Biodiversité

20 Oct 2025

« L’île aux chats » en crise : comment Chypre risque de transformer son charme en catastrophe écologique

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Tired Earth

Par la rédaction

Les autorités estiment désormais qu’il y a environ un chat errant pour chaque résident

Chypre, l’île méditerranéenne célèbre depuis la préhistoire pour son lien intime avec les félins, se trouve aujourd’hui confrontée à une crise qui menace à la fois le bien-être animal, la santé publique et la biodiversité insulaire. Les autorités estiment désormais qu’il y a environ un chat errant pour chaque résident — soit près d’un million de félins — un chiffre que des associations animales jugent sous-estimé. Cette explosion démographique, alimentée par des programmes de stérilisation trop timides et une culture locale bienveillante mais désorganisée, exige une réponse nationale urgente et plurielle. 
 
Un héritage millénaire sous pression
 
Le rapport médiatique et scientifique sur Chypre rappelle que la relation humain-chat sur l’île remonte à au moins 9 500 ans : la célèbre tombe du site néolithique de Shillourokambos contenait le squelette d’un chat enterré aux côtés d’un humain, l’un des plus anciens indices d’une cohabitation volontaire entre espèces. Ce lien historique contribue à expliquer la tolérance et même l’affection dont jouissent aujourd’hui les populations de chats dans l’espace public, des places aux plages. 
Science
 
Ce charme apparent masque un risque écologique réel. Les recherches internationales montrent que les chats errants ont provoqué ou contribué à de nombreuses extinctions et déclins d’espèces insulaires, en s’attaquant aux oiseaux nicheurs, aux reptiles et aux petits mammifères endémiques. Sur des îles, où les équilibres sont fragiles, l’impact prédatoire et indirect (compétition, transmission de maladies, perturbation des processus écologiques) est démesuré : la présence de colonies non contrôlées peut précipiter la disparition d’espèces locales. Pour Chypre — important relais pour les migrateurs méditerranéens et possédant des espèces d’intérêt — le signal d’alerte est clair. 
 
Un chat errant de ville chasse un oiseau jaune.
 
Le programme de stérilisation géré par les municipalités ne réalise qu’environ 2 000 interventions par an pour un budget initial de ~€100 000 récemment porté à €300 000 — encore loin du besoin réel. La capture des chattes reproductrices, déterminante pour enrayer la natalité, reste lente et coûteuse ; la bureaucratie et l’absence d’une cartographie nationale des « points chauds » dispersent les efforts. Les associations locales, souvent bénévoles, font le gros du travail mais manquent d’accès aux ressources et à la logistique nécessaires pour une campagne à grande échelle. 
 
Des solutions éprouvées existent — à condition de les adapter
 
Loin d’être impuissante, la communauté internationale offre des modèles opérationnels : des villes comme Istanbul ont montré qu’une stratégie municipale à long terme de Trap-Neuter-Vaccinate-Return (TNVR), combinée à sensibilisation citoyenne et infrastructures vétérinaires subventionnées, peut stabiliser des populations de chats urbains sans recourir à l’éradication. Ces programmes réussissent quand ils sont centralisés, financés durablement et conçus pour prioriser les femelles et les zones de forte densité. 
 
Éthique et urgence politique
 
Il est impératif que la politique publique reste ancrée dans l’éthique du soin : stérilisation, vaccination, traitement post-opératoire et, lorsque c’est possible, intégration sociale via l’adoption. Mais compassion ne doit pas rimer avec naïveté. Sur une île, laisser proliférer des prédateurs domestiques a des conséquences écologiques irréversibles. Les autorités chypriotes doivent équilibrer protection animale et conservation de la biodiversité — un défi de gouvernance, mais aussi une opportunité de transformer l’image touristique de “l’île aux chats” en modèle de gestion responsable. 
 
À l’échelle individuelle, une stérilisation de chat errant est estimée autour de 55 € à Chypre — modeste au regard des coûts accumulés d’une crise chronique (santé publique, services municipaux, perte de biodiversité et d’attractivité touristique). Une politique proactive pourrait donc être rapidement rentable socialement et économiquement, tout en prévenant dommages écologiques potentiellement irréversibles. 


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