Le COVID-19 est-il bon pour le climat et l’environnement ?
Le confinement et la baisse très nette de l'activité économique (35 % en France selon l'INSEE) font chuter les niveaux de NO2 dans l'atmosphère notamment au-dessus des grandes villes comme Paris et Madrid. Les dernières données relevées par le satellite Sentinel-5P de Copernicus et modélisées par le Royal Netherlands Meteorological Institute (KNMI) sont édifiantes :
Concentrations moyennes en NO2 entre le 14 et 25 mars 2020 par rapport à la moyenne de mars 2019 au-dessus de la France
Concentrations moyennes en NO2 entre le 14 et 25 mars 2020 par rapport à la moyenne de mars 2019 au-dessus de l'Espagne
© Copernicus Sentinel (2019-20) / KNMI / ESA - Licence : Tous droits réservés
D'autres pays du nord de l'Europe sont étroitement surveillés, notamment les Pays-Bas et le Royaume-Uni - mais les scientifiques ont observé une plus grande variabilité en raison des conditions météorologiques changeantes.
De nouvelles mesures aideront à évaluer les changements de dioxyde d'azote dans le nord-ouest de l'Europe.
La qualité de l'air s'améliore nettement en Ile-de-France
L'association de surveillance de la qualité de l'air sur l'Ile de France, AirParif vient de relever une baisse jusqu'à 30 % des niveaux de pollution par rapport à un mois de mars "normal", sans confinement.
L'évaluation d'Airparif conduite entre le 16 et le 20 mars "met en avant une amélioration de la qualité de l’air de l’ordre de 20 à 30 % dans l’agglomération parisienne, consécutive à une baisse des émissions de plus de 60 % pour les oxydes d’azote. Le long des axes de circulation, cet impact peut être encore plus important. Il était en revanche peu visible pour les particules (PM10 et PM2,5) lors de ces premiers jours de confinement. Autre bonne nouvelle, cette baisse des polluants de l’air s’accompagne d’une baisse du dioxyde de carbone (CO2), gaz à effet de serre, soulignant les liens entre ces deux problématiques et le co-bénéfice pour le climat de toute amélioration de la qualité de l’air." précise Airparif dans son communiqué.
Autre élément édifiant : cette diminution a été enregistrée alors que le chauffage résidentiel - via la combustion de biomasse -, particulièrement polluant en hiver, avait augmenté.
C'est pourquoi, "cette baisse est liée en grande partie à la forte diminution du trafic routier et aérien. Celle des autres secteurs d’activité est moins quantifiable en raison du peu d’informations disponibles." précise AirParif qui ajoute : " en 40 ans de mesure d’Airparif, cette situation sur les stations trafic ne s’est jamais produite de manière aussi importante et sur autant de stations."
"En revanche, peu d’impact a été constaté pour les particules qui sont issues de davantage de sources et pour lesquelles la diminution du trafic n’a pas compensé l’augmentation liée au chauffage résidentiel et au maintien des activités agricoles, conjugués à une météorologie printanière favorable à la formation de particules observée dans plusieurs régions avoisinantes." note Airparif.
Le coronavirus n’est pas une bonne nouvelle pour l'environnement
Selon Celine Boulenger, économiste Degroof Petercam, l’impact à long terme du coronavirus sur l’environnement sera négatif. Tout d’abord, les bienfaits pour l’environnement sont éphémères. La Chine, par exemple, est connue pour accélérer sa production industrielle au lendemain de crises économiques, ce qu’elle fera sûrement dans les prochains mois, augmentant fortement les émissions de gaz à effets de serre. L’impact positif sur la qualité de l’air pourrait donc être réduit à néant.
De plus, une crise globale entraine souvent un repli des investissements durables. Effectivement, l’attention des gouvernements ainsi que celle du public est aujourd’hui focalisée sur le Covid-19, et non sur le changement climatique, qui lui, se retrouve en arrière-plan.
Certains gouvernements (en Italie et en Chine par exemple) ont déjà commencé à puiser dans leurs réserves fiscales pour essayer de limiter les dégâts économiques du coronavirus. Ces investissements vont cibler les PME touchées par la crise ainsi que le secteur de la santé, et non les secteurs écologiques, au plus grand regret de certains.
Vendredi dernier, plus de 4000 militants pour l’environnement (en présence de Greta Thunberg) réclamaient aux gouvernements de traiter la crise climatique avec la même urgence que celle du coronavirus.
La crise financière de 2008 nous donne une idée de l’impact des crises économiques sur l’environnement ; et plusieurs études montrent que cet impact était négatif. Une première menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), en 2012, auprès de la population française, montre que plus une crise économique est forte, plus elle détourne l’attention des problèmes environnementaux.
Une autre étude, menée par des chercheurs américains, révèle qu’entre 2008 et 2010, l’intérêt des Américains pour les problèmes climatiques a fortement faibli, et cela en grande partie à cause de l’incertitude économique créée par la crise financière. Si le coronavirus engendre une crise économique grave, il pourrait à son tour, asphyxier l’intérêt des citoyens pour l’environnement.
Ensuite, la crise du coronavirus a également amené à une diminution du prix du pétrole (causée par une faiblesse de la demande, venant, en autres, des secteurs de l’industrie et du transport). Cela pourrait rendre les énergies fossiles plus attrayantes et diminuer l’investissement dans les énergies vertes ainsi que la demande pour les véhicules moins énergivores.
Le Covid-19 a également un impact plus direct sur l’énergie renouvelable, à cause de l’importance de la Chine dans la production mondiale des panneaux solaires. Celle-ci est handicapée due au ralentissement de l’activité industrielle en Chine, certaines installations en Europe vont d’ailleurs devoir être reportées.
De plus, les chamboulements au niveau de la chaine de production des panneaux photovoltaïques pourraient pousser les prix à la hausse (alors que le pétrole, lui, devient moins cher) et donc affaiblir la demande.
Enfin, les efforts fournis par les industries du secteur du transport en matière de réductions d’émissions sont aussi sur la sellette. La chute de la demande engendrée par le coronavirus plombe les compagnies aériennes, dont les revenus vont chuter d’au moins 11 % en 2020.
Pour les aider à passer le cap, certaines d’entre elles, dont Air France-KLM, demandent même aux gouvernements européens de postposer le lancement de certaines régulations sur leurs émissions.
La France, par exemple, comptait lancer une "écotaxe" sur une majorité des vols dès 2020, il faudra voir si celle-ci est maintenue. Si ces politiques sont postposées, l’impact sur l’environnement pourrait être substantiel, car les émissions de CO2 venant du secteur aérien représentent déjà 3% des émissions globales, et on s’attend à ce qu’elles triplent d’ici 2050.