Journée internationale sans paille
Dans un article publié en 2019 dans The Guardian, Donald Trump a été qualifié de très raisonnable dans sa réponse à la question posée par un journaliste sur l’interdiction des pailles en plastique. Sa réponse a été la suivante : “Les pailles sont une question intéressante qui a suscité une attention disproportionnée, et d'autres plastiques à usage unique, tels que les gobelets, les assiettes et les emballages, doivent faire partie des efforts visant à lutter contre notre dépendance insoutenable au plastique.”
En effet, c’est une réponse raisonnable, si l’on cherche efficacement à résoudre ce problème tous les déchets plastiques doivent être inclus dans la lutte contre la pollution plastique en commençant par les plus importants. Ainsi, comprendre la pollution plastique c’est aller à la source de chacune d’elle : de chaque gobelet, de chaque assiette, de chaque emballage et de chaque paille. Mais en définitive il s’agit avant tout de questionner chaque consommateur et donc de questionner l’homme. Comprendre la nature humaine est la clé qui nous ouvrira les portes pour une véritable transition écologique.
Souvent, lorsqu’un problème est comple0xe et d’une grande ampleur, comme c’est le cas de la pollution plastique, les personnes se retrouvent généralement dépassées et tombent dans un certain pessimisme en traitant de fous ceux qui osent où elles n’ont pas su agir. Si nous voulons relever le défi d’éliminer la pollution plastique, nous avons besoin d’établir des objectifs atteignables au quotidien et comprendre que les grands changements se font par étape. Ainsi commencer par les pailles est un bon début et non une absurdité pour progresser dans la lutte contre cette pollution.
Mais commencer avec les pailles n’est pas non plus une tâche facile. Dans sa réponse, Donald Trump a soulevé un autre aspect très important, la dépendance de l’humanité aux objets en plastique surtout ceux à usage unique est le véritable problème. Nous le savons bien, il n’est pas facile de sortir d’une dépendance. L’addiction de l'humanité au plastique jetable est une maladie qui s’attrape très facilement. Les industriels y veillent bien, ce n’est pas tant pour le confort des consommateurs mais bien parce que c’est l’un des poumons du système capitaliste actuel.
Complice du système à la recherche d’un confort démesuré nous avons perdu la capacité de regarder plus loin que le bout de notre nez en ne nous occupant pas de tout le mal que peuvent faire nos déchets qui s’éparpillent chaque jour sur tout le globe.
En 2015, une tortue marine est capturée sur la côte Pacifique du Costa Rica par des scientifiques et une ONG environnementale. Dans sa narine : une paille en plastique, fichée jusque dans sa gorge. Les sauveteurs retirent lentement la paille à l’aide d’une pince tandis que du sang coule de l’animal. La vidéo de la scène a touché des millions de personnes. Plusieurs autres espèces sont également victimes de cette pollution. Chaque année c’est un million d'oiseaux et plus de 100 000 mammifères marins, qui mangent les déchets ou s'y emmêlent. À côté des animaux, c’est toute la nature qui est touchée. Mais nous sommes des êtres qui nous affichons des conséquences en continuant à adorer les causes.
Selon Jim Leape, co-directeur du Stanford Center for Ocean Solutions, les pailles en plastique représentent environ 1 % des déchets plastiques présents dans l'océan. Selon le PNUE, la production de déchets plastiques est considérable, chaque année, plus de 280 millions de tonnes de produits en plastique utilisés pendant une courte durée sont jetés. C’est Plus de 40 % du plastique qui n'est utilisé qu'une fois, avant d'être jeté alors que les estimations sur la durée de vie du plastique vont de 450 ans à l'infini. En 2019, les plastiques ont généré 1,8 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, soit 3,4 % des émissions mondiales. Depuis 1950, c’est plus de 8,3 milliards de tonnes de plastiques produites par l'Homme, et 8 et 15 millions de tonnes sont déversées chaque année dans les océans.
Il n’existe aucun chiffre global d’utilisation, mais selon le National Park Service (agence nationale américaine qui gère les parcs nationaux du domaine fédéral), les Américains utiliseraient à eux seuls entre 170 et 500 millions de pailles par jour.
