Tired Earth : La courte interview du média musulman "Islam&Info"
Cette interview a été réalisée par Melania Giordano
Photo éditée : ©Tired Earth France
Quelles religions sont les plus écologiques ?
Nous vous remercions tout d'abord de bien vouloir nous offrir la parole.
Nous pouvons affirmer sans trop nous tromper que les représentations spirituelles non matérialistes sont plus susceptibles d'aborder le sujet de la présentation des systèmes vivants. En effet, si les théories modernes ont consacré l'Homme et sa soif de bonheur comme seul Dieu, les traditions incarnent quant à elles la notion de limites. Limites aux maux de l'Homme dont celui de l'Hubris qui le laisse penser que pour sa seule soif de gain il peut détruire un patrimoine appelé Terre.
Mais il demeure vrai que contrairement à la Bible qui parle de 'domination' par l'Homme de la Terre et des vivants, le Coran parle lui de 'califat' c'est à dire de dépositaire. Par définition, un dépôt se rend et en bon état.
Quelle est la version écologique de l’Islam ?
Comme précédemment énoncé, l'Islam considère l'Homme comme 'calife' sur cette Terre, c'est à dire dépositaire d'un legs qu'il devra gérer et transmettre. Et pour cela l'Homme sera jugé. Donc que ce soit pour une injustice faite aux Hommes, aux animaux ou à la nature, l'Homme a non seulement à répondre dans l'au-delà mais également sur Terre de ses actes.
C'est ainsi que pendant des siècles les jurisconsultes musulmans ont consacré comme l'une des priorités premières de l'Islam la protection de la vie et des biens communs. A titre d'exemple, les richesses des sous-sols comme l'eau étaient réputées bien communs. Aucun privé ne pouvait s'accaparer ces biens naturels pour en tirer un profit frénétique comme c'est le cas aujourd'hui avec une surexploitation des ressources qui vient détruire les terres, les mers de la planète. Cette notion de 'bien commun' empêchait de facto que la course à la richesse de l'un vienne nuire à la vie des autres.
Cette loi appliquée aujourd'hui interdirait aux multinationales de s'accaparer et de détruire la planète au nom de la 'liberté économique d'entreprendre'. En clair, l'Islam interdirait tout bonnement au capitalisme libéral - car il faut bien nommer le responsable - d'exister avec sa logique de croissance obligée infinie sur une Terre qui est bien finie.
A ce titre, nous récusons ces notions de croissance ou de décroissance qui finalement ne font qu'accréditer une vision matérialiste du monde. Nous préférons l'accroissance, c'est à dire un monde dans lequel le développement ne se jauge pas à la quantité produite, un monde où l'on préfèrera le beau et le transmissible à l'éphémère consommable et jetable, un monde faisant sien la nécessité de la préservation des écosystèmes comme legs à transmettre à nos enfants.
Quelles sont les réussites des pays musulmans dans le domaine de l'environnement ?
Comme vous le savez, les pays musulmans ont été durant les deux siècles derniers colonisés et sont contraints jusqu'à aujourd'hui d'obéir à un agenda occidentaliste capitaliste qui ne laisse aucune place à la nature comme à l'Homme d'ailleurs...Il subsiste encore dans certaines contrées reculées une application mineure dans certains domaines du corpus islamique qui fait que par exemple les terres verdoyantes sont réputées inaliénables. Cela permet d'éviter que toutes ces terres soient privatisées pour un usage intensif ou pour devenir des lieux touristiques. Mais les Etats centraux n'ont cessé de faire diminuer ces derniers espaces d'écologie réels.
L'interaction des religions peut-elle aider à améliorer la situation sur la planète ?
Comme dit précédemment, l'Islam constitue non pas une 'interaction' avec un système matérialiste et destructeur afin de le contenir dans ses 'excès' en marge. L'Islam constitue en soi un écosystème complet de rapport politique, social, économique en adéquation avec la notion d'ordre cosmique soumis à une sagesse supérieure.
Et c'est à ce titre qu'au lieu d'essayer de diminuer par des actions personnelles les dommages d'un système qui par l'essence est dirigé contre le commun et le vivant, nous proposons de supplanter ce système pour quelque chose de plus grand.
Quel est le point de vue de l'Islam sur notre campagne #ÉtéSansPlastique ?
Les musulmans ne peuvent que soutenir les visions protectrices de notre environnement. Mais nous considérons que ces actions ne peuvent constituer qu'une première étape de conscientisation des masses. Les écologistes doivent comprendre que tant que persistera le système politique qui nous a mené à cette situation, alors rien ne changera.
A un problème systémique doit s'imposer un changement total de système...Et nous y aideront, inshaAllah !