reproduction est peut-être la partie émergée de l’iceberg — on parle peu des autres problèmes de santé induits —, mais elle n’en demeure pas moins la plus préoccupante. De nombreuses espèces se trouvent aujourd’hui dans l’incapacité de se reproduire. Par exemple, très exposés au DDT, les alligators de Californie, les grèbes huppées et les escargots marins sont menacés d’extinction, faute de pouvoir avoir une descendance. Chez les dauphins de Méditerranée, les polluants organiques persistants semblent induire des variations sur les récepteurs d’oestrogène qui pourraient avoir des conséquences sur leur reproduction. La fécondité des huîtres est également touchée…
Et concernant les fonctions sexuelles et reproductrices humaines ? Force est de constater que nous ne sommes pas épargnés. Loin de là ! Depuis une petite trentaine d’année, on note, chez les hommes, des malformations du système reproducteur et une forte baisse de la fertilité (diminution de la qualité et de la quantité du sperme), et, chez les femmes, des pubertés précoces et des troubles de la reproduction (anomalies ovariennes, d’implantation de l’embryon et de gestation…).
Comme nous l’avons déjà vu, les déchets plastiques deviennent en mer de véritables éponges absorbant toutes les substances chimiques présentes dans l’environnement, y compris les métaux lourds. Ces derniers s’accumulent dans la chair des poissons puis, lorsque nous le consommons, dans le corps humain. Les métaux lourds ne sont jamais éliminés, et chaque dose prise s’additionne à la précédente… Par exemple, on sait que le mercure perturbe fortement le fonctionnement des organes vitaux (cœur, cerveau, reins, foie…).
En conclusion, l’ingestion de débris de plastiques a des effets désastreux sur la santé animale et sur la biodiversité. Mais, les déchets sont également des vecteurs de dispersion pour les espèces envahissantes, toxiques ou pathogènes…
À la surface des macro-déchets et des micro-plastiques vit une communauté d’organismes : diverses espèces animales, des algues, mais également de nombreux micro-organismes (bactéries, algues ou champignons). On parle alors de plastisphère, un nouvel écosystème marin inféodé aux débris plastiques, le plus résistant et le plus colonisé des déchets. Ces derniers se déplacent au gré des courants, charriant ces organismes à des milliers de kilomètres de leur lieu d’origine. Résultat : le plastique sert de radeau et entraîne une dissémination des espèces, bouleversant ainsi les écosystèmes.
L’arrivée d’espèces non indigènes dans un milieu est la plupart du temps catastrophique. Elles colonisent les nouveaux habitats et y prolifèrent. En général, elles prennent soit la place des espèces endémiques soit leur nourriture en étant plus performantes ou agressives. Ainsi, ces espèces exotiques déséquilibrent gravement les écosystèmes où elles s’installent et entraînent de véritables désastres écologiques. Cette introduction d’organismes invasifs est une des causes majeures de régression de la biodiversité.
Par exemple, la catastrophe de Fukushima en 2011 a entraîné le déversement de millions de tonnes de débris dans le Pacifique. Quelques mois après le tsunami, 120 espèces non autochtones ont été jetées sur le littoral nord américain. Parmi tous ces mollusques, anémones, huîtres, crabes, vers, moules, oursins, etc., l’arrivée de l’algue brune wakame et de l’étoile de mer japonaise inquiète particulièrement les chercheurs. En effet, elles sont sur la liste des 100 espèces exotiques envahissantes les plus néfastes. L’étoile de mer japonaise est responsable, à 42 %, de la disparition des coraux de la Grande Barrière australienne.
Enfin, cette dissémination concerne également les micro-organismes, notamment les bactéries ou les virus pathogènes. Ils peuvent être à l’origine de la propagation dans le monde entier de maladies infectieuses, affectant les poissons ou les coquillages (comme les huîtres). Quel en est l’impact sur la santé de l’Homme en bout de chaîne alimentaire? La question est d’autant plus prégnante que ces débris peuvent transporter également les vecteurs responsables de maladies chez l’espèce humaine. Par exemple, sur un des plastiques étudiés par une équipe du Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI), les bactéries dominantes appartenaient au genre Vibrio qui comprend les bactéries du choléra et les bactéries de maladies gastro-intestinales.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter nos sources :
. Plastique et environnement : ici
. Micro-Plastiques, tristes océans : là
. dans Courrier International : là
. site de l’Université de Laval (Québec) : ici
. Natura Sciences : par là
. Techniques de l’ingénieur : par ici
Why we need a UN Treaty on plastic pollution The Ellen MacArthur Foundation is a UK charity working on business, learning, insights & analysis, and communications to accelerate the transition towards the circular economy.
Air Pollution for Kids Air is all around us and we need it to survive.
Why We Need to Stop Plastic Pollution? Our oceans are being filled and killed by throwaway plastics.
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