Sport et climat : vers la fin des compétitions sportives internationales ?
Comment ces événements prennent-ils en compte cette nouvelle donne ? Faut-il envisager leur suppression? Plusieurs études nous donnent des pistes pour comprendre les enjeux et envisager l’avenir du sport, dont la pratique va nécessairement devoir évoluer. Explications.
Dans la nuit du vendredi 14 juin au samedi 15 juin, l’Ultra-trail du Haut-Griffe (UTHG) en Haute-Savoie vire au drame. Des milliers de coureurs sont pris dans des pluies diluviennes, auxquelles un froid glacial vient s’ajouter, qui rendent le parcours impraticable et entraînent chutes et glissades dans les pentes boueuses de la pointe d’Angolon. Une personne décède et plusieurs autres sont blessées, dont deux grièvement.
Quelques jours plus tard sur un autre continent, le 26 juin 2024, Humberto Panjoj, arbitre assistant de football, s’effondre sur la pelouse de la ville de Kansas City (États-Unis) lors de la Copa America, victime d’un malaise à cause de la chaleur étouffante.
Sport et changement climatique : des risques qui se matérialisent dès aujourd’hui
S’il est difficile d’assurer que ces événements sont directement liés au changement climatique, ils laissent entrevoir les risques que le climat représente pour la pratique du sport. Car les canicules, le manque de neige dans les stations de ski, les pluies torrentielles, les fortes tempêtes, les pics de pollution… tous ces « aléas climatiques […] vont modifier la tenue de grands évènements sportifs mondiaux ou des compétitions amateurs et auront des impacts directs sur la santé des athlètes, ainsi que sur leurs performances », assure une note de l’Agence française de l’environnement (Ademe) sur la façon dont le changement climatique change la pratique du sport, publiée en juin 2024.
L’été 2024 donne raison à ces craintes. « Le mois de juin [2024] marque le 13e mois consécutif de records de température mondiale, et le 12e mois consécutif de dépassement de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle », résume dans un communiqué Carlo Buontempo, directeur du service « changement climatique » du programme européen Copernicus. Mais quelles sont les conséquences des bouleversements du climat sur les compétitions sportives ?
Axa Climate et l’Agence SPORT 1,5 ont tenté de cartographier ces risques dans plusieurs villes du monde et de France dans une étude publiée en juin 2024. À Paris, en août, on compte aujourd’hui en moyenne 6 jours de températures à plus de 28°C, une température qui « représente des risques pour la santé et la performance des sportifs » comme les marathoniens.
La chaleur, l’ennemi des sportifs
Une chaleur étouffante « affecte l’environnement physique, ainsi que tous les aspects des systèmes naturels et humains, y compris les conditions sociales et économiques et le fonctionnement des systèmes de santé », expliquent les experts de l’Ademe. Ces conditions facilitent le développement de maladies liées à la chaleur (crampes de chaleur, épuisement, coup de chaleur), cardiovasculaires, respiratoires, et la propagation des maladies vectorielles (parasites, virus, bactéries), et représentent donc un risque important pour les sportifs.
Le climat change, la pratique sportive aussi
En 2050, si la tendance actuelle d’émission de GES se maintient, « ce chiffre pourrait doubler », prévoient les auteurs de l’étude. De quoi remettre le marathon en question, souligne la note. Même constat à Athènes, Los Angeles ou à Sydney, les fortes chaleurs, les sécheresses et les risques d’incendies devraient contraindre la tenue des grands événements sportifs à certaines périodes de l’année, voire dans certaines régions du monde.
Outre les risques sur la santé, c’est la pratique elle-même du sport qui sera limitée par le changement climatique. À Pau (Pyrénées-Atlantiques), l’un des centres d’entraînement de l’équipe de France de slalom de canoë-kayak devrait devenir impraticable en 2050 plus de 90 jours par an sans pompe pour remonter l’eau, contre seulement quelques jours aujourd’hui.
Pour les sports d’hiver, de nombreuses stations de ski ont déjà mis la clef sous la porte, faute de neige. Fin 2023, « le CIO (Comité International Olympique) a donné l’alerte, estimant que 5 villes seulement seraient en mesure d’accueillir les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver d’ici 2070″, rappelle la note de l’Ademe.
Avec le changement climatique, une nouvelle forme de compétitions sportives s’impose
Malgré une volonté manifeste de la part des organisateurs des JO 2024 de faire des Jeux olympiques et paralympiques socialement et écologiquement responsables, notamment par l’établissement d’une charte sociale et écologique, l’organisation de tels événements fait face à un mur. « Les Jeux ne tiendront probablement pas leur objectif climatique », estime un rapport intermédiaire publié le 20 juin 2024 par l’association Les Shifters.
Les déplacements des nombreux supporters et spectateurs, en particulier ceux venant de l’étranger, minent en grande partie le bilan écologique des JO 2024 de Paris. Les Shifters estiment que les émissions de gaz à effet de serre des déplacements pourraient dépasser les 1,2 million de tonnes de CO2 equivalent, soit « deux-tiers du budget carbone total fixé par les organisateurs (1,58 million de tonnes de CO2e)« . Les grands événements sportifs internationaux (Jeux Olympiques ou Coupe du monde de football) émettent chacun entre 1,5 et 4 millions de tonnes équivalent CO2 de GES.
Pour l’Ademe, un nouveau modèle de la compétition sportive doit être mis sur pied. « Les grands évènements sportifs nationaux et internationaux ne pourront plus se dérouler de la même manière qu’aujourd’hui. Limites climatiques et naturelles, réticence grandissante des populations, raréfaction des candidatures d’accueil, modèle économique fragile et nouvelles façons de ‘consommer’ ces évènements (retransmissions et numériques) changent la donne », explique l’agence dans sa note.
Sachant que la grande majorité des émissions des événements, sportifs ou autres, provient du déplacement des visiteurs, l’Ademe et Les Shifters proposent de régionaliser et de réduire la taille de ces compétitions. Par exemple, en attribuant la majorité des billets aux habitants des pays hôtes et des pays limitrophes ou en mettant en place des fan-zones décentralisées. De quoi conserver l’esprit convivial et sportif de ces grands événements tout en assurant « un gain sur presque tous les indicateurs de durabilité ».