La stratégie bas carbone encouragée par Emmanuel Macron aurait-elle du plomb dans l’aile ? Du côté des industriels en tout cas, la marche semble s’effectuer au ralenti. C’est ce qu’avance le rapport signé par le Réseau Action Climat et France Nature Environnement. Pour celui-ci, les 50 sites français les plus émetteurs de CO2 prennent tout leur temps.
Le Réseau Action Climat et France Nature Environnement dénoncent la difficile mutation de l’industrie française

Le Réseau Action Climat est l’antenne française d’un réseau mondial qui compte près de 1 900 membres. Il regroupe 27 associations nationales et 10 associations locales, toutes engagées dans la lutte contre le changement climatique. En collaboration avec France Nature Environnement, la fédération a publié un rapport sur le climat et l’environnement des 50 sites les plus émetteurs de CO2 pour l’année 2023.

Le rapport révèle des manquements clairs dans les ambitions et les actions des grands acteurs industriels ainsi que des pouvoirs publics. « En 2023, l’industrie a émis 17,5% des émissions nationales de gaz à effet de serre, ce qui en fait un secteur clé pour l’atteinte des objectifs climat de la France. De plus, l’impact de l’industrie sur l’environnement n’est pas que climatique: les scandales environnementaux et sanitaires, tels que la contamination aux polluants éternels, se multiplient à un rythme inquiétant, tandis que les contrôles se raréfient. », précisent les auteurs du rapport.

Les industriels veulent prendre leur temps

Un constat d’abord : 2023 aura été particulièrement décevante pour la décarbonation de l’industrie. Surtout après qu’Emmanuel Macron ait annoncé une loi industrie verte en mai de la même année. Depuis, « les 50 sites les plus émetteurs de CO2 de France ont travaillé avec l’Etat pour élaborer leurs trajectoires de réduction des émissions GES dans le but d’atteindre les objectifs de la future stratégie nationale bas carbone. Les organisations de la société civile expriment leur déception. Ils ont rendu publics seuls les contrats de transition écologique. Ils représentent une version tronquée des feuilles de route complètes. De plus, les industriels n’ont aucune obligation de les respecter et certains ont déjà avertis du décalage de leur décarbonation face à un prix du carbone volatile et une incertitude sur le coût de l’électricité. » 

Certains sites industriels ont augmenté leurs émissions GES en 2023

Ainsi, Réseau Action Climat et France Nature Environnement jugent « préoccupant de constater que certains sites ont augmenté leurs émissions GES en 2023. » Ils pointent du doigt LAT Nitrogen à Grand Quevilly, avec une augmentation de 42 %. Ils évoquent aussi l’usine TotalEnergies de Gonfreville (+9.8 %). De plus, Aluminium Dunkerque a augmenté ses émissions de 5.3 %, et Lyondell Chimie France à Fos-sur-Mer de 3.8 %. « Il est inquiétant de constater que de nombreux industriels prévoient de capter une partie de leurs émissions alors que ces technologies de captage de carbone présentent de nombreuses limites. Il faut justifier le recours à ces technologies. De plus, il ne doit pas détourner les industriels de la transformation nécessaire de leurs activités. » 

« Alors qu’ils sont pour le moment sous-investis par les industriels qui préfèrent se concentrer sur les solutions technologiques, la sobriété et l’économie circulaire sont les deux piliers de la décarbonation de l’industrie. »

Un manque criant d’investissements… et de sobriété!

Les auteurs du rapport s’appuient sur les évaluations de l’Institut Rousseau. Selon eux, il faudrait 48 milliards d’euros pour décarboner l’industrie française. Soit 27 milliards de plus que les investissements prévus. Et si l’Institut Rousseau recommande que 20 milliards soient directement pris en charge par l’Etat sous forme de subventions à l’investissement vert industriel, Réseau Action Climat avertit: « Ce soutien public ne doit pas être de l’argent gratuit : il doit être assorti d’éco-conditionnalités, permettant une maximisation de son efficacité et un suivi des dépenses. Cet effort d’investissement doit être réalisé en parallèle à une diminution de la consommation, permettant une baisse de certaines productions. En effet, alors qu’ils sont pour le moment sous-investis par les industriels qui préfèrent se concentrer sur les solutions technologiques, la sobriété et l’économie circulaire sont les deux piliers de la décarbonation de l’industrie. »

Des aides conditionnées au respect des réglementations, mais…

Reste, pour  le Réseau Action Climat,  le cas épineux d’ArcelorMittal. « En janvier dernier, une aide d’Etat d’un montant exceptionnel de 850 millions d’euros destinée à la décarbonation du site ArcelorMittal à Dunkerque a été confirmée par le gouvernement. Un enjeu majeur puisque en 2023, 2.8% des émissions nationales de gaz à effet de serre tous secteurs confondus proviennent des sites ArcelorMittal de Fos-sur-Mer, Dunkerque et Florange, et que la filiale française a déjà perçu 392 millions d’euros d’aide publique française et européenne depuis 2013, et dégagée plusieurs milliards d’euros de la spéculation de crédits carbone gratuits. »

Pourtant, selon le Réseau, ArcelorMittal « multiplie les infractions environnementales » sans rien dévoiler de sa stratégie environnementale. « L’Etat a la responsabilité de conditionner cette aide exceptionnelle (…) au respect d’objectifs climatiques, sociaux et environnementaux ». Au final, c’est bien ce flou et ce non respect des engagements que la fédération regrette. Tout en rappelant que « ces pollutions ont aussi un coût financier: en 2021, la pollution industrielle a coûté 15,5 milliards d’euros de dommages sur la santé et les écosystèmes à la société française. » Or, en 2022, les autorités ont réalisé moins de 23 000 inspections sur les 500 000 installations françaises.

Source: Make A Move

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