Nestlé et d’autres producteurs d’eau en bouteille auraient masqué illégalement la contamination de leur eau
Des pratiques qui datent et qui concernent de très nombreuses eaux minérales
Dans les colonnes des Echos, lundi 29 janvier, la société suisse Nestlé a fait son mea culpa. Elle reconnaît avoir fait usage de produits de purifications interdits « pour maintenir la sécurité de ses eaux ». Une communication toute réfléchie puisqu’elle précède la publication d’une enquête réalisée conjointement par Le Monde et la cellule investigation de Radio France.
Des pratiques qui datent et qui concernent de très nombreuses eaux minérales
Dans les colonnes des Echos, lundi 29 janvier, la société suisse Nestlé a fait son mea culpa. Elle reconnaît avoir fait usage de produits de purifications interdits « pour maintenir la sécurité de ses eaux ». Une communication toute réfléchie puisqu’elle précède la publication d’une enquête réalisée conjointement par Le Monde et la cellule investigation de Radio France.
Les deux médias ont enquêté pendant plusieurs mois sur les pratiques de plusieurs producteurs d’eau minérale et révèlent qu’environ 30 % des marques auraient recours à un système de filtration avec des produits interdits par la réglementation, pour masquer une contamination.
Plus grave, cette enquête révèle que la fraude ne daterait pas d’hier et que le gouvernement en est informé depuis au moins trois ans.
Une tromperie à grande échelle
Ce serait le contenu du compte rendu d’une réunion interministérielle de février 2023 qui aurait éveillé la curiosité des journalistes. Compte rendu où il est notamment indiqué « qu’« en réponse aux demandes de l’industriel », et après « différents échanges avec des représentants de Nestlé Waters », le cabinet de la Première ministre, Élisabeth Borne, accorde à Nestlé « la possibilité d’autoriser par modification des arrêtés préfectoraux la pratique de la microfiltration inférieure à 0,8 micron » », explique franceinfo.
De fil en aiguille, les journalistes enquêteurs lancent leurs investigations et retrouvent trace d’une première alerte de tromperie sur la purification des eaux minérales, en 2020, de la part d’un salarié du groupe Sources Alma (Saint-Yorre, Vichy Célestin, Cristalline, Châteldon) auprès de la DGCCRF.
La direction générale des fraudes lance une enquête qui relève, selon franceinfo, « des traitements non conformes à la réglementation : injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, microfiltration inférieure aux seuils autorisés, mais aussi mélanges d’eaux dites « minérales » ou « de source » avec de l’eau… du réseau, celle qui coule au robinet ». Et surtout que de nombreux industriels de l’eau minérale ont ce genre de pratiques illégales, dont la société suisse Nestlé, représentant plus d’un tiers du marché des eaux en bouteilles en France (Perrier, Vittel, Contrex, Hépar).
Ce rapport de la DGCCRF va cependant rester en sommeil dans les placards de la justice. Et aussi sous le coude du gouvernement à partir de 2021, année où Nestlé rencontre à Bercy le cabinet de la ministre de l’Industrie d’alors, Agnès Pannier-Runacher. Et négocie de pouvoir continuer à user des systèmes interdits de filtration.
Une enquête administrative est par la suite lancée par le gouvernement chez tous les industriels de l’eau minérale. Elle doit permettre d’« expertiser l’utilisation de traitements non autorisés par les industriels » et juger de l’impact des produits utilisés et de la qualité de l’eau.
Un rapport publié l’année suivante, en 2022, indique alors clairement que « les travaux ont permis de révéler que près de 30 % des désignations commerciales subissent des traitements non conformes ». Avec un niveau de non-conformité sans doute bien supérieur à ce qui a pu être étudié. Faisant savoir aussi que dans le cas de Nestlé, il s’agit de 100 % des eaux minérales produites qui sont concernées par la fraude et les nombreuses tromperies.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
La société Nestlé a depuis plusieurs années, lancé un vaste plan de remise en conformité : arrêt de l’utilisation des filtres charbons actifs et des ultraviolets, fermeture de puits dans les Vosges, parmi les plus contaminés parce que trop sensibles aux aléas climatiques, arrêt de la commercialisation de la marque Vittel en Allemagne, réallouation de puits du Gard vers des productions d’eaux, dites de consommation humaine, aromatisées ou énergisantes donc pas soumises à la réglementation sur les eaux minérales.
Mais qu’en est-il donc réellement du risque sanitaire avec les eaux en bouteilles, minérales ou de source ? Qu’ont-elles encore de minérale, de naturel, de source ? Compte tenu de la situation climatique actuelle, de la découverte de très nombreux polluants, dont des particules plastiques, des polluants éternels, dans les eaux, de l’interdiction des systèmes de filtration ?
Selon l’IGAS, l’inspection générale des affaires sociales, si le « niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique ».