En Colombie, la fin du conflit armé qui agitait le pays depuis 52 ans ne protège plus la forêt amazonienne.
Si les Farc protégeait les forêts amazoniennes ?

Bien sûr, la guerre entre les Farc et le gouvernement a tué plus de 220 000 personnes et il était temps qu'elle cesse. Mais le conflit avait également l'étrange vertu d'être positif pour la santé de la forêt.

En Colombie, la fin du conflit armé qui agitait le pays depuis 52 ans ne protège plus la forêt amazonienne. Depuis que les Farc ont officiellement rendu les armes en 2016, la déforestation a fait un bond de 44 %, selon les chiffres officiels rendus publics par le gouvernement.

En effet, si la guerre entre les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et le gouvernement a tué plus de 220 000 personnes et déplacé des millions d'autres, elle avait l'étrange mérite de protéger la nature.

Les Farc, rempart contre la déforestation

Il faut dire que "les Farc limitaient l'exploitation forestière à 2 hectares par an dans la municipalité", explique au Guardian Jaime Pacheco, maire de la ville colombienne d'Uribe près de laquelle évoluaient des guérillas de Farc. "L'an dernier, en une semaine 100 hectares ont été abattus et nous ne pouvons pas faire grand-chose."

Colombie : La paix accentue la déforestation, 2700 espèces animales et végétales sont menacées https://t.co/gGi7Lg30QI #Colombie

— Actu Latino (@actulatino) 27 juillet 2017

Le groupe armé contrôlait en effet les programmes culturels et écologiques des régions qu'ils tenaient. "Ils n'étaient pas écologistes mais ils régulaient l'activité et – à partir du moment où ils se sont armés – les gens s'y pliaient", analyse pour le Guardian Susana Muhamad, militante écologiste qui a étudié les risques du retrait des Farc pour la forêt amazonienne.

"Nous avons dit au gouvernement qu'il fallait établir un contrôle rapide dans ces zones [tenues par les Farc], mais il ne l'a pas fait. C'est comme le Far West maintenant, tout le monde s'y précipite."

De son côté, Pablo Negret Torres, chercheur à l'université de Queensland à Bribane, en Australie, a étudié le nombre et la distribution des conflits armés en Colombie entre 2000 et 2014. Il a comparé ces données à celles de la déforestation et est parvenu à une conclusion sans appel : dans les zones où se trouvaient des guérillas de Farc, la déforestation était moins forte. Il a présenté ses résultats à l'International Congress for Conservation Biology à Carthagène des Indes, en Colombie fin juillet.

Un gouvernement hésitant, une réaction urgente

Le gouvernement colombien s'est engagé à lutter contre la déforestation. Il a publié un plan pour 2018 censé protéger plus de 26 millions d'hectares de forêt. Paradoxalement, le budget 2018 pour les programmes environnementaux a baissé de 60 %, laissant de nombreux militants sceptiques. Surtout que le temps presse : "Commencer à abattre des arbres dans des forêts jusque là intactes a des conséquences plus graves sur la biodiversité que dans des zones déjà exposées à la déforestation", avertit Matthew Betts, de l'Oregon State University, à New Scientist.

La déforestation va empirer par le retour des populations déplacées dans les zones occupées anciennement par les Farc. "Et quand vous avez de la pauvreté, les gens s'en prennent à la forêt, sans compter la chasse pour la viande qui sera hors de contrôle", ajoute l'expert.

Travailler avec les Farc pour protéger la forêt

Mais dans le plan du gouvernement pour 2018, un aspect est jugé extrêmement positif : inclure les anciens membres des Farc à la lutte contre la déforestation.

"Nous travaillons avec d'anciens membres des Farc pour mettre en place des politiques environnementales, et les entraîner à conserver ces zones. C'est aussi un moyen pour eux de réintégrer la vie civile."  Luis Gilberto Murillo,  le ministre colombien de l'environnement

La Norvège s'est aussi impliquée dans ce combat en donnant 3,5 millions de dollars (2,9 millions d'euros) sur deux ans à la Colombie pour créer des emplois de protection de la forêt et y employer d'anciens Farc.

Colombia's peace can bring big, green dividends through sound forest policies. Good discussion with @JuanManSantos pic.twitter.com/wJiOH28dSO

— Vidar Helgesen (@VidarHelgesen) 8 juin 2017

La guerre, protectrice de l'environnement ?

Cet effet bénéfique qu'a pu avoir le sanglant conflit armé entre la Colombie et les Farc pendant une cinquantaine d'années se retrouve dans d'autres régions du monde. Étonnamment, durant la guerre du Sierra Leone de 1991 à 2002, les zones où se trouvaient les combattants du RUF (Revolutionary United Front) ont été moins touchées par la déforestation que celles situées loin des conflits, selon une étude.

Mais cette conséquence de la présence d'un conflit armé sur un territoire ne se vérifie pas toujours. En République démocratique du Congo, c'est le contraire qui s'est produit lors des différents conflits qui ont secoué le pays dans les années 1990 et 2000. Ainsi, le parc national de Virunga a beaucoup souffert des conflits : les combattants tuaient en effet les animaux et abattaient les arbres afin de financer leur guerre.

"Nous espérons que ce projet permettra de créer de l'activité par laquelle on amènera la paix en même temps que des dividendes écologiques", témoignait récemment Vidar Helgesen, ministre norvégien de l'environnement.

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