Le puma de l'est américain est officiellement une espèce éteinte
« Les pumas sont des animaux très mystérieux », déclare Michael Robinson, conservationniste au centre de la diversité biologique (Center for Biological Diversity.)
L’écologiste fait référence au fait que les pumas voyagent souvent seuls, souvent la nuit, et qu'ils sont difficiles à suivre. Quand la plupart des gens en rencontrent un dans la nature, c'est généralement par accident. En voir un dans le nord-est des États-Unis est encore plus rare, et relève généralement du pur hasard.
Au Nouveau-Brunswick (Canada) et dans le Maine (États-Unis), les pumas n'étaient pas recensés depuis respectivement 1932 et 1938, du moins pour ce qui est des populations reproductrices. Les grands félins n'ont pas toujours été si rares. Avant le début du 19e siècle, les pumas étaient très nombreux dans cette région.
Mais depuis le 22 janvier 2018, une sous-espèce de pumas est officiellement déclarée éteinte aux États-Unis et a été retirée de la liste des espèces en voie de disparition par le US Fish and Wildlife Service.
Curieusement quelques scientifiques estiment que ce déclin pourrait être positif pour la biodiversité. L'histoire des pumas en Amérique du Nord est trouble et complexe, mais les conservationnistes croient en un futur meilleur.
Qui est quoi et depuis quand ?
Les mots puma, lion de montagne ou cougar font tous référence au même fauve, connu sous le nom scientifique de Puma concolor.
Lorsque les premiers colons européens sont arrivés en Amérique du Nord, les taxonomistes ont commencé à classer les félins en sous-espèces distinctes. Les pumas de l'est, les lions des montagnes de l'ouest, le couguar nord-américain et la panthère de Floride, par exemple, étaient désignés de façon différenciée.
« La classification a été faite sur des différences de fourrure, de tailles et de poids entre les différents types d'individus », explique Robinson. Un puma vivant dans le désert, par exemple, aura une apparence légèrement différente de celui plus adapté aux forêts canadiennes. Mais les dépistages génétiques plus récents ont depuis prouvé que ces félins peuplant la partie nord du continent américain étaient identiques d'un point de vue génétique.
Retiré de la liste
Dès les années 1800, les colons européens ont commencé à chasser les couguars dans le nord-est du continent. Certains spécimens ont été piégés et tués pour leur fourrure tandis que d'autres ont été abattus pour protéger le bétail.
Au cours du dernier siècle, ils n'ont été aperçus qu'en de rares occasions, et les responsables des services en charge de la faune aux États-Unis et au Canada affirment que rien ne permet d'affirmer l'existence d'une population reproductrice de pumas en Amérique du Nord. L'agence américaine de protection de la faune a commencé à enquêter sur les populations de pumas en 2011 et a officiellement recommandé le retrait de cette espèce de la liste des espèces menacées en 2015.
Dans la demande de retrait déposée par le US Fish and Wildlife, il était indiqué que les pumas de l’est avaient disparu depuis longtemps.
« Il n'y a jamais eu de véritable justification pour conférer au puma de l'est américain le statut d'espèce en voie de disparition », explique Mark Elbroch, chercheur principal du programme « Puma » du groupe de conservation des grands félins Panthera. Pour lui, parler dans ce cas d'extinction de l'espère dépend surtout de la valeur que vous accordez à ce terme.
Alors que les populations de pumas dans cette région ont vu leur nombre décliner jusqu'à un point de non-existence, il est plus correct de dire qu'une certaine population de pumas nord-américains a disparu.
Le retrait des pumas ne concerne pas la sous-espèce de panthères de Floride, considérées comme les mammifères les plus menacés au monde.
Et vers l'ouest ?
Michael Robinson et Mark Elbroch supposent que le retrait des pumas de l’est américain de la liste des espèces menacées pourrait offrir de nouvelles opportunités pour la protection des espèces sauvages. Les populations de pumas aux États-Unis sont gérées différemment selon les États. À l'exception de l’État du Texas, tous les États de l'est américain ont pris des mesures pour protéger les pumas. Mais dans la plupart des régions, les pumas peuvent toujours être capturés légalement par les titulaires de permis de chasse.
Dans une déclaration récente sur le retrait des pumas de la liste des espèces menacées, Michael Robinson a appelé les gouverneurs à mettre en place des programmes de protection des animaux. « Cela évitera toutes les lacunes et les complications liées à l'introduction d'une espèce dans la liste des espèces en voie de disparition et cela permettra aux États d'être en position de contrôle, » estime Mark Elbroch.
Il ne fait aucun doute que les pumas de l’ouest se déplacent vers l’est. Autrefois recensés uniquement à l'ouest des Rocheuses, les pumas de l’ouest ont été récemment retrouvés dans le Midwest, et quelques mâles ont même été aperçus près de la côte est. On sait que les pumas mâles sont capables de parcourir de grandes distances à la recherche de territoires ou de partenaires, mais lorsque des femelles sont repérées à l'est, c'est le signe d'une toute nouvelle population.
« Nous ne pensons pas apercevoir de pumas de l'est dans les dix prochaines années » indique Elbroch. « Les réintroductions sont des alternatives assez viables. »
Aucun plan de réintroduction n'a pour l'instant été mis en place, à part en Floride, où les pumas du Texas ont été introduits afin d'assurer la diversité des populations des panthères de Floride.
Préserver l'écosystème
Dans un article publié, Mark Elbroch explique avoir découvert que les pumas sont ce qu'il appelle des prédateurs subalternes de l'écosystème, ce qui signifie qu'ils sont carnivores mais qu'ils sont également menacés par les grands prédateurs comme les loups et les ours.
Pour l'instant l’Union internationale pour la conservation de la nature classe les pumas nord-américains parmi les espèces les moins préoccupantes dans l'ensemble, mais note que leur population est en déclin. Ces animaux sont confrontés à des menaces importantes liées à la perte et à la fragmentation de leur habitat, et à l'impact direct de la chasse sur les populations les plus jeunes.
Michael Robinson espère voir plus de mesures de conservation promulguées par les différents États pour préserver l'équilibre écologique que ces grands prédateurs assurent. Le déclin des prédateurs a par exemple permis la reproduction très importante de plusieurs cervidés, comme les cerfs de Virginie qui sont de plus en plus nombreux. Et comme les cerfs sont porteurs de tiques, le risque de propagation de la maladie de Lyme augmente dans ces régions.
En outre, Michael Robinson aimerait que les animaux soient protégés pour la simple préservation de leur espèce. Habitant les montagnes du Nouveau-Mexique, il sait ce que représente une rencontre avec un puma dans son habitat naturel.
« Savoir que le monde n’est pas complètement dominé par l'Homme est source de paix intérieure. »