L'objectif du système communautaire d'échange de quotas d'émission est d’inciter les grands industriels à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
En France, la tentation d’un « corridor de prix » pour le carbone

Depuis quelques mois, les prix du carbone s’emballent sur le marché européen. Une situation qui remet sur la table l’idée d’un prix plafond, après des années de prix bas ayant suscité le soutien à un prix plancher.

En France, près de 1 000 installations industrielles sont concernées par le marché du carbone. Elles bénéficient de quotas les autorisant à émettre une certaine quantité de CO2. Au-delà de cette quantité, elles doivent acheter des quotas supplémentaires sur le marché européen du carbone, tout comme d’autres entreprises en Europe.

En place depuis 2005, ce Système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) a pour but d’inciter les grands industriels à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans cette optique, le nombre de quotas alloués diminue également chaque année, entraînant par effet collatéral une augmentation du prix du carbone. 

Mais alors que le prix du CO2 se languissait en dessous des 10 euros la tonne, les cours se sont envolés. Entamée en 2018, la remontée des prix a atteint des records inattendus. En décembre 2021, le prix de la tonne de CO2 sur le marché européen était de 80 euros ; en février 2022, il a frôlé les 100 euros.

Les conséquences ont rapidement été ressenties du côté des électriciens, grands consommateurs de quotas de CO2.

« Récemment, un fournisseur d’énergie électrique polonais m’expliquait que les coûts du carbone représentaient 60 % du coût de son électricité en sortie d’usine » détaille Sébastien Postic, chef de projets Finance publique, Développement, Climat à l’Institute for Climate Economics, lors d’un entretien avec EURACTIV.

Pour Marc Baudry, responsable du programme Prix du CO2 et Innovation bas carbone à la chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine, on assiste à « un tournant dans la dynamique du prix du carbone » dues à plusieurs facteurs comme la mise en place de la réserve de stabilité, « qui a contribué à resserrer légèrement l’offre de quotas et, de ce fait, à faire remonter le prix ».

L’expert mentionne également à EURACTIV le Pacte vert. « Il y a une politique volontariste de décarbonation et, de ce fait, le prix grimpe. »

Emmanuel Macron favorable

Confrontés à des pris jugés trop bas pendant de longues années, les politiques français ont été jusqu’à présent plutôt enclins à soutenir un prix plancher.

En mars 2018, le président Emmanuel Macron estimait ainsi : « Nous avons besoin d’un marché carbone qui fonctionne au niveau européen (…). Nous avons besoin d’un prix plancher européen du carbone. »

Cette idée est également soutenue par les sénateurs Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé, auteurs d’un rapport d’information intitulé « Réformer le marché carbone pour bâtir une économie européenne souveraine, durable et juste ».

Publié le 15 mars 2022, le document propose de disposer d’un « outil pour donner plus de visibilité aux acteurs économiques sur l’évolution du prix du CO2, par exemple par l’instauration d’un corridor de prix sur le SEQE-UE ». 

Au prix plancher, les deux sénateurs ajoutent donc l’idée d’un prix plafond, à l’image du « serpent monétaire » européen instauré dans les années 70 en préparation à l’introduction de la monnaie unique.

L’idée d’instaurer un « corridor de prix » pour le carbone n’est pas neuve. Elle avait notamment été défendue en 2017 par la Commission de Haut Niveau sur les Prix du Carbone, soutenue par le groupe de la Banque mondiale, l’ADEME et le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Mais si ce point de vue est partagé par deux niveaux politiques français, le sujet mobilise peu sur la scène nationale. « Le regard français existe, mais il est davantage porté par les parlementaires français européens. C’est un débat qui se joue très largement au niveau européen » observe Sébastien Postic.

Parmi les députés européens français qui se sont exprimés sur le sujet, on peut citer Marie Toussaint (Europe Ecologie Les Verts), auteur avec Philippe Lamberts d’un rapport sur le marché européen du carbone.

Dans l’avant-propos, les édiles estiment qu’ « un signal de prix du carbone fort et stable est essentiel pour que le SCEQE soit réellement efficace », ce à quoi pourrait contribuer l’instauration d’un prix plancher.

Pour autant, il n’est pas non plus « la solution miracle » selon la députée européenne Aurore Lalucq (Socialistes & Démocrates). Elle plaide plutôt pour « de la réglementation, de la norme », de la planification et un changement des modes de vie.

« On a besoin de stabilité et de vision » pour la transition écologique, ce qui n’est pas compatible avec des prix fluctuants soumis aux aléas du marché, mêmes plafonnés, estime-t-elle.

Source: euractiv.fr

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