En France, plus de 600 espèces d’oiseaux sont menacées. Parmi elles, les chardonnerets élégants et les passereaux, principales victimes de trafics pour leur chant mélodieux, leur plumage ou même leur viande.
France: dans la région de Marseille, un «très juteux» trafic d'oiseaux

Au marché aux puces de Marseille, de drôles d'oiseaux sont cachés sous des tables et dans les arrière-boutiques. Avec leurs têtes rouges et leurs plumages jaune, noir et blanc, ne vous y trompez pas, il s’agit de chardonnerets élégants. Dans les boutiques spécialisées, tout au fond du marché, il suffit de poser la question : « Vous vendez des chardonnerets ? » Le vendeur vous toise un peu, il insiste pour échanger quelques mots. Mais il finit par sortir un à un les six oiseaux de l’arrière-boutique. « Celui-là, combien coûte-t-il ? »

D’un oiseau à l’autre, le prix varie : 80 € pour le plus petit, 150 € pour celui qui est présenté comme le plus rare. Une rareté attribuée au plumage, mais surtout à la beauté du chant de l’oiseau. Et si la transaction semble d’une simplicité à toute épreuve, elle est totalement illégale.

« La capture de chardonneret, c’est la problématique principale à Marseille », explique Anaël Marchas, médiateur juridique au sein de la Ligue pour la protection des oiseaux de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca). Avec un prix à la revente pouvant monter jusqu’à 700 €, voire 1 000 € dans certains cas, ces chanteurs sont victimes de leur succès chaque hiver et pendant la période de nidification. « On vient les attraper dans des zones de friches ou même des parcs. On taille la végétation au préalable pour inciter les oiseaux à se poser, poursuit-il. En plus de les blesser, c’est un mode de capture non-sélectif. Cela m’est déjà arrivé de trouver des oiseaux qui n’étaient pas des chardonnerets, jetés au sol, les ailes "gluées" dans le dos. »

 
 

Des oiseaux vendus au marché aux puces, mais aussi sur un site de vente en ligne très populaire : « Malheureusement, on n’a pas les moyens de surveiller la plateforme, avoue Anaël Marchas. La priorité, c’est d’agir à la source : interpeller le trafiquant. Pour ça, on fait remonter les signalements qu’on reçoit à l’Office français de la biodiversité. Ce sont eux qui vont faire l’enquête et qui seront en mesure d’interpeller les braconniers. »

L’autre trafic : la brochette de rigaou

Au chant des oiseaux, certains préfèrent leur viande. C’est le deuxième motif de braconnage d’espèces protégées : la chasse illégale de passereaux à des fins culinaires. Rouges-gorges, moineaux, mésanges, fauvettes, pinsons vendus par brochettes de six, prêts à déguster. Comptez 30 € à 40 € pour une « brochette de rigaou ».

Capturés dans des champs, des jardins de particuliers ou importés du Maghreb, ils sont revendus sur les marchés ou dans des réseaux d’amateurs. « On met ces petits pièges à ressort dans la végétation, un insecte sur une tige qui va servir de déclencheur. Quand le rouge-gorge, puisque c’est lui qu’on vise en priorité, va vouloir attraper l’insecte, le piège va se refermer sur lui », explique Anaël Marchas de la LPO.

Comme pour le chardonneret, le mode de capture est non sélectif. Des mets de choix, prisés au moment des fêtes de fin d’année et dont le braconnage s’organise parfois en véritables réseaux, estime Anaël Marchas : « On a déjà retrouvé des congélateurs remplis. Il y avait des centaines d’oiseaux. Ils appartenaient à des braconniers qui avaient dix lignes de dix pièges… Et donc une centaine de pièges en activité. » Des pièges relevés matins et soirs, de novembre à février. Pour des milliers d’oiseaux protégés braconnés chaque année.

Et la justice ?

Juin 2024, au Tribunal judiciaire de Marseille, deux braconniers sont jugés pour détention et trafic d’espèces protégées. Ils ont été arrêtés en flagrant délit quelques mois plus tôt dans le 11ème arrondissement de la cité phocéenne. Sur eux, deux filets actionnables à distance pour attraper les oiseaux, quatre cages, du matériel de jardinage et quatre chardonnerets. Un sacré butin complété par les saisies aux domiciles des braconniers où plusieurs centaines d’euros en liquide et trois oiseaux sont retrouvés.

Devant le tribunal, le principal accusé, 26 ans, avoue tout de suite : « Je ne savais pas que c'étaient des oiseaux protégés. Je ne recommencerai plus. Moi, j’aime les oiseaux. » Côté partie civile, on a du mal à y croire : « Lorsqu’on aime les oiseaux, on ne les laisse pas dans un si sale état. Sur les sept chardonnerets récupérés et pris en charge par la LPO, on en a cinq qui sont morts », explique Maître Mathieu Victoria.

Sur le banc des parties civiles, aux côtés de la LPO, Maître Isabelle Vergnoux, de l’Association protection des animaux sauvages, qui confie ses craintes de récidives à la barre : « On est sur un trafic très juteux, plus que la drogue. Mais avec des peines nettement moins grandes. J’espère que cette audience permettra une prise de conscience, car ce sont ces braconniers qui déciment une espèce uniquement pour du profit. »

Selon l’article L415-3 du Code de l’environnement, ces trafics sont passibles de peines maximales de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. En réalité, les sanctions sont souvent minimes. Sur ce procès, les prévenus ont été condamnés respectivement à six et quatre mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.

Source: rfi

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