En France, les pailles en plastique font partie des 10 déchets les plus ramassés sur les côtes françaises. » peut-on lire sur le site du collectif Bas Les Pailles. « Leurs petites tailles font qu'elles sont difficiles à recycler » explique Flore Berlingen, membre du collectif. « Souvent par l'effet du ruissellement elles finissent dans la nature ou dans l’océan ».
La lutte contre la pollution plastique est un problème qui mérite l’attention de tous ceux qui en sont dans une mesure ou un autre responsable. Le but n’est pas de culpabiliser mais plutôt de responsabiliser. Car chaque personne peut agir. Nous n'avons pas une obligation de résultat, nous avons une obligation d’action, c’est le minimum que nous puissions faire en toute justice pour les prochaines générations.
Plusieurs personnes l'ont compris et unissent leur voix au sein de certaines associations afin de faire prendre conscience à plus de personne de la nécessité d’éliminer cette pollution, et lorsque cette volonté vient directement de la tête d’une plus grande entité c’est un grand pas en avant.
En 2016, La Ville de Tofino fait figure de référence en devenant la première municipalité de Colombie-Britannique à interdire tout usage d’ustensiles en plastique en donnant cinq mois aux entreprises touchées pour s’adapter à la transition. Aux Etats-Unis, Seattle est devenue la première ville à interdire les pailles en plastique en 2018 suivie de la Californie qui est devenue le premier État des États-Unis à interdire les sacs en plastique, se joignant aux efforts de plusieurs autres nations qui le faisaient déjà, comme le Kenya, la Chine, le Bangladesh, le Rwanda et la Macédoine. En 2018 toujours, au Royaume Uni, les citoyen.ne.s ont obtenu à la suite d’une pétition l’engagement de McDonald’s UK pour passer aux pailles en papier et interdire des pailles en plastique.
C’est aussi en 2018, qu’a eu lieu la toute première Journée internationale sans paille dans une trentaine de pays. Elle a été lancée par un collectif d'associations en partenariat avec le projet Bye Paille porté par l’association “Low Carbon City” qui vise à réduire l'empreinte carbone de la consommation humaine.
Depuis juillet 2021, une directive européenne interdit de mettre sur le marché des pailles, des assiettes ou encore des couverts en plastique à usage unique au sein de l'UE.En 2022, les États Membres de l’Organisation des Nations Unies ont adopté une résolution visant à mettre fin à la pollution plastique.
Pendant ce temps l’industrie du plastique de son côté n’a pas croisé les bras. Elle s’est véritablement engagée à mettre les bâtons dans les roues à ces initiatives, à l’exemple de Keith Christman directeur général des marchés plastique pour l'American Chemistry Council (Conseil américain de l'industrie de la chimie), il soutient que l'industrie s'opposera à tout effort visant à proscrire les pailles en plastique. C’est grâce à une modification de sa réglementation concernant la Stratégie de réduction des articles à usage unique que Tofino ajoute les couverts de plastique aux objets déjà interdits, comme les contenants en polystyrène pour les plats à emporter, les pailles ou les sacs de plastique. Dans un communiqué, le maire de Tofino, Dan Law, explique que cette nouvelle réglementation est un grand pas en avant dans la lutte contre la pollution par le plastique.
Ces industriels ne cherchent pas à proposer des solutions au problème mais uniquement à maintenir leurs propres affaires. Pourtant les alternatives aux pailles en plastique existent : en bambou, en inox, en verre, en amidon ou en carton.
L’utilité du plastique est à comparer avec son impact sur notre planète et surtout sur notre propre santé. De nombreuses études montrent que les matières plastiques contiennent de nombreuses substances chimiques, qui peuvent s'avérer nocives pour la santé humaine et animale. Il y aura des transitions plus coûteuses, pour lesquelles nous auront du mal à faire le premier pas, dont le manque aura un véritable impact sur la vie des personnes, mais sortir de notre consommation de paille est le premier test sur notre capacité à réduire collectivement notre empreinte écologique qui est le seul moyen pour garantir l'habitabilité de notre planète pour les années à venir.
Le progrès n’est pas toujours dans l’application des choses nouvelles, le progrès pourrait être aussi de revenir en arrière lorsqu’on se rend compte que l’on a pris un mauvais chemin.
Merci pour cet article !