Dimanche aura lieu le second tour des élections législatives. Impossible à ce stade d’en prévoir le résultat : c’est à l’échelle de chaque circonscription que les choses vont se jouer. Dans nombre d’entre elles, il y aura un ou une candidate prônant des idées d’extrême-droite.
Et si… l’extrême-droite arrivait au pouvoir ?

Certains électeurs et électrices sont tentés de voter pour ces candidatures, pour “essayer autre chose”, par ras-le-bol des politiques actuelles, parce que leurs situations sont trop difficiles et qu’elles et ils ont un besoin urgent de changement… D’autres se disent que tous les politiques se valent, que les autres ne sont pas mieux, qu’autant s’abstenir. Projetons-nous :  quelles seraient les conséquences sur notre démocratie, sur l’écologie, sur les défenseurs et défenseuses de l’environnement de l’accession de l’extrême-droite au pouvoir ?

Marche arrière pour l’environnement et la justice sociale

L’analyse à la fois des votes et du programme du Rassemblement National montre que la sauvegarde de notre planète ne fait l’objet d’aucune réflexion de la part de ce parti. Bien qu’il promeuve une plus grande souveraineté énergétique de la France, il ne propose aucune solution pour sortir de notre dépendance à l’uranium étranger créée par le nucléaire. Au contraire, s’il arrivait au pouvoir, il l’aggraverait en développant notre dépendance à ce combustible non renouvelable et polluant.

Aucune solution non plus pour aider à sortir de notre dépendance au pétrole : les personnes les plus démunies ne se verraient proposer aucune alternative de transports en commun, restant piégées face à l’augmentation incessante du plein d’essence. Pas plus de proposition pour améliorer notre souveraineté alimentaire, puisqu’il refuse de développer une agriculture de proximité et de qualité, et de lutter contre la dépendance actuelle de la France aux pesticides importés de l’étranger. Le plus souvent lors de la législature précédente, le vote des élu·es RN n’a consisté qu’à s’aligner sur les préconisations des lobbies agro-industriels.

Le refrain du RN sur un “localisme”, en réalité non pensé, n’apportera donc aucun progrès pour l’écologie.

Pire, ce parti semble instrumentaliser les tensions issues du dérèglement climatique, de la raréfaction des ressources, des pollutions et de l’effondrement de la biodiversité. Au lieu de trouver des solutions pour une transition juste et solidaire, permettant à chacun de vivre dans les limites de la planète sans laisser personne au bord de la route, le RN propose par démagogie de ne rien faire, voire de démolir les protections existantes sous couvert de “simplification”. Comme s’il suffisait de refuser de traiter le problème pour qu’il disparaisse…

Les associations dans le viseur : dangers pour les libertés d’expression et d’action

L’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite mettrait en danger de nombreuses associations œuvrant pour la solidarité, la justice sociale ou encore l’environnement. Celles-ci sont pourtant indispensables pour défendre l’intérêt général, faire vivre la démocratie et permettre à chacune et chacun de s’engager pour les causes qui lui tiennent à cœur.

Le Mouvement Associatif, qui rassemble au travers de ses membres plus de 700 000 associations, ne s’y trompe pas et rappelle sans cesse les dangers du RN pour la liberté associative.

Des député·es d’extrême-droite ont plusieurs fois soutenu des amendements visant à couper les subventions ou supprimer le bénéfice de la défiscalisation des dons aux associations de protection de l’environnement, ayant osé ne pas être d’accord avec leurs idées et l’exprimer publiquement. Vous pouvez lire ici  une députée RN demander au gouvernement d’interdire toutes subventions à une association du mouvement FNE au motif qu’elle a saisi les tribunaux pour faire appliquer la loi.

Ce parti a à de nombreuses reprises pris position pour une répression plus forte des militant·es écologistes.  Dans les territoires où il est déjà pouvoir, nos associations subissent de nombreuses difficultés : elles sont traitées avec mépris, empêchées de se réunir ou d’accéder à des locaux publics, privées des fonds publics indispensables à la réalisation de leurs missions d’intérêt général…

Avec l’extrême-droite au pouvoir, toute personne en désaccord avec les politiques menées serait réduite au silence. La (bio)diversité des opinions et le droit à la différence, pourtant essentiels en démocratie, ne seront plus les bienvenus. Les associations n’auront plus les moyens d’assurer leur rôle de contre-pouvoir, d’animatrices du débat public, de lanceuses d’alerte. Alors bien sûr, nous n’abandonnerons pas. Car il n’y a pas de planète B, donc pas d’autres options que de continuer à agir pour la survie de notre espèce. Mais cet avenir de sobriété heureuse pour lequel nous luttons sera d’autant plus difficile à atteindre que les moyens d’agir se feront rares.

La démocratie en danger

Notre république est-elle si solide ? Nos institutions seront-elles en capacité de sauvegarder l’État de droit des excès de l’extrême-droite ?

Aujourd’hui, la France est un État de droit. Cela signifie en particulier que le Gouvernement est soumis aux principes et libertés garanties par la Constitution et les  les lois en vigueur, que son action est contrôlée par des juges, qui peuvent être saisis par la société civile, et que les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires sont bien séparés pour assurer l’indépendance de chacun. C’est un rempart contre l’autoritarisme et l’arbitraire. Or, un coup d’œil aux pays étrangers où l’extrême-droite a pris le pouvoir montre toujours que cette formation politique a tendance à se considérer au-dessus des lois, et notamment des lois internationales. Elle a aussi tendance à interférer avec la justice, à diminuer son indépendance, tout comme l’accès à la justice des citoyen·nes et de la société civile. Ce qui veut dire que le jour où vous serez confronté·e à une injustice, que par exemple une entreprise polluera votre air ou votre eau, il sera bien difficile d’obtenir gain de cause. Cela placerait également la France en mouton noir dans la diplomatie internationale, lui faisant perdre toute son influence et son rayonnement.

L’extrême-droite a aussi à de nombreuses reprises témoigné de son mépris pour la science. Elle a fréquemment remis en cause le consensus scientifique porté notamment par le GIEC. Son accession au pouvoir ferait perdre aux politiques publiques cette boussole de rationalité et de lucidité indispensable face aux bouleversements en cours. Les scientifiques ne s’y trompent pas, signant des tribunes contre l’extrême droite pendant la campagne électorale.

Enfin, pour faire face à la crise écologique, notre société a besoin d’espaces de dialogue, où s’inventent des solutions et se créent du consensus. La suppression programmée par le RN des instances de concertation (comme la Commission Nationale du Débat Public ou le Conseil National de la Transition Écologique) au nom de la lutte poujadiste contre “les comités Théodule”, marque une profonde méconnaissance de ces instances de dialogue et de démocratie, et la volonté de ne plus entendre de voix discordante. La disparition de ces instances de dialogue entre la société civile et l’État ne fera qu’aggraver les fractures et les divisions.

À toutes les personnes qui doutent, qui ont peur ou sont découragées, nous voulons dire qu’essayer l’extrême-droite ou s’abstenir de lutter contre elle « pour voir » revient à se tirer une balle dans le pied pour voir si ça fait mal. Loin d’apporter des solutions à des détresses réelles, ce parti nous enfermera dans une spirale de renoncements démocratiques, d’injustices et de divisions sociales, sources de violences. Un autre avenir est possible, celui de la solidarité, de l’humanisme, de la démocratie et de la construction d’un monde socialement juste et écologiquement vivable. Et si on l’essayait ?

Source: Nature Environnement

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