Paris (AFP) – D’un coin de cuisine aux étendues de sable de la planète Mars, fera-t-on bientôt pousser des plantes dans des milieux artificiels contrôlés par la technologie ? Certaines start-up y croient, mais tâtonnent encore pour trouver le modèle économique qui les rendra viables à grande échelle.
De la cuisine à la planète Mars, l’agriculture en intérieur cherche encore sa voie
Un système de potager intérieur développé par la start-up "La Grangette" présenté au salon VivaTech, le 17 juin 2022 à Paris © AFP Eric PIERMONT 

« D’ici 5 à 10 ans la majorité des foyers seront équipés de potagers d’intérieur », des petites armoires où les plantes poussent dans un milieu entièrement contrôlé, affirmait cette semaine au salon VivaTech à Paris Thibaut Pradier, le fondateur de la start-up « La Grangette ».

Une fois le consommateur équipé d’un potager, cette société prévoit de lui fournir des recharges sous la forme de capsule en fibre de coco, qui contient une graine avec le végétal désiré, pour 1,5 euros en prix cible.

L’achat de la graine donne ensuite accès à une application qui indique comment paramétrer le potager d’intérieur de manière adaptée – dosage des nutriments, hygrométrie, lumière… – et permet de suivre la croissance de la plante.

Preuve que le marché est porteur, le fabricant d’électro-ménager LG « produit déjà avec un grand succès des potagers d’intérieur en Corée du Sud et Miele vient de se lancer en Allemagne notamment », indique M. Pradier.

Pour lui, cette agriculture en milieu totalement contrôlé constitue bel et bien une part de l’équation pour parvenir à nourrir la planète à un coût environnemental acceptable.

Certes « le potager d’intérieur va consommer l’équivalent d’un frigo » mais le bilan carbone de sa salade sera bien meilleur « car il n’aura pas à être transporté et livré », affirme-t-il.

La fondatrice d’Interstellar Lab Barbara Belvisi, qui veut faire pousser des plantes dans les environnements les plus hostiles, est sur la même longueur d’onde.

« L’agriculture traditionnelle ne pourra pas nourrir à elle-seule 9 milliards d’êtres humains », affirme-t-elle.

« Un environnement fermé et contrôlé permet d’optimiser la consommation énergétique » et peut aussi permettre de « relocaliser l’agriculture » en évitant d’importer de pays lointains des produits incultivables sur place.

Interstellar Lab, qui a levé 7 millions d’euros et emploie une trentaine de personnes, prévoit de livrer d’ici à la fin 2023 une vingtaine de ses « Biopods », des « dômes » de culture de 55 mètres carrés, où les plantes poussent dans un brouillard nutritif en aéroponie.

Ces modules complètement étanches à leur environnement préfigurent sur Terre la véritable ambition d’Interstellar Lab: la culture dans l’espace – en station spatiale par exemple – ou sur une autre planète.

« Continuer à tester »

Pour l’instant, les Biopods se destinent à des laboratoires pharmaceutiques, cosmétiques ou à toute autre industrie recherchant des plantes très particulières et à haute valeur ajoutée, détaille Barbara Belvisi.

« Au début, ce ne sera pas forcément pour l’alimentation, sauf pour des plantes très spécifiques comme la vanille ».

L’exemple typique est pour elle le vétiver, une racine utilisée en parfumerie qui pousse très bien, et sans détruire des sols, en aéroponie.

Car pour l’agriculture en intérieur, la route vers la viabilité commerciale est longue, comme en témoigne le dépôt de bilan d’Agricool.

La prometteuse start-up française, qui avait levé 35 millions d’euros en 2018, voulait faire pousser des salades ou des fraises dans des conteneurs urbains équipés d’ordinateurs, au plus près du consommateur.

Malgré l’engouement pour son concept, elle n’a pas réussi à trouver un modèle économique viable, explique son co-fondateur Guillaume Fourdinier.

« Le consommateur acceptera de payer environ 20% plus cher » pour ce type de produits locaux, « mais ce n’est pas assez pour rentabiliser les coûts de R&D et ça reste au-dessus des prix des concurrents » traditionnels, regrette-t-il.

Agricool avait réussi à devenir bénéficiaire sur quelques végétaux, comme les herbes aromatiques, mais n’y est pas parvenue sur les fraises ou la laitue dont les coûts de production étaient plus élevés.

Son diagnostic rejoint celui de Barbara Belvisi: à court terme, ce type de culture ne peut-être viable que pour les produits à haute valeur ajoutée.

Or « a long terme, tout va changer avec le changement climatique » et les fermes urbaines, dans des dômes ou des conteneurs, pourront s’imposer si les températures empêchent la culture en extérieur, dans les pays du Sud notamment.

« Pour relever les défis majeurs qui nous attendent sur l’alimentation, il va falloir continuer à tester et investir massivement en parallèle dans la transformation des fermes traditionnelles », maintient-il.

© AFP

Source: goodplanet.info

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