Dans la Drôme, des agriculteurs tentent de « ralentir » l’eau
On a « arrêté tous les labours dans la pente », parce que ça « créait des autoroutes à eau de pluie », explique à l’AFP Marco Forconi, du GAEC de Montlahuc, une exploitation de 1.000 hectares entre le Vercors et le massif des Baronnies.
L’ingénieur agronome a repris cet élevage de brebis en 2012 avec d’autres paysans. Ils ont progressivement diversifié l’exploitation, où les forêts de sapins côtoient aujourd’hui de petites parcelles bordées d’arbres et de haies, au milieu desquelles paissent vaches et ovins.
Si les nappes d’eau souterraines sont à des niveaux relativement élevés ce mois d’août, selon le dernier rapport mensuel du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les sécheresses se font de plus en plus fréquentes dans la Drôme, comme ailleurs dans le Sud.
En 2023, 19 communes du département ont été reconnues en état de catastrophe naturelle après un épisode marqué de sécheresse au printemps et à l’été, selon le Journal officiel.
Pour s’adapter à ce climat de plus en plus sec, Marco Forconi et ses associés ont réalisé de nombreux travaux, suivant un mouvement qui fait de plus en plus d’émules.
« On a bouché les fossés de drainage » et creusé des canaux qui suivent les courbes de niveau, perpendiculaires à la pente, afin que l’eau se répartisse et s’infiltre, explique-t-il.
« Sur ce bassin versant, on a principalement travaillé sur les sols et les champignons », poursuit le jeune agriculteur. « On fait toute une popote pour remettre de la vie dans les sols », car la présence de matière organique permet de garder l’humidité.
« Grosse bêtise »
Ces 30 dernières années, les politiques publiques ont contribué à « accélérer la circulation de l’eau », en canalisant les rivières pour empêcher les inondations, en endiguant les méandres ou encore en drainant les prairies inondables, note Florence Habets, hydroclimatologue au CNRS.
Nos systèmes hydriques « ont subi de forts impacts humains », détaille-t-elle. « C’était une grosse bêtise. »
A l’inverse, « les paysages de demain » devront retenir l’eau et créer des îlots de fraîcheur, estime Antoine Talin, paysagiste et co-exploitant de la pépinière des Alvéoles, un espace de 4.000 m2 dédié à la « formation en agroécologie » situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Valence.
Il y enseigne des principes connus sous le nom d' »hydrologie régénérative », qui permettent notamment de favoriser la transformation des précipitations en réserves souterraines grâce à des aménagements paysagers, aux plantes et à la matière organique.
« Dans un sol riche, on peut avoir jusqu’à 5% de matière organique. Ça fait des volumes d’eau considérables. En moyenne, en France, après-Guerre, on avait 4% de matière organique dans les sols agricoles. Aujourd’hui, on est à 1,5% », assure-t-il devant un groupe d’élèves, avant de les guider dans un atelier pratique.
« Option terrasse »
Les participants s’entraînent à petite échelle en créant des maquettes sur un terrain en pente. La consigne, aménager de sorte à « laisser l’eau s’infiltrer, réduire l’érosion et créer les conditions propices pour recréer de l’humus ».
Après vingt minutes, les maquettes sont arrosées. « Vous avez pris une option terrasse. C’est très bien, mais ça demande pas mal d’énergie », évalue M. Talin auprès d’un groupe.
Aurélia Giordanengo, paysagiste de 31 ans, dit avoir suivi cette formation car elle ne se « retrouvait plus dans les pratiques apprises » en école. Aujourd’hui, « ce qui m’aide vraiment dans mes aménagements, c’est ce rapport entre l’arbre, le sol et l’eau. Ca fait complètement partie de ma réflexion », dit-elle.
Pour l’hydroclimatologue Florence Habets, beaucoup de ces techniques relèvent du bon sens.
Elle met cependant en garde: « l’aridification du sud de la France est complètement liée au changement climatique ». Pour elle, « l’action la plus efficace reste la diminution des émissions de gaz à effet de serre ».