Le changement climatique est un phénomène très complexe . Alors, comment a-t-on pu le simplifier par la limite des 2 degrés Celsius ?
Elle vient d'où la limite des 2 degrés Celsius ?

Le changement climatique est un phénomène très complexe sur des périodes très longues. Alors, comment a-t-on pu le simplifier par la limite des 2 degrés Celsius ?

Si vous lisez n’importe quel article concernant le changement climatique, alors vous allez toujours trouver le concept de la limite à 2 degrés Celsius. L’article va toujours avertir sur les dommages considérables si on dépasse ces 2 degrés Celsius et qu’il y a des catastrophes si nous réchauffons plus que cette limite. Récemment, une série de papiers scientifiques a estimé que nous n’avions que 5 % de chances de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius et 1 chance sur 100 de le maintenir à 1,5 degré Celsius. Et ces 1,5 degrés Celsius sont l’objectif idéal de la COP21 de Paris en 2015. De plus, d’autres recherches récentes pointent sur le fait que le réchauffement climatique va atteindre les 1,5 degrés Celsius même si nous supprimions toutes nos empreintes carbone par magie.

Mais il y a un autre aspect. Quelle est la base que nous devons utiliser ? Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) utilise fréquemment les augmentations de température relatives à la seconde moitié du 19e siècle, mais l’accord de Paris estime que l’augmentation de la température doit être mesurée à partir des niveaux préindustriels, soit avant 1850. Les scientifiques ont montré que si on se base sur 1850, alors la température a déjà augmenté de 0,2 degré Celsius par rapport aux limites supérieure.

Il y a tellement de chiffres et de données que même un climatologue aguerri en perdrait la tête. De ce fait, comment la communauté des climatologues est parvenue à se mettre d’accord que les 2 degrés sont la limite qu’il ne faut pas franchir ? Qu’est-ce qu’elle signifie ? Et si on ne peut pas maintenir la température à 2 degrés Celsius, est-ce qu’on doit totalement abandonner l’idée de limiter le changement climatique ?

La peur du point de bascule

La littérature académique, la presse et les blogs ont retracé l’origine de la limite des 2 degrés Celsius. Contrairement à ce qu’on pense, cette limite ne vient pas des climatologues, mais d’un économiste de Yale appelé William Nordhaus.

Dans son papier de 1975 intitulé Est-ce que nous pouvons contrôler le dioxyde de carbone, Nordhaus « pense tout haut » sur une limite raisonnable du CO2. Il pensait qu’il serait raisonnable de maintenir les variations climatiques sur la même échelle que les variations normales du climat. Il a également supposé que la science ne peut pas établir une limite, car cette limite doit aussi se baser sur les valeurs de la société et des technologies disponibles.

Il a conclu qu’une limite supérieure raisonnable serait le double de la température qu’on pourrait observer par rapport aux niveaux préindustriels de CO2 et il pensait que ce double équivalait à 2 degrés Celsius. Nordaus était très insatisfait avec son expérience de pensée. Et il est ironique de constater qu’une réflexion à peine esquissée allait devenir la référence de la politique internationale sur le climat.

La communauté des climatologues a tenté de quantifier les impacts et elle a recommandé les limites du réchauffement climatique comme dans un rapport de 1990 publié par le Stockholm Environmental Institute. Ce rapport indique que la limitation du changement climatique à 1 degré Celsius serait la meilleure option, mais la communauté reconnaissait que cet objectif était irréaliste et donc, on allait mettre la limite à 2 degrés Celsius.

Pendant la fin des années 1990 et le début du 21e siècle, on avait des inquiétudes grandissantes sur le fait que le système climatique allait rencontrer des changements catastrophiques et non linéaires popularisés par le livre Tipping Point de Malcolm Gladwell. Par exemple, l’augmentation des émissions de carbone allait mener à un arrêt des systèmes de circulations des océans ou une fonte massive du permafrost.

Cette peur d’un changement climatique brusque a permis une acceptation politique de la limite de la température définie. La limite de 2 degrés Celsius est entrée dans la politique quand elle a été adoptée par le Conseil de ministres de l’Union européenne en 1996, le G8 en 2008 et les Nations unies en 2010. En 2015 à Paris, les négociateurs ont adopté les 2 degrés comme la limite supérieure et une limite souhaitée à 1,5 degré Celsius.

Cette petite histoire montre que l’objectif a évolué à partir d’un désir qualitatif et raisonnable pour maintenir les changements du climat à une certaine limite. Avec ce que la planète a vécu dans son passé géologique, il est important d’avoir cette limite pour éviter de provoquer des catastrophes à la civilisation humaine et les écosystèmes naturels. Les climatologues ont commencé à soutenir l’idée des 1 ou 2 degrés Celsius il y a environ 30 ans. Ils ont montré les risques probables avec une augmentation de 1 degré Celsius et des dommages plus graves avec 2 degrés Celsius.

Et si nous manquons l’objectif ?

L’aspect le plus puissant, concernant la limite des 2 degrés Celsius, n’est pas sa véracité scientifique, mais sa simplicité pour fédérer le maximum de personnes et de pays. Le système climatique est gigantesque et il possède tellement de dynamiques, de paramètres et de variations dans l’espace et le temps qu’il est impossible à communiquer efficacement et simplement. La limite des 2 degrés Celsius manque de profondeur et de nuance, mais elle permet à l’objectif d’être compréhensible, mesurable et réalisable même si nous devons changer rapidement nos comportements. Les objectifs sont des puissants instruments pour mener les changements.

Même si la limite des 2 degrés Celsius est un instrument grossier avec beaucoup de défauts de la même manière que de juger une équipe entière en se basant sur un seul joueur, sa capacité à rallier 195 pays à signer un accord ne doit pas être négligée. Mais qu’est-ce qu’on va faire si on ne peut pas maintenir la température à 1,5 ou 2 degrés Celsius ? Le plus récent rapport du GIEC montre les risques d’un monde à 2 degrés Celsius par continent et comment ces risques font partie d’un continuum pour étendre le réchauffement climatique à 4 degrés Celsius.

De nombreux risques, décrits par le GIEC, vont augmenter de manière régulière. Mais pour de nombreux aspects climatiques, nous n’allons pas tomber dans le précipice à 2 degrés Celsius même si on aura des dommages considérables aux récifs de corail et à notre agriculture. Comme n’importe quel objectif, la limite de 2 degrés Celsius doit être ambitieuse et réalisable. Mais si nous n’y arrivons pas, alors nous devons faire tout notre possible pour maintenir le réchauffement climatique à 2 ou 2,5 degrés Celsius. On peut comparer ces objectifs à la vitesse autorisée pour un camion dans la descente d’une montagne. Une vitesse autorisée de 48 km/h permettra au camion de descendre en douceur et en toute sécurité. Mais on sait qu’une descente à 115 km/h va nous réduire en bouillie à la fin de la descente.

L’objectif est de fixer une limite entre ces deux vitesses. Mais à chaque kilomètre par heure que nous accélérons, nous augmentons irrémédiablement les risques. C’est la même chose avec le changement climatique. Si nous ne pouvons pas descendre à 48 km/h, alors essayons à 55, puis à 65 km/h. Mais soyons certains qu’à 115 km/h qui est « qu’on ne fait rien », alors il ne faudra pas être surpris du résultat final et personne ne veut ce résultat.

Source:

COMMENT

Les meilleurs de Tired Earth dans votre boîte mail

Inscrivez-vous pour découvrir d'autres photos, histoires et offres spéciales de Tired Earth