Sans gaz russe, la consommation de charbon de l’UE augmente temporairement, selon l’IEA
La baisse structurelle devrait s’amorcer dans les trois prochaines années, note toutefois l’IEA, qui réajuste nettement à la hausse ses prévisions de développement d’énergies renouvelables.
L’Agence internationale de l’énergie (IEA) dévoilait vendredi (16 décembre) son rapport d’analyse et de prévisions 2022-2025 sur le marché du charbon. En préambule, l’agence note que la consommation de charbon dans le monde a augmenté de plus de 1% entre 2021 et 2022 pour atteindre 8 000 millions de tonnes (Mt), soit son record absolu.
Les hausses les plus importantes sont enregistrées aux États-Unis, mais aussi et surtout, au sein de l’Union européenne (UE).
L’Europe sans gaz russe bat des records
L’Europe, fortement affectée par la baisse des flux de gaz et de charbon russe, serait en passe « d’augmenter sa consommation de charbon pour la deuxième année consécutive », à +6% par rapport à 2021. La consommation va ainsi « atteindre un niveau record » à 478 Mt, déplore l’IEA.
L’IEA ne détaille pas les consommations par pays membres de l’Union européenne pour 2022. Néanmoins, dès 2021, l’Allemagne avait enregistré une forte hausse de sa demande, de l’ordre de 19%, suivie par la Pologne (12%), portant la hausse globale dans l’UE de 10%.
La France n’est pas exempte pour autant de responsabilité. L’indisponibilité de son parc nucléaire nécessite une capacité étrangère de 15 GW à tout moment, quelle que soit la source de production, contribuant donc à l’augmentation générale de la consommation au sein de l’Union européenne.
En conséquence, les importations ont considérablement augmenté, à la faveur notamment de la levée de l’embargo Indonésien. Que dire également des 27 centrales à charbon réouvertent en Allemagne, soit 10 GW de capacités. « Dur à avaler », comme le concédait, le vice-chancelier Robert Habeck n’est qu’un doux euphémisme.
L’IEA précise toutefois que l’augmentation de la consommation « devrait être temporaire ». Une baisse à partir de 2024 permettra de repasser sous la barre des 371 Mt en 2025, pour amorcer un déclin structurel prévoit l’agence.
L’Asie, premier consommateur
Portée en particulier par l’Europe et les États-Unis, la consommation mondiale de charbon a donc augmenté de 1,2% par rapport à 2021, à plus de 8 000 Mt, note l’IEA. Elle atteint donc un record depuis le dernier pic de 2013.
La production des trois premiers producteurs mondiaux — Chine, Inde et Indonésie — devrait également atteindre un record. À elle seule, la Chine compte pour la moitié de la production mondiale, en hausse d’environ 5% par rapport à 2021, et la moitié de la consommation mondiale, stagnante.
L’IEA se veut rassurante : « le monde est proche d’un pic d’utilisation des combustibles fossiles », le charbon devant même être le premier à décliner, note-t-elle. Prudence toutefois : « nous n’en sommes pas encore là », prévient Keisuke Sadamori, responsable du département Marché de l’énergie de l’agence.
Sur les réseaux sociaux, l’ingénieur président du groupe de réflexion The Shift Project, Jean-Marc Jancovici, précise que pour respecter la trajectoire de l’accord de Paris, la baisse de la consommation de charbon mondiale doit être de 14% par an sur les trois prochaines années.
Déploiement inédit d’énergies renouvelables
Dans le même temps, « de nombreux signes montrent que la crise actuelle accélère le déploiement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et des pompes à chaleur ». Pour preuve, l’expansion des énergies renouvelables au cours des cinq prochaines années sera beaucoup plus rapide que ce que l’agence prévoyait l’année dernière, avec plus de 2400 GW supplémentaires de capacité installée entre 2022 et 2027.
« Il s’agit donc d’une accélération de 85% par rapport aux cinq années précédentes et d’une augmentation de près de 30% [35% dans l’UE] par rapport aux prévisions du rapport de l’année dernière », précise l’IEA.
L’agence prévoit également que les énergies renouvelables devraient représenter plus de 90% de l’expansion de la capacité électrique mondiale sur la même période. Elle en veut pour cause les « objectifs agressifs » du plan REPowerEU de dépassement de la dépendance aux énergies fossiles russes que l’Union européenne s’est imposée.
Insuffisant selon M. Jancovici pour combler la baisse de la consommation de charbon nécessaire pour respecter les objectifs de l’accord de Paris et l’augmentation prévue par l’IEA d’augmentation générale de la consommation d’électricité.
« On voit le formidable décalage entre les discours de décarbonation et les actes », déclare-t-il.
Le paquet législatif complémentaire « Fit for 55 » prévoit en outre de couvrir 40 à 45% des besoins en électricité des pays de l’UE grâce aux énergies renouvelables d’ici à 2030.
Ainsi, l’UE se positionne comme deuxième marché d’expansion des EnR au monde, derrière la Chine.
Résultat : dès 2025, les énergies renouvelables devraient dépasser le charbon en tant que principale source d’électricité dans le monde. Le solaire devrait être, a lui seul, la première source de capacité électrique au monde en 2027, conclut l’agence.