Qu’est-ce qu’un pesticide ?
sciencepresse.qc.ca. Il faut d’abord s’entendre sur ce qu’est un pesticide. Celui-ci est défini, selon la Loi québécoise sur les pesticides, comme étant « toute substance, matière ou micro-organisme destiné à contrôler, détruire, amoindrir, attirer ou repousser, directement ou indirectement, un organisme nuisible, nocif ou gênant pour l’être humain, la faune, la végétation, les récoltes ou les autres biens, ou destiné à servir de régulateur de croissance de la végétation, à l’exclusion d’un vaccin ou d’un médicament, sauf s’il est topique pour un usage externe sur les animaux. » C’est une définition très large qui englobe bien des choses.
Lorsqu’on parle de pesticides, cela inclut donc les pesticides synthétiques (comme le glyphosate ou les néonicotinoïdes) et les pesticides naturels (des algues, des bactéries, des virus, des champignons qui s’attaquent aux indésirables, mais aussi des cendres, du lait, du potassium, du zinc, etc.).
Les pesticides en agriculture biologique
La culture biologique interdit l’usage des pesticides synthétiques. Un agriculteur dont la ferme est certifiée bio peut par contre avoir recours aux pesticides naturels, qui sont répertoriés par le gouvernement canadien dans le document Systèmes de production biologique – Listes de substances permises. L’utilisation de ceux-ci doit se faire suivant des normes spécifiques.
« Les producteurs qui pratiquent l'agriculture biologique doivent suivre des cahiers de charge élaborés pour réduire le plus possible les risques pour la santé et l’environnement », précise Onil Samuel, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Dans ce contexte, les agriculteurs n’utilisent aussi les pesticides naturels qu’en dernier recours. Ils essaient d’abord de préconiser des approches agronomiques comme le désherbage mécanique pour enlever les mauvaises herbes. Au Québec, ils peuvent se référer à une liste des pesticides naturels autorisés pour la culture biologique.
Une sous-catégorie des pesticides naturels est appelée biopesticides, c’est-à-dire des organismes vivants ou des substances naturelles de type biologique. On pense notamment à la bactérie Bacillus thuringiensis, nommée simplement Bt, qui est employée contre les insectes. La bactérie produit une toxine qui paralyse les cellules du système digestif de l’insecte ravageur.
Naturel, mais toxique ?
Les pesticides naturels peuvent-ils être toxiques pour le consommateur s'ils sont présents en trop grande quantité ? En effet, l’aspect naturel ne garantit pas l’absence de toxicité. Par exemple, la roténone, une molécule naturellement produite par des plantes tropicales provoque, lorsqu’elle est administrée à forte dose chez les rats, la maladie de Parkinson selon une étude publiée dans American Chemical Society (elle n’est plus autorisée en agriculture biologique).
« Les pesticides sont homologués et possèdent une prescription d’utilisation. Il y a une dose efficace, mais aussi une dose maximale à ne pas dépasser pour ne pas nuire à la plante », explique le conseiller scientifique à l’INSPQ.
Onil Samuel apporte de plus cette nuance. « Un pesticide, qu’il soit biologique, ou de source naturelle ou de synthèse, peut avoir une toxicité. Ceux qui sont utilisés en milieu biologique ont une toxicité sur l'environnement beaucoup moins élevée, mais on ne peut pas parler d’une toxicité complètement absente. Pour être capable de contrôler un organisme nuisible, elle doit avoir au moins un effet toxique sur celui-ci. Une fois rendu dans l’assiette, le fruit ou le légume contient une concentration généralement extrêmement faible », dit-il.
L’impact des pesticides sur l’environnement
lessentiel.macif.fr. Mais les effets néfastes des pesticides ne se limitent malheureusement pas à la santé. Ils impactent l’ensemble des écosystèmes dans lesquels ils sont dispersés : animaux, végétation, vie souterraine, qualité des sols… Une étude allemande publiée en 2017 montre un déclin de 76 à 82 % des insectes volants en Europe sur les 27 dernières années, une catastrophe pour la survie de toutes les espèces reliées dans la chaîne alimentaire, en particulier les oiseaux, batraciens, poissons et petits mammifères (chauves-souris, mulots…). Le rapport parlementaire de 2018 sur l’utilisation des pesticides pointe ainsi que « 37 % des populations d’abeilles, sauvages et domestiques et 31 % des papillons sont déjà en déclin, et 9 % menacées de disparaître ». Un impact qui se fait bien sûr aussi sentir sur la pollinisation des végétaux dont 80 % des cultures en dépendent, mettant en danger l’alimentation humaine.
Les oiseaux, eux, sont triplement impactés : par la disparition des stocks d’insectes et la contamination des espèces survivantes, mais aussi par la raréfaction des graines issues des plantes sauvages systématiquement éliminées par les modes de production de l’agriculture intensive. Un étau qui a conduit à une réduction de 30 % des populations d’oiseaux des champs en 15 ans, l’hécatombe s’élevant à 75 % chez quinze oiseaux nicheurs métropolitains inscrits sur la liste rouge des espèces menacées. Un désherbage massif qui accélère également l’érosion des sols.
