Que de chemin parcouru par l’homme depuis le commencement, que de progrès accomplis !
Journée de l’environnement

Avant notre présence, sur terre tout n’était que chaos, la nature se trouvait dans le plus grand désordre : des zones marécageuses, des rochers au milieu des prairies, des buissons un peu partout, des arbres ça et là ou qui se pressaient en rangs serrés pour assombrir les collines. Des animaux en masse qui circulaient au milieu. En l’absence de pesticides et de biocides, ce n’était que saletés et odeurs pestilentielles. Pas de lois pour réguler la violence des instincts ! La vie perpétuait ses massacres. On se demande encore comment les espèces ont réussi à survivre à leur propre fureur.
 Enfin, l’homme est arrivé : encore trop faible lueur pour éclairer une telle obscurité. Il faut bien se l’avouer, c’est avec une intense émotion que l’on pense à la très fragile Lucy agrippée aux branches de sa canopée.

Sa vie, notre vie, n’était alors que fuite et épouvante. Ses ossements indiquent qu’elle a succombé à une chute mortelle, vraisemblablement en tentant d’échapper à un prédateur. La conformation de son cerveau annonçait déjà le génie qui allait en jaillir et nous mettre au-dessus de la vie commune. Lucy serait très fière de sa descendance et notamment de ses filles, portant lunettes, tailleur et parfums haut de gamme. Sans avoir à se déplacer, en un clic, elles ont le pouvoir de faire raser une de ces forets primaires où nous avons été si longtemps pourchassés.
Désormais, l’homme ne fuit plus ses prédateurs. C’est l’inverse. A notre approche, les fauves les plus redoutés s’éloignent ou se dissimulent entre les herbes. Partout, ils sentent notre présence. Ils savent que leur défaite est consommée. Nous avons vengé Lucy. Le monde est à nos pieds, il n’a plus son mot à dire, il nous appartient et il nous revient de l’améliorer encore davantage.

En cette journée consacrée à l’environnement, ne nous égarons pas. L’ennemi, c’est la nature. Elle ne se dévoile pas comme les peuples voisins qui tentent de franchir nos frontières. Elle parade encore dans la savane. Ailleurs, tout près de nous, elle se dissimule tapie dans la profondeur des terriers, des buissons inextricables. Elle sort la nuit et ose s’aventurer sur nos trottoirs, y laisse ses déjections et ses virus.

Lors du Covid, la nature a bien failli nous détruire mais nous avons su faire front. Dieu merci, nos vaccins ont mis les virus en déroute. Retenons la leçon, n’oublions pas en outre que lorsque nous étions confinés, elle en a profité pour prendre ses aises. Dans les espaces publics, les branches avaient poussé. Elles encombraient des allées envahies et souillées par de larges touffes d’herbe. Les plantes étaient sorties des jardins, elles s’établissaient le long des trottoirs, se lançaient à l’assaut des édifices publics.

Les racines, les cornes et les sabots se montraient au cœur des villes. Qui a pu oublier ce cliché glaçant où l’on voyait un cerf insolent frotter ses bois contre l’Arc de Triomphe !
 Alors, supprimons les haies, tondons les pelouses, mieux encore désherbons-les, multiplions les surfaces bétonnées. C’est encore le meilleur moyen de mater la résistance du monde inférieur. Débarrassons-nous de ce qui est inutile ou encombrant. On peut compter pour cela sur l’aide de nos amis chasseurs.

Plantons des céréales, du bon blé pour nous nourrir. N’est-ce pas un spectacle admirable que ces champs de blé sans coquelicots, bleuets ou autres parasites pour en troubler l’harmonie ? Des champs bien alignés à l’image des versets des textes religieux ou des articles des codes juridiques !
 Continuons à développer la monoculture intensive. Nous le faisons dans le strict respect de la législation. Je suis outré d’entendre que nos pesticides et engrais empoisonneraient les gens.

Des analyses poussées, diligentées par les autorités, ont démontré que rien ne prouvait leur nocivité. Il est scandaleux de s’en prendre aux céréaliers, aux chalutiers qui contribuent également à nous nourrir, aux groupes pétroliers qui nous fournissent en énergies. Pourquoi accabler ceux qui font du bon travail, placent l’homme à sa juste place en modelant la nature à notre convenance ? Quelle autre utilité aurait-elle que celle de nous servir ? 

Je suis également ulcéré d’entendre qu’on retrouverait des traces de pesticides, du microplastique et des résidus de matière fécale dans l’eau. Quant à ces derniers, ils proviendraient des randonneurs indélicats qui font leurs besoins dans l’herbe ou sur les sentiers. Non traités comme il se doit, ils ne parviendraient pas à s’éliminer et finiraient dans les fleuves voire les mers et les océans. Alors que les jeux olympiques arrivent à Paris, le sang des responsables ne fit qu’un tour. On analysa les eaux de la Seine. Comme attendu, elles se révélèrent aussi pures que les sources qui jaillissent des flancs de nos montagnes. Voilà les athlètes rassurés, ils pourront concourir sans crainte et célébrer toute l’étendue de la fraternité universelle dans des eaux d’une limpidité irréprochable.

D’autres craignent que le réchauffement climatique soit une menace majeure pour l’humanité. On parle de températures caniculaires. Quelle importance ! Nous trouverons une utilité aux buissons et aux plantes. Nous les hisserons jusqu’au sommet de nos plus hauts immeubles et ils garderont nos rues fraiches et agréables. Ne doutons pas de l’homme ! Nous avons accompli des prouesses technologiques époustouflantes, construit des fusées, mis en place des stations spatiales, la planète est dans votre portable et on ne serait pas capable de se faire un peu d’ombre !

Ne remettons pas en cause la croissance. Le réchauffement climatique aura aussi ses avantages. Certes, des terres seront englouties mais il ne faut pas exagérer les traumatismes. Les populations concernées ont toujours vécu au contact des mers et des océans. Voir l’eau avancer sur leur territoire, c’est un peu comme accueillir de vieux amis chez soi. D’autres espaces plus vastes vont remplacer ces terres perdues. Des champs de céréales sont en attente sous les étendues glacées.

Oui la croissance est infinie mais il faudra la défendre. Réarmement militaire, réarmement démographique, nous ne serons jamais trop nombreux pour protéger ou acquérir l’espace dont nous aurons besoin et nous n’hésiterons pas à utiliser l’arme nucléaire s’il le faut.

Ce sont de bien belles perspectives mais pourquoi ne pas élargir notre conception de l’environnement, partir à la découverte d’autres planètes. Qui sait ce que nous trouverons dans les lointaines galaxies ? Allons- nous rencontrer des milieux vierges, une humanité encore jeune qui chasse avec des lances en bois ? Quoi qu’il advienne, n’est-ce pas la mission de l’homme parvenu à son zénith que de corriger les imperfections de la nature ou d’apporter à ses semblables les bienfaits de la civilisation ?
 

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