L’UE prête à accélérer sur l’économie circulaire
Le sujet est mis à l’honneur par la présidence française du Conseil de l’UE, qui a co-organisé deux jours de conférences pour en parler, avec la Commission européenne et le Comité économique et social européen (CESE), les 1er et 2 mars.
« Ces deux journées auront permis d’échanger sur différents dispositifs réglementaires et actions pratiques visant à établir ce modèle de production et de consommation durable, à l’instar de la France avec la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire et la loi Climat et résilience » a déclaré Barbara Pompili, la ministre de la Transition énergétique.
Alors que la France a placé l’économie circulaire dans les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, elle souhaite impulser une accélération du sujet en Europe, en s’appuyant sur sa propre expérience. Elle soutient pour cela un autre modèle de consommation, éloigné du « produire-consommer-jeter ».
L’impact de l’économie circulaire se fera sur la production, et réduira notamment la pression sur les ressources en matières premières. « Plus de 90 % de la perte de biodiversité et du stress hydrique proviennent de l’extraction et de la transformation des ressources. Et nous savons que la moitié des émissions totales de gaz à effet de serre proviennent de l’extraction et de la transformation des ressources » a rappelé Franz Timmermans, le vice-président de la Commission européenne en charge du Pacte vert. La lutte contre le réchauffement climatique passe donc par une économie plus circulaire.
Point d’étape
En la matière, les acteurs appellent à accélérer. « Seule 8,6% de l’économie est circulaire, a constaté Christa Schweng, la présidente du CESE, lors des deux jours de conférences, ajoutant que « le Pacte vert ne sera couronné de succès que si la politique est en lien avec la pratique ».
La mise en œuvre implique une réduction de l’utilisation des ressources, du recyclage, mais également de l’éco-conception et de nouveaux modèles commerciaux basés sur les services. « Les produits que nous utilisons et la manière dont nous les utilisons doivent être adaptés à un avenir où la réduction, la réutilisation et la réparation sont prioritaires. Les nouveaux produits doivent être durables, entièrement recyclables, chimiquement sûrs et fabriqués, dans la mesure du possible, à partir de matériaux recyclés » a précisé Franz Timmermans.
Pour inciter les acteurs à aller dans cette voie, plusieurs textes législatifs vont être présentés cette année par la Commission européenne, en vue d’être négociés par le Conseil des ministres et le Parlement européen, notamment un paquet « Economie circulaire » prévu pour le 30 mars.
Ce paquet comprendra une initiative stratégique pour les produits durables (visant à réguler les produits mis sur le marché européen, qu’ils soient produits en Europe ou importés), une stratégie spécifique aux produits textiles, de nouvelles réglementations sur la durabilité des produits de construction.
Une révision de la directive sur les emballages et les déchets d’emballages est également attendue d’ici l’été.
La députée européenne Delara Burckhardt, de la commission Environnement, a indiqué que le Parlement était « impatient » de travailler sur les législations évoquées et qu’il souhaitait « des produits conçus pour durer, faciles à réparer, faciles à recycler ».
De son côté, la présidence française va pousser le règlement Batterie, sur lequel le Parlement doit adopter un avis la semaine prochaine. « Nous souhaitons d’abord aboutir à l’adoption rapide d’un compromis sur le règlement batteries, a indiqué Barbara Pompili. De même, nous engagerons les discussions au Conseil sur l’initiative sur les produits durables dès que cette dernière sera adoptée. »
La ministre a ajouté que la présidence française souhaitait avancer sur la lutte contre la déforestation importée et les clauses miroirs. « Nous avons à l’esprit le fait que faire évoluer nos produits, c’est aussi faire évoluer notre manière de commercer, puisqu’aujourd’hui, les chaînes de valeur sont mondialisées. La PFUE a donc pour priorité de parvenir à une orientation générale ambitieuse, au Conseil, sur le projet de règlement européen pour la lutte contre la déforestation importée » a-t-elle souligné.
Une circularité à plusieurs vitesse
Concernant la circularité des produits, l’Union européenne va aller crescendo. « Dans un premier temps, nous examinons les produits à fort impact pour lesquels les défis environnementaux sont les plus importants : textiles, meubles, électronique, acier et produits chimiques » a précisé Franz Timmermans.
« Il nous faut un cadre incitatif, mais il n’y a pas de solution unique, on ne peut pas considérer que le paquet sur les produits durables permettra, par exemple, de tout résoudre » a ajouté Delara Burckhardt, appelant à « un cadre réglementaire clair pour les filières » et à « des propositions de réglementations qui fonctionnent bien les unes avec les autres ».
L’idée est donc de créer un cadre général pour avancer, produit par produit, « sans pour autant sur-réglementer » a tempéré Kestutis Sadauskas, directeur à la DG ENVI.
L’autre grand principe pour permettre aux produits circulaires de se développer est de les valoriser par une labellisation ainsi qu’un « passeport ». Dans ce « passeport produit » seront mentionnées toutes les informations le concernant, par exemple comment il a été composé, comment le réparer, comment le recycler. Thomas Lesueur, le Commissaire général au développement durable au ministère de la Transition écologique, évoque par ailleurs le « recours à la blockchain » afin de permettre à l’information attachée au produit d’être « fiable et authentique ». « Une connaissance fine de l’histoire du produit permettra d’alimenter l’économie circulaire » a-t-il ajouté.
L’Union européenne a comme ambition de créer, à termes, un véritable marché des produits circulaires. « Si nous parvenons à garantir un marché européen pleinement opérationnel pour les matériaux recyclés de la plus haute qualité, nous pourrons faire du « Recyclé dans l’UE » une référence mondiale et créer des emplois tout en réduisant notre dépendance à l’égard des matières premières primaires » a ainsi détaillé Franz Timmermans. Son dernier point est d’autant plus prégnant dans le contexte de guerre entre l’Ukraine et la Russie, dont l’une des conséquences est la flambée des prix de certaines matières premières.
Toutefois, « si nous voulons réussir, il faut que toutes les composantes de la société, des entreprises aux consommateurs en passant par les collectivités locales et la communauté des chercheurs, soient impliquées » a prévenu Franz Timmermans. A bon entendeur.