Environnement : face à Trump, «remettons-nous au travail et redoublons d’efforts»
V. John White est le fondateur et directeur du Centre pour l’efficacité énergétique et les technologies renouvelables (CEERT) en Californie. Cette plateforme basée à Sacramento, qui associe groupes environnementaux et entreprises du secteur privé travaillant dans les énergies renouvelables et les technologies propres, ambitionne de trouver des solutions au réchauffement climatique.
Les progrès environnementaux et l’action contre le changement climatique aux États-Unis sont-ils voués à l’échec sous l’administration Trump ?
Le risque est grand. Les discussions autour d’une sortie de l’accord de Paris ou la nomination d’un climatosceptique [Trump a nommé le ministre de la justice de l’Oklahoma et climatosceptique affiché, Scott Pruitt, à la tête de l’agence de protection de l’environnement EPA, ndlr] ne présagent rien de bon à court terme. En Californie et sur la côte ouest, je pense que c’est différent. La Californie est la sixième économie du monde [selon les chiffres du Bureau des analyses économiques américain pour 2015. Avec un PIB de 2 460 milliards de dollars, soit 2 352 milliards d’euros, elle talonne la France, ndlr] et nous pouvons poursuivre nos efforts. Nous risquons d’être isolés et affaiblis, mais nous ne reculerons pas. Nous devons être plus stratégiques et essayer de construire des alliances avec nos voisins, mais aussi d’autres pays. A Marrakech [lors de la COP 22 qui s’est tenue du 7 au 18 novembre, ndlr], la Californie a signé un « mémorandum d’entente » [un accord bilatéral, ndlr] avec l’Allemagne pour étendre la coopération. Nous avons aussi établi des contacts avec la Chine, le Mexique et le Canada. Nous avons la capacité de montrer la voie à suivre. Nous sommes affectés et déçus, mais aussi déterminés à retenir les leçons de cette catastrophe électorale.
Quelles leçons tirez-vous de cette élection sur les manières de sensibiliser le public à l’environnement ?
Nous devons prouver qu’il est possible de faire des progrès en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sans que cela se fasse aux dépens de l’économie. Nous voyons un lien direct entre d’un côté, la réduction de la pollution et l’amélioration de la santé publique et de l’autre, la création d’emplois.
Nous devons également reconnaître la situation de la classe ouvrière blanche et réfléchir à la façon dont nous leur parlons de tous ces sujets cruciaux. Dans le Midwest et d’autres endroits laissés pour compte, ils ne se sont pas reconnus dans notre discours et c’est un échec de notre part. Avec le temps, notre lutte pour sauver la planète et en particulier réduire les pollutions et développer les économies locales pourra parler aux gens. Mais pour le moment, c’est un énorme recul. Il y a beaucoup de fautifs. On peut blâmer le FBI, on peut blâmer les médias, on peut blâmer Donald Trump pour être une ordure, mais nous avons aussi notre part de responsabilité pour avoir échoué à convaincre nos concitoyens.
Y a-t-il beaucoup de choses que les ONG ou les citoyens peuvent faire pour défendre la cause environnementale ?
Chacun peut faire des choix dans sa vie, sur la façon dont il conduit, la fréquence à laquelle il prend l’avion, la quantité de viande qu’il mange. Nous pouvons faire beaucoup au niveau local avec les villes et les maires ainsi qu’avec les provinces, selon les États. Il est aussi important que les personnes s’élèvent et protestent et maintiennent vivant cet élan dans le discours public. La situation est délicate et nous faisons face à un grand défi, mais nous avons au cours de notre histoire été confrontés à des menaces similaires, si ce n’est les mêmes. Comme a dit l’un de mes amis, le journaliste Roland Martin, « nous allons combattre Trump jusqu’à ce qu’il gèle en enfer, et nous ne lâcherons rien ».
Remettons-nous au travail et redoublons d’efforts. D’un côté, je suis dévasté et déprimé et j’ai le sentiment que ma génération a laissé tomber ma fille et que nous avons laissé un horrible bordel aux générations futures. Mais rester dans cet état ne va rien changer. Nous sommes pleins de ressources et nous pouvons compter les uns sur les autres et je prends ceci comme un encouragement : il faut garder espoir.
Source : Liberation.fr