Alors que ses grandes villes attirent de plus en plus de consommateurs, l’Afrique subsaharienne peine à se débarrasser de ses déchets.
Afrique subsaharienne : le casse-tête des déchets de rue

174 millions, c’est l’estimation en tonne de la quantité de déchets produits en Afrique subsaharienne en 2016. Selon la Banque mondiale, environ 69 % de ces déchets ont fini en décharge à ciel ouvert. Cette situation est préoccupante, d’autant plus que les accidents vasculaires cérébraux (AVC) constituent la première conséquence de l’insalubrité sur la santé et la troisième cause de mortalité en Afrique.

Les déchets de rue ou quand l’insalubrité devient une habitude

Les conflits ne sont pas les seules sources de mortalité sur le continent. Même en période de relative stabilité, les morts se comptent par milliers dans les hôpitaux. Et ce n’est plus un secret, les établissements sanitaires publics en Afrique subsaharienne ne sont pas les plus pourvus en équipements. Il ne faut donc pas rêver d’un miracle technologique en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC), de pneumonie (143 000 enfants en meurent au Nigeria chaque année) ou de maladies diarrhéiques comme au Burkina Faso. Chaque année, le drame côtoie le quotidien de bien des familles à cause de ces pathologies, dont l’étiologie révèle un environnement insalubre, pollué et empesté, un environnement auquel les populations se sont habituées, malgré elles. 

S’habituer à la boue, à la poussière et aux odeurs fortes, s’accommoder à un paysage de rues parsemées de déchets de tous types, en plus de l’insécurité, c’est le défi qui vous attend si vous comptez habiter la commune commerçante d’Adjamé, à Abidjan. Les lagunes de la capitale économique ivoirienne offrent un spectacle d’ordures plastiques remarquable. Les automobilistes au feu rouge, avant que celui-ci ne passe au vert, ont l’aisance de trimballer une bouteille plastique, un mouchoir, un paquet de cigarettes, une canette, un emballage par la fenêtre. Partout, derrière les immeubles, tableau identique : des locataires jettent leurs immondices par la fenêtre ou le balcon de leur maison. Les rats prolifèrent, les moustiques font la fête. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est le chemin de tous ces déchets jetés et déposés à la hâte. Ils sont transportés par le vent et les pluies, rejoignent les cours d’eau, puis se déversent dans les eaux maritimes pour alimenter les poissons qui vont se retrouver plus tard dans les assiettes des consommateurs.

Une gestion disproportionnée et insuffisante

Alors que ses grandes villes attirent de plus en plus de consommateurs, l’Afrique subsaharienne peine, soixante ans après les indépendances, à se débarrasser des ordures ménagères. Ces ordures, fruits entre autres de la négligence individuelle corrélée aux insuffisances des politiques de gestion et de recyclage, en plus d’être vecteurs de maladies, contribuent à diffuser une image insalubre d’un continent qui a pourtant mieux à présenter. 

Le rapport whate a waste 2.0 dévoile le nombre 44. Ce nombre représente le taux global de collecte des déchets par les différentes filières de gestion de déchets. L’ensemble des filières de collecte n’absorbent que 44 % des détritus des 48 pays d’Afrique subsaharienne. Ce taux, bien que global, est bien évidemment insuffisant et ne concerne que dans une faible proportion les zones rurales. A une échelle plus fine, selon le professeur Paul Vermande, ancien directeur de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé (ENSP), si l’on veut sauvegarder l’hygiène d’une ville, la première étape serait de réaliser correctement la collecte des déchets avec un taux de récupération satisfaisant, c’est-à-dire, supérieur à 50 % des déchets produits par la ville.

L’étape suivante après la collecte serait le transport de ces déchets jusqu’au lieu de traitements (par incinération, compostage…) ou au lieu de décharge. Mais le traitement le moins cher, rappelle le professeur dans l’étude sur les villes africaines face à leurs déchets , c’est la « mise en décharge », car il est plus facile pour les communes ou les exploitants de trouver un endroit où abandonner les déchets sans se soucier de ce qu’ils deviendront. Des normes existent donc pour l’identification des sites propices et le traitement des liquides générés par les tas d’ordures dans les décharges, afin d’éviter la contamination des nappes et des cours d’eau.

Les compétences ne manquent pas non plus pour une telle tâche. C’est le management et l’organisation efficiente des services et potentialité de collecte comme de traitements qui font défaut. Les choses risquent pourtant de se complexifier avec le temps. En effet, le rapport  de la Banque mondiale sur le sujet nous annonce que d’ici 2050, la production actuelle de déchets en Afrique subsaharienne estimée à 174 millions en 2016 de tonnes, devrait tripler. Alors, soit nous mettons en place dès maintenant des politiques efficaces de réduction, réutilisation et recyclage, soit nous continuons  dans la culture du “tout jetable” et la propension d’abandon des déchets dans les rues, avec toutes les conséquences funèbres qui en découlent.

Réduction, Réutilisation, Recyclage

Il s’agit de la règle des trois R. L’objectif est d’aboutir au Zéro Déchet. Aujourd’hui la Suède bat positivement tous les records en recyclant 99 % de ses déchets. Elle traite même les déchets d’autres pays. En Afrique subsaharienne, au delà des déchets, heureusement, tout n’est pas sombre et il suffit de ne plus regarder en direction des politiques pour s’en apercevoir. Des initiatives naissent, des jeunes s’adonnent au recyclage et au compostage. Des pneus et déchets, surtout plastiques, sont transformés en meubles et en matériaux de construction. Ces initiatives sont observables au Mali, au Nigeria, en Côte d’Ivoire etc. Cependant, il reste beaucoup à faire quand on sait que ces concepts ne sont pas suffisamment valorisés localement. Au demeurant, le meilleur déchet étant celui qu’on ne produit pas, malgré tous les efforts qui pourraient être consentis en faveur du recyclage, si la quantité de déchets par habitant ne diminue pas, il y aura toujours des agents pathogènes difficiles à éliminer.

Cela parait simple mais il est important de le rappeler : pour bien vivre, il faut être en bonne santé. Pour être en bonne santé, il faut vivre dans un environnement propre. Par environnement propre, il est question d’hygiène du milieu de vie. Cela dit, l’enjeu n’est pas que sanitaire car les dépotoirs à l’air libre, concourent à l’image négative de l’Afrique auprès de ses voisins. L’expérience montre que l’Afrique vu d’ailleurs, ce n’est pas seulement l’enfant à moitié nu au ventre ballonné, peau desséchée couvrant difficilement la colonne vertébrale. C’est aussi l’image de rues embouées et poussiéreuses, jonchées de déchets de tous types. Cette Afrique dont l’image impropre s’exporte facilement, ne souffre finalement pas seulement d’un déficit d’image. Elle est également en proie à un véritable fléau d’insalubrité, une réalité morbidique difficile à cacher. 

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