Transition énergétique : les défis que devra relever la France, selon l'AIE
Le financement de la transition énergétique, le maintien d'un mix bas carboné et la sécurité électrique font partie des défis à relever, estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son rapport sur la politique énergétique de la France.
« La France s'est engagée dans une transformation de son système énergétique, qui implique d'importants changements structurels pour le secteur de l'énergie, en améliorant l'efficacité énergétique et en augmentant la part des énergies renouvelables tout en garantissant sur la durée un mix d'électricité bas carbone, la sécurité d'approvisionnement électrique et le fonctionnement sûr d'un parc nucléaire français prenant de l'âge ». Voilà en une seule phrase les défis que devra relever la France dans le secteur de l'énergie selon le rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) sur la politique énergétique de la France, présenté à la presse le 17 janvier.
L'agence a passé au crible les ambitions énergétiques de l'Hexagone à l'horizon 2030, traduites dans la loi sur la transition énergétique et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Jusque-là, « la France est un des pays leaders de la transition énergétique et d'une énergie sobre en carbone », analyse Paul Simons, directeur exécutif adjoint de l'AIE. Mais « la transition énergétique nécessite une véritable transformation du système énergétique ».
Trouver les moyens de financer la transition
Alors que le prix des énergies fossiles est encore bas, l'expert s'inquiète de leur impact négatif sur l'évolution du mix énergétique français et sur le financement de la transition, qui sera porté par « l'État, les marchés de l'énergie, le secteur de l'énergie et les consommateurs ». Pourtant, regrette l'AIE, la France n'a pas encore évalué le rapport coût-efficacité de toutes les mesures de la transition énergétique. La comparaison du coût moyen de l'électricité issue des différentes technologies est pourtant indispensable, note-t-elle.
« Le secteur de l'électricité fait actuellement face à des défis financiers considérables, dans un contexte de mutation des marchés de l'énergie et de baisse des prix des combustibles, qui ont conduit à des opérations de restructuration et de recapitalisation par l'État afin de garantir la disponibilité des ressources nécessaires, également dans la perspective du financement de la transition énergétique ». L'AIE fait notamment référence au programme de prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires (« grand carénage ») évalué par EDF à 47,5 Md€.
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, s'est voulu rassurant sur le dossier du nucléaire : le financement du démantèlement des centrales qui fermeront est provisionné par EDF, Areva et le CEA, a-t-il indiqué. Quant à la prolongation de la vie des autres centrales, elle pourrait être financée par EDF, mais aussi par des gros consommateurs et d'autres producteurs, qui prendraient des parts dans ces moyens de production. Le patron de la DGEC mise également sur une baisse des coûts dans les ENR, notamment pour le photovoltaïque et l'éolien, pour réduire la facture.
Enfin, il a insisté sur le renforcement des moyens de financement de la transition énergétique, via le fonds dédié doté de 750 M€ et le compte d'affectation spéciale. « C'est désormais tracé chaque année dans le cadre des lois de Finances ».
Des doutes sur l'abaissement de la part du nucléaire
L'AIE revient à de nombreuses reprises sur le cas du nucléaire. L'objectif d'abaisser à 50 % la part de l'atome dans le mix électrique « reste difficile à atteindre en 2025 ». Il implique la fermeture de nombreux réacteurs et « en fonction de l'évolution de la demande d'électricité, de l'amélioration de l'efficacité énergétique et du déploiement des ENR, cet objectif pourrait affecter les performances économiques et le prix final de l'électricité, les émissions de GES et la fiabilité de l'approvisionnement en France ainsi que les exportations vers les pays voisins », estime l'agence.
Elle alerte le gouvernement sur l'anticipation des suspensions et interruptions d'exploitation des centrales vieillissantes, mais aussi sur leur remplacement. Le gouvernement « devrait veiller à ce que ce secteur dispose de perspectives sur le long terme afin de pouvoir réaliser les investissements de sûreté selon un calendrier approprié ».
Laurent Michel a rappelé que les décisions de fermeture, de prolongation et de construction de nouvelles centrales seront prises en 2018-2019, date à laquelle l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) remettra son avis générique sur la prolongation de la vie des centrales au-delà de 40 ans. « On aura également un premier retour d'expérience des trois ou quatre EPR en construction dans le monde », indique le chef de la DGEC.
Quant au nombre de réacteurs à fermer pour atteindre 50 %, cela dépendra de l'évolution de la demande, estime-t-il. Celle-ci est stable, voire en décroissance aujourd'hui. « Des gains importants sont à réaliser dans le bâtiment, d'autant que le chauffage constitue une part électrique carbonée. A contrario, on pousse l'augmentation de la consommation d'électricité dans le secteur des transports, mais cela doit être maîtrisé », explique Laurent Michel. La PPE prévoit que la production d'électricité nucléaire baisse de 10 à 65 TWh en 2023, selon l'évolution de la consommation notamment.
Sur ce point-là, si elle note les progrès enregistrés en matière d'efficacité énergétique, l'AIE estimé que la baisse actuelle de la consommation finale « n'est pas assez soutenue pour permettre à la France d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés pour 2020 » (131 Mtep contre 147,7 Mtep en 2014).
Source : actu-environnement.com