La Commission européen a présenté un ensemble législatif qui décline ses objectifs pour le climat à l’horizon 2030.
La Commission européenne a rendu public, mercredi 30 novembre, son « paquet énergie », une impressionnante série de propositions législatives (huit règlements et directives, plus d’un millier de pages au total) portant notamment sur l’efficacité énergétique et les performances énergétiques des bâtiments, les énergies renouvelables, les règles de gouvernance du marché européen de l’électricité. « Les propositions présentées concernent tous les secteurs de l’énergie propre, s’est félicité Maros Sefcovic, le vice-président de la Commission chargé de l’énergie. Ces mesures donneront à tous les consommateurs et à toutes les entreprises d’Europe les moyens de tirer le meilleur profit de la transition énergétique. »
Les ONG et les élus Verts au Parlement européen ne partagent pas du tout cet avis, et estiment que ce « paquet », pour roboratif qu’il soit, manque sérieusement d’ambition. A vouloir trop ménager les grands énergéticiens et des pays très jaloux de leur souveraineté énergétique – la France arc-boutée sur sa filière nucléaire, la Pologne très dépendante du charbon, entre autres –, la Commission a raté l’occasion de faire de l’Europe un leader mondial de la transition énergétique. « C’était le premier crash-test pour l’Union européenne [UE], qui a déclaré mi-novembre à la conférence climat de Marrakech qu’elle voulait reprendre le leadership sur la transition énergétique. Or on va plutôt dans le mur », a réagi Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.
La finalité de ce volumineux ensemble législatif est de mettre en conformité les politiques des Vingt-Huit avec les objectifs de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, ratifié par l’UE le 4 octobre. Les propositions du 30 novembre s’inscrivent dans le « paquet climat-énergie » adopté à l’automne 2014, articulé alors autour de trois objectifs à l’horizon 2030 : une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport au niveau de 1990, une amélioration de l’efficacité énergétique de l’UE d’au moins 27 % et un mix énergétique européen incluant au moins 27 % d’énergies renouvelables.
Précarité énergétique
Le « paquet » du 30 novembre a également pour objet de réduire la dépendance énergétique de l’UE, alors qu’environ 30 % de son gaz naturel vient de Russie. Et de lutter contre la précarité énergétique, de plus en plus de ménages européens n’ayant pas accès à l’énergie ou devant supporter une hausse de leur facture d’électricité de 3 % par an depuis 2008 et de 2 % pour le gaz.
Pour ses détracteurs, le choix de la Commission européenne de porter de 27 % à 30 % son objectif d’efficacité énergétique d’ici à 2030 et de le rendre contraignant (par un système de suivi des Etats membres et, si nécessaire, de rappels à l’ordre) n’est pas suffisant. Bruxelles assure de son côté qu’il va permettre de doper le marché de la rénovation immobilière, alors que le chauffage des bâtiments compte pour 40 % de la consommation d’énergie dans l’UE. A en croire la Commission, l’impact de l’objectif de 30 % d’efficacité énergétique créerait 400 000 emplois supplémentaires par rapport à l’objectif de 27 %, et pourrait faire sortir de la « pauvreté » énergétique entre 500 000 et 3,2 millions de ménages.
Dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables, Bruxelles propose entre autres que les fournisseurs d’électricité basés sur les énergies fossiles augmentent de 1 % par an jusqu’à 2030 la part des renouvelables dans leurs livraisons d’énergie. En revanche, la priorité d’accès au réseau dont bénéficie depuis 2009 l’électricité de source renouvelable est remise en cause, la Commission proposant de ne plus appliquer cette disposition pour les nouveaux projets de raccordement ou d’exploitation de réseaux.
« Subventions déguisées aux énergies fossiles et fissiles »
Les ONG dénoncent également l’absence d’objectifs de renouvelables pays par pays pour la période 2020-2030, alors que le paquet climat-énergie de 2014 fixait des caps clairs, la France devant par exemple atteindre 23 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Elles s’inquiètent par ailleurs de la place accordée par Bruxelles aux « mécanismes de marché ». Ce dispositif, demandé par les énergéticiens confrontés à des prix du marché particulièrement bas, consiste à rémunérer les centrales non pas pour leur production, mais pour leur capacité à produire en cas de pointes de consommation, face à une vague de froid, par exemple.
Déjà en vigueur en Allemagne et au Royaume-Uni, ce système de « subventions déguisées aux énergies fossiles et fissiles », selon Denis Voisin, s’étendra à la France en 2017 ou encore à la Pologne, sans qu’aucun critère environnemental, comme les rejets de CO2, n’encadre ces capacités de production mobilisables.
Alors que BusinessEurope, la principale association patronale européenne, a prudemment salué le « paquet énergie », certains acteurs, y compris à droite de l’échiquier européen, s’interrogent clairement sur les choix de la Commission. « Je m’inquiète du soutien apporté au charbon. Toutes les énergies fossiles ne peuvent pas être mises dans le même sac, souligne l’eurodéputée Françoise Grossetête, membre du parti Les Républicains. La Commission européenne aurait dû signer la fin du charbon et permettre le développement des centrales à gaz, c’est tout le sens de notre réforme actuelle du marché du carbone. »
Disparités considérables
Sur le versant de la gouvernance du marché européen de l’énergie, Bruxelles propose un système de surveillance des progrès réalisés par les Etats membres, dès 2018, avec des bilans d’étape à fournir tous les deux ans. Les capitales sont supposées envoyer leurs premiers « plans nationaux » aux instances communautaires dès 2018. La Commission promet, si les pays s’éloignent trop de l’objectif collectif à l’horizon 2030, de les rappeler à l’ordre en leur envoyant des « recommandations » de révision de leurs plans énergétiques nationaux.
Ces textes doivent encore être approuvés par le Conseil et le Parlement européens, un processus qui pourrait prendre de longs mois et ne devrait pas se conclure avant la fin 2017 ou le début 2018. Même si Bruxelles ménage les Vingt-Huit, certaines capitales risquent de renâcler, au sujet notamment de la surveillance des prix de détail que veut instaurer la Commission, constatant qu’en la matière les disparités entre Etats membres demeurent considérables, avec des dépenses énergétiques à hauteur de 4 % des dépenses des ménages à Malte contre 14 % en moyenne en Slovaquie.
A la décharge de la Commission, l’institution communautaire dispose de compétences limitées : selon le traité de l’UE, la législation européenne ne peut affecter « le droit d’un Etat membre de déterminer les conditions d’exploitation des ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».
Source : lemonde.fr