Enfin, parmi les impacts certes moins spectaculaires mais dont les effets pourraient se révéler tout aussi problématiques, le rapport parlementaire met en avant que « l’impact sur la faune du sol, comme les vers de terre et les collemboles […] peut à son tour avoir des conséquences pour la santé des sols et des systèmes aquatiques, la structure des sols, leur perméabilité et le cycle des éléments nutritifs plus généralement ».
Quels pays consomment le plus de pesticides en Europe ?
fr.statista.com. Malgré les ambitions de la France en matière de réduction d'usage des pesticides, une note de suivi récemment publiée par le ministère de l'Agriculture a révélé que le recours aux produits phytosanitaires avait augmenté de 25 % en France (en nombre de doses unités) entre 2009 et 2018. Face à ce constat et en réponse aux critiques, Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture, a tenu à rappeler que l’objectif du gouvernement de réduire l'utilisation des pesticides de 50 % d'ici à 2025 était bien maintenu.
Mais où se situe la France en matière de consommation de pesticides comparée à ses voisins ? En valeur absolue, L'Hexagone fait partie des trois plus gros consommateurs d'Europe avec l’Espagne et l’Italie. Un chiffre bien entendu corrélé à la taille de la surface agricole, la France possédant la plus vaste de l’Union européenne devant l'Espagne. Cependant, si l’on regarde la consommation de pesticides ramené à la surface agricole, la France se positionne dans la moyenne de l'UE avec une utilisation de 3,6 kg/ha en 2017 selon la FAO. Comme le montre notre infographie, les données varient de moins d'un kilogramme à l'hectare (en Scandinavie), à environ 8 kilogrammes à l'hectare, comme à Chypre et aux Pays-Bas.
La nature et la quantité des pesticides utilisés sont très variables selon le type de culture et c’est pourquoi on observe de telles différences entre les États. Certains petits pays qui ont développé une agriculture fortement spécialisée se retrouvent ainsi très dépendants de la chimie. La culture de pommes de terre s'avère par exemple très gourmande en fongicides. Étant donné la place importante qu'elle occupe dans l'agriculture aux Pays-Bas - le pays est le 9ème producteur mondial - on comprend mieux les niveaux élevés de consommation enregistrés.
Quelles alternatives ?
franceculture.fr. De nombreuses alternatives sont déjà en place pour tenter de diminuer l'utilisation de pesticides. Il y a déjà la diminution des doses en elles-mêmes. Il faut tenir compte de la densité de végétation sur une terre et adapter la quantité de produit en fonction. Un dosage que Jean-Paul Douzals, directeur de recherches à l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), compare à celui d'un médicament, qui s'applique selon l'âge et le poids d'une personne. "Si les agriculteurs jouent la sécurité, ils appliquent la pleine dose tout le temps et ce n'est pas intéressant, ni d'un point de vue agronomique, ni environnemental", ajoute le chercheur. Autre méthode pour éviter une consommation excessive, n'utiliser du désherbant qu'un rang sur deux dans les vignes ou vergers.
Le désherbage mécanique est aussi recommandé, à la place du chimique. À l'Inra, Laure Mamy, chercheuse à l'Inra et spécialisée sur l'impact des pesticides sur l'environnement, et ses collègues ont accompagné plusieurs projets de recherches en méthodes alternatives. À commencer par la diversification des cultures. Les maladies et les parasites sont spécifiques pour chaque culture. En réimplantant chaque année les mêmes cultures, la pression parasitaire se renforce. Changer de cultures régulièrement permet de réduire cette pression et de limiter le recours aux traitements chimiques.
Entre chaque culture, pour éviter que les terres ne soient nues l'hiver, des cultures intermédiaires sont utilisées. Bien souvent, elles ne sont ni récoltées ni rentables et sont simplement détruites avant la semence des futures cultures, et du désherbant est dans ce cas utilisé. Laure Mamy, chercheuse à l'Inra et spécialisée sur l'impact des pesticides sur l'environnement, prône l'introduction de cultures intermédiaires gélives, comme le trèfle ou la moutarde, qui seront détruites avec les premières gelées de l'hiver. "Le sol est protégé, l'enfouissement des résidus de culture apporte de la matière organique au sol et va l'enrichir pour la prochaine culture", détaille la spécialiste.
Des produits de bio-contrôle basés sur des micro-organismes (certains trichoderma, sorte de champignons), des substances d'origine naturelle (l'huile de menthe verte) et des phéromones sont aussi à l'étude. Leur efficacité devra être durable sans modifier l'environnement, les écosystèmes ni avoir d'effet néfaste sur la santé humaine pour que les tests soient concluants.
"Ces méthodes alternatives ont montré que l'usage des pesticides peut être réduit de façon significative, jusqu'à 80% voire plus dans certains cas", affirme Laure Mamy. Une généralisation qui prend du temps reconnaît la chercheuse, en raison de la formation nécessaire et de l'investissement en nouveau matériel nécessaires pour l'agriculteur.
Aujourd'hui, seule 6,5% de la surface agricole française est classée bio en France. Le gouvernement entend la porter à 15% d'ici 2022.