Le changement climatique et l’eutrophisation affaiblissent la biodiversité des milieux d’eau douce
Des scientifiques viennent de montrer que l’effet combiné de ces deux facteurs de stress entraîne une diminution de la présence des gros poissons, situés en haut de la chaîne alimentaire. L’eutrophisation se définit « comme un excès de substances nutritives dans les milieux aquatiques », selon l’INRAE. Elle résulte souvent de la pollution des milieux aquatiques par les engrais agricoles.
« Notre étude montre que le réchauffement des eaux douces induit par le changement climatique et la surcharge en nutriments due à la pollution constitue une combinaison dangereuse qui menace nos rivières et nos lacs », explique Camille Leclerc, chargée de recherche qui a participé à l’étude de l’INRAE.
La chercheuse au sein de l’Unité mixte de recherche Risques, écosystèmes, vulnérabilité, environnement, résilience précise : « les réseaux alimentaires deviennent moins complexes dans les eaux plus chaudes et riches en nutriments. Les chaînes alimentaires deviennent plus courtes et le fonctionnement de l’écosystème est alors dégradé. Ce sont notamment les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire, comme le brochet, qui sont les plus vulnérables à ces changements. » Or, les prédateurs jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l’écosystème et sa régulation.
Cette étude apporte une connaissance nouvelle puisque jusqu’à présent la communauté scientifique pensait que l’eutrophisation et le changement climatique pouvaient compenser leurs effets respectifs. Les scientifiques pensaient que l’apport de nutriments permettraient d’aider le métabolisme des poissons à s’adapter à la hausse des températures.
Ce n’est cependant pas le cas. Camille Leclerc rappelle que « les poissons sont des organismes à sang froid, donc leur température corporelle dépend de celle du milieu. Lorsque l’eau se réchauffe, le métabolisme des poissons s’accélère, ce qui affecte leurs fonctions vitales, par exemple la respiration, la digestion ou encore la reproduction. Ainsi, à des températures plus élevées, les gros prédateurs dépensent davantage d’énergie pour se maintenir. Leurs besoins énergétiques augmentent plus vite que leur capacité à trouver de la nourriture.
On a donc longtemps pensé que l’apport supplémentaire en nutriments dû à l’eutrophisation, qui stimule la croissance des algues et des végétaux, pouvait aider les prédateurs aquatiques à s’adapter au réchauffement. » Ce n’est pourtant pas ce qu’il se passe selon leurs observations. Les poissons en haut de la chaîne alimentaire ayant fortement diminué ces dernières décennies. En Europe, les populations de poissons migrateurs, comme le saumon ou la truite, ont diminué de 80 % en un demi-siècle.
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs de l’INRAE, de l’université d’Oxford, de l’université de Sheffield et de l’université Savoie Mont Blanc ont étudié 256 lacs et 373 cours d’eau en France durant une décennie. Parmi les sites prélevés se trouvent l’étang de Soustons, le lac de la Prade ou encore la Gimone au sein de la commune de Labourgade. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Ecology Letters.
Les écosystèmes d’eau douce, comme les lacs ou les rivières font face à de nombreuses pressions, comme la pollution, le réchauffement climatique, les épisodes de sécheresse, l’altération de l’hydromorphologie des cours d’eau ainsi que des lacs et les pollutions engendrées par les activités humaines. Ainsi, rappelle l’INRAE, « en Europe, seulement 38 % des écosystèmes d’eau douce possèdent une bonne qualité chimique, et 40 % affichent une bonne qualité écologique ».