Voici comment le trafic maritime provoque des épidémies dans les fonds marins
© Les récifs coralliens sont déjà fort affaiblis. ( The Yomiuri Shimbun via AP Images ) – ISOPIX
Les coraux sont fascinants. Plutôt qu’un type unique d’être vivant, ils sont constitués de toute une variété d’animaux capables de se créer un exosquelette, généralement en calcaire, et de former des colonies entières de superorganismes symbiotiques. Les récifs coralliens ainsi constitués représentent des écosystèmes parmi les plus riches de la planète. mais aussi parmi les plus menacés.
Et c’est un nouveau péril qui s’abat sur ces petits êtres : une nouvelle maladie du corail a été identifiée, nommée stony coral tissue loss disease (SCTLD). Une infection à l’origine bien mystérieuse, mais qui se multiplie rapidement à différents endroits de la planète. Et dont la prolifération semble bien être d’origine humaine.
80% de pertes
Le SCTLD a d’abord été observé sur des récifs coralliens des Caraïbes, dès 2014 au large de la Floride. Les coraux infectés meurent et blanchissent rapidement, et la maladie, dont la souche reste inconnue, peut s’étendre jusqu’à 100 mètres par jour sur le récif. Elle tue jusqu’à 80% des animaux qui composent le corail.
Mais il y a pire : cette étrange infection a commencé à se multiplier rapidement aux Bahamas alors que, jusqu’en 2019, la zone était presque entièrement épargnée. Pourtant, la maladie semblait incapable de se déplacer à travers des zones de haute mer, tandis que les récifs du Mexique et de Jamaïque, baignées d’eaux moins profondes, étaient atteints.
Le récif corallien de Nassau a été décimé en quatre mois, et remplacé largement par des algues avant que de nouveaux coraux n’arrivent à s’implanter. Pourtant, des passages en eau profonde semblait le protéger. Or, ce port est un des plus actifs de la région. Ce n’est pas un hasard selon une étude publiée dans Frontiers : ce sont les cargos qui transportent à leur insu le SCTLD. Car les navires utilisent de l’eau de mer comme ballast ou comme eau de nettoyage, et la vidangent régulièrement. Pour épargner l’environnement, l’eau prise dans un port doit être déversée en pleine mer selon la législation des Bahamas, mais des capitaines peu scrupuleux y ont sans doute contrevenu. Et de l’eau des zones infectées des Caraïbes s’est retrouvée au contact de coraux précédemment épargnés, répandant ainsi la maladie.
La solution antibiotique
Une situation qui n’est pas très éloignée de nos propres épidémies, qui deviennent des pandémies à la faveur des déplacements internationaux. Et qui pourrait menacer les coraux du monde entier, alors que ces récifs sont déjà menacés par la surpêche, la pollution, et la hausse des températures des océans.
Petite touche d’espoir : certains antibiotiques semblent efficaces pour traiter les coraux, ce qui présage que cette maladie a une origine bactérienne. Reste à enrayer l’infection, et cela commence par arrêter de la propager. Difficile, alors que le trafic maritime mondial est en forte hausse avec la reprise économique attendue.