Seize entreprises japonaises s’associent pour fabriquer du carburant synthétique «propre» pour l’aviation
L’aviation civile, lourdement impactée par la pandémie et maintenant par la guerre en Ukraine, et victime d’une campagne dénonçant, de façon en partie exagérée, ses émissions de gaz à effet de serre, n’a de toute façon pas le choix. Elle est dans l’obligation de se transformer. L’avion à hydrogène n’est pas pour demain et la technologie de transition la plus prometteuse est celle des carburants synthétiques. Deux compagnies japonaises, ANA Holdings et Japan Airlines, viennent de prendre une initiative majeure en s’associant avec 14 grandes entreprises nippones.
L’aviation civile fait l’objet depuis plusieurs années d’une campagne dénonçant ses émissions de gaz à effet de serre et son usage devenu massif pour le tourisme sur longue distance. Décarboner le transport aérien est devenu une nécessité à la fois pour se conformer aux engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et aussi pour que le transport aérien ne s’aliène pas une partie de ses clients. Mais c’est un casse-tête technologique et économique.
Les moteurs électriques à batteries ne sont pas à même de propulser un avion au-delà d’un prototype avec deux passagers et sur une courte distance. Le poids des batteries et leur faible densité énergétique en font une technologie inadaptée. L’hydrogène semble bien plus prometteur et Airbus affirme pouvoir proposer un modèle d’ici 2035 mais les obstacles techniques restent très nombreux, même si la question de densité énergétique est moins problématique mais existe toujours. Car pour voler, le poids c’est l’ennemi.
La question cruciale de la densité énergétique
Ainsi, pour donner un ordre d’idée, les batteries d’une voiture Tesla Model 3, ont une densité énergétique de 160 Watts heure (Wh) par kilo. En comparaison, une société californienne, HyPoint, fabrique une motorisation électrique alimentée à l’hydrogène via une pile à combustible ayant une densité de 530 Wh par kilo. HyPoint travaille sur une nouvelle version ayant une densité de 960 Wh par kilo. Mais la densité énergétique du kérosène est de 9.577 Wh par kilo. Et cela sans parler des questions de coûts qui s’annoncent particulièrement difficile à surmonter. Cela signifie que la voie la plus rapide pour commencer à décarboner l’aviation civile passe par des carburants synthétiques non fossiles.
Une initiative japonaise d’ampleur vient d’en faire la démonstration. Seize entreprises nippones, dont les compagnies aériennes ANA Holdings et Japan Airlines, ont annoncé cette semaine développer une filière de carburants d’origine non fossile. L’alliance baptisée «Act for Sky» comprend notamment la société d’ingénierie JGC Holdings, le fabricant de biocarburants Revo International, les groupes pétroliers Idemitsu Kosan et Eneos, ainsi que l’industriel Mitsubishi Heavy Industries.
Un carburant fabriqué à partir de ressources naturelles et de déchets
Leur objectif est de «commercialiser, promouvoir et étendre l’usage de carburants durables pour l’aviation (SAF)» produits au Japon. «Il est nécessaire d’augmenter l’intérêt pour les SAF au Japon, alors que ces carburants durables sont déjà commercialisés en Europe et aux États-Unis», est-il précisé.
Produits à partir de ressources naturelles comme le suif (graisses animales), des huiles de cuisine usagées, de la biomasse, des déchets ménagers solides ou encore des gaz d’échappement, les SAF peuvent substantiellement réduire les émissions de CO2 par rapport aux carburants classiques pour l’aviation. Les SAF pourraient aussi devenir bien plus compétitifs et profiter de l’envolée des cours du pétrole avec un baril qui vient de passer au-dessus du seuil de 110 dollars.
Les deux compagnies japonaises ANA Holdings et Japan Airlines visent la neutralité carbone à l’horizon 2050, un objectif que s’est fixé le Japon en 2020.