Lancement d'un manifeste de 26 ONG pour inscrire la condition animale dans le débat politique

26 ONG lancent un manifeste pour inscrire la condition animale dans le débat politique. Elles formulent 30 propositions – interdire l’élevage en cage, le gavage ou encore la corrida – à destination des candidats aux élections présidentielle et législatives.

En France, chaque année, plusieurs milliards d’animaux sont utilisés pour leur chair, leur peau, leur pelage, leur plumage, mais aussi pour l’expérimentation scientifique, le divertissement ou pour tenir compagnie. Pourtant, malgré « l’enjeu sociétal majeur que représente leur sort et la manière dont ils sont traités », « l’engagement des politiques pour améliorer leur situation reste très insuffisant et en décalage avec les attentes de la majorité des Français ».

Dressant ce double constat, 26 organisations non gouvernementales (ONG) de protection animale (CIWF, la Fondation Brigitte Bardot, la Fondation 30 millions d’amis, L214, Peta, la SPA, Sea Shepherd, etc.) se sont réunies pour la première fois au sein d’un collectif, baptisé AnimalPolitique. Mardi 22 novembre, après six mois de travail, elles ont publié un manifeste du même nom, qui formule 30 propositions visant à inscrire la condition animale dans le débat politique des prochaines échéances électorales. Le document « est destiné aux candidats à l’élection présidentielle et aux élections législatives afin qu’ils prennent publiquement position sur son contenu », écrivent les associations.

Les mesures sont classées en six catégories, selon l’usage qui est fait des bêtes – les animaux d’élevage, d’expérimentation, de divertissement et de spectacle, de compagnie, de la faune sauvage – ainsi que leur place dans la société.

Interdire les cages et le gavage

En ce qui concerne l’élevage, principal mode d’exploitation des animaux – un milliard d’animaux terrestres sont abattus chaque année en France à des fins alimentaires – les associations appellent à « favoriser le plein air » et à « interdire les cages ainsi que les conditions d’élevage incompatibles avec leurs besoins » physiologiques et comportementaux. Elles demandent également la fin des « pratiques d’élevage douloureuses (castration à vif, écornage, gavage) », et donc de la production de foie gras.

Les associations souhaitent, en outre, « limiter la durée des transports d’animaux vivants », entre l’élevage et l’abattage, et « mettre un terme à leur exportation hors de l’Union européenne » – chaque année, des dizaines de milliers d’entre eux parcourent des milliers de kilomètres jusqu’à la Turquie souvent sans nourriture ni eau.

Enfin, sur l’épineux sujet des abattoirs, visés par des enquêtes après les vidéos-chocs de L214 dénonçant des cas de maltraitance, les ONG demandent de « rendre systématique l’étourdissement avant toute mise à mort ». Cette pratique (par électronarcose, par tige perforante ou par gazage), obligatoire en France depuis 1964, fait l’objet d’une dérogation dans le cas de l’abattage rituel. Mais actuellement, ni le culte juif ni le culte musulman ne souhaitent revenir dessus. Elle n’est par ailleurs pas toujours respectée dans l’abattage conventionnel, les images filmées en caméra cachée montrent en effet de très nombreux cas d’animaux saignés en pleine conscience.

Abolir les corridas

Dans les autres domaines, les propositions sont tout aussi audacieuses : abolir les corridas et les combats de coqs, interdire la présence d’animaux sauvages et domestiques dans les cirques, reconnaître à l’animal sauvage le statut juridique d’être vivant doué de sensibilité – seul l’animal domestique en jouit actuellement –, réformer la chasse ou encore prohiber la cession d’animaux par les particuliers « sur les sites marchands et les réseaux sociaux » et les euthanasies « non justifiées médicalement ».

Côté institutionnel, les ONG souhaitent la création d’une autorité administrative indépendante pour favoriser les méthodes de remplacement des animaux dans les protocoles d’expérimentation animale, ainsi que l’institution d’un « organe autonome dédié aux animaux, indépendant du ministère de l’agriculture », à l’image du ministère du bien-être animal en Belgique.

Le 18 octobre, une vingtaine de personnalités scientifiques et juridiques – parmi lesquelles la philosophe Elisabeth de Fontenay, le psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik, le moine bouddhiste et biologiste Matthieu Ricard – demandaient eux aussi la création d’un secrétariat d’Etat chargé de la condition animale.

« Remettre en question les habitudes et les normes »

Un mouvement pour la cause des animaux est à l’œuvre dans l’Hexagone, porté par nombre d’intellectuels, de scientifiques, d’associations et de citoyens. Les livres et les colloques se multiplient sur le sujet, les cas de maltraitance animale sont vertement critiqués sur les réseaux sociaux, un diplôme universitaire en droit animalier a vu le jour et un parti animaliste a même été créé, le 14 novembre, rejoignant ainsi la quinzaine de partis qui se consacrent à la cause animale dans le monde.

« Si la prise de conscience est massive, il manque des actions politiques et juridiques concrètes pour la traduire dans les faits », note Lucille Peget, coordinatrice du projet AnimalPolitique. De fait, en Europe, d’autres pays ont davantage politisé la question du bien-être animal. Elle est par exemple intégrée dans les Constitutions allemande ou autrichienne et le Parti pour les animaux néerlandais, créé en 2002, est représenté au Parlement européen depuis 2014.

Reste que l’opinion publique est ambiguë sur ces questions. Chez la majorité des Français, chérir les animaux et ne pas leur vouloir de mal n’implique pas forcément de cesser de s’en nourrir, un phénomène théorisé sous le nom de « paradoxe de la viande », qui s’explique par le mécanisme psychologique de la dissonance cognitive. « L’intelligence de l’humain repose sur ses capacités à déconstruire et à remettre en question ses habitudes, ses traditions et ses normes, à évoluer, explique Lucille Peget. Mais on ne peut pas tout changer d’un coup : il serait irréaliste de demander à interdire totalement l’élevage ou l’abattage. »

« C’est le prochain pas de civilisation, après l’abolition de l’esclavage, de la torture et la reconnaissance des droits des hommes et des femmes, juge Matthieu Ricard, présent lors du lancement du manifeste. Il n’y a aucun argument moral qui ne tienne pour infliger des souffrances non nécessaires et des tortures incessantes à des êtres vivants sensibles. » Et l’auteur de Plaidoyer pour les animaux, végétarien depuis quarante-cinq ans, de poursuivre : « Le nombre de chasseurs a diminué de moitié en vingt ans dans notre pays, plus de 70 % des Français veulent abolir la corrida et les jeunes sont de plus en plus nombreux à être végétariens. Un changement de culture et de société est en cours, même s’il prend du temps. »

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