Une étude britannique révèle que l’océan Atlantique contient beaucoup plus de plastique que ce qu’on croyait
Atlantico.fr : Des chercheurs britanniques estiment que l’océan Atlantique pourrait contenir jusqu'à 200 millions de tonnes de particules de microplastique. D'après les évaluations précédentes, l'ensemble des déchets plastiques versés dans cet océan était plutôt de l'ordre de 17 millions de tonnes - soit dix fois moins. Quel est l'état de l'océan Atlantique aujourd'hui ? Et quelles conséquence le plastique a-t-il eu sur lui ?
François Sarano : On découvre de plus en plus de plastique. On en déverse toujours plus, et nous avons beau tirer la sonnette d'alarme depuis plus de 40 ans, cela continue. Les mesurettes que l'on prend aujourd'hui ne changeront jamais rien. Il faut absolument cesser de produire des sacs en plastique, des bouteilles, du plastique à usage unique de manière générale. Si nous voulons que ça change, il ne s'agit pas de prendre de petites mesures. On va interdire les petits sacs, ça ne suffit pas. Il faut que toutes ces productions s'arrêtent. Tous ces objets finissent par être machouillés par les cachalots, les tortues. Ensuite, il faut savoir que nous mesurons différemment aujourd'hui. Autrefois, les micro particules nous les ignorions. On s'aperçoit aujourd'hui que les macro déchets deviennent des micro déchets. La mesure évoquée dans cette étude britannique n'est même pas la bonne, tellement le plastique est minuscule. Et il se fractionne encore, intervenant dans la chaîne alimentaire, et étant ingéré par des crustacés microscopiques. Le plancton marin est fait d'algues microscopiques, de bactéries, et de petits crustacés. On retrouve à l'intérieur de ces petits crustacés ces microplastiques. La mesure du nombre n'a même plus de sens, nous pourrions mesurer d'une façon différente et en retrouver encore plus. Il faut réaliser que le plastique est un véritable poison et qu'il rentre dans l'ensemble de la chaîne alimentaire.
L'ensemble des animaux est touché, depuis les plus microscopiques jusqu'aux cachalots. Il n'y a donc aucune autre solution : les pays qui sont en capacité de prendre des mesures rapidement doivent interdire le plastique. On souhaite l'interdire à partir 2021, pour que les gens s'adaptent... Soit nous souhaitons que cela change, soit non. Car dès que l'on passe à l'action, c'est très compliqué. Bien sûr, il faut également que cette transformation s'effectue auprès de tous : est-ce que j'utilise du jetable ? Est-ce que je privilégie le verre aux assiettes en plastique ? La décision est individuelle, il ne faut pas attendre des mesurettes de la part du gouvernement, qu'il ne prendra surement jamais. Il faut que chacun d'entre nous, comme nous le demandons avec l'association Longitude 181, dans une campagne qui s'intitule "ici commence l'océan" prenions conscience de cela. Il faut agir maintenant, chez soi, et aujourd'hui. Car sinon, on continuera de me téléphoner concernant les études qui deviennent de plus en plus graves. En 1992, lors de la conférence de Rio sur l'environnement, nous parlions déjà de ça. Les chefs de l'État avaient tous signés une convention "l'agenda 21". On devait changer, je constate que rien n'a changé. Ces chefs d'États avaient conscience de la gravité des choses, puisqu'ils ont lu ces rapports et les ont même signé. C'est donc à nous, citoyens, de changer.
Comment l'Océan Atlantique a-t-il évolué ces 10 dernières années ? Les conséquences des microplastiques sont-elles les mêmes que celles des déchets plastiques que l'on connait (paille, sac...) ?
Nos impressions, nous les plongeurs et baigneurs, sont les mêmes que les chiffres de l'étude britannique. Sous la surface, c'est la castatrophe. Les plastiques ne font pas que flotter, ils s'enfoncent. Pour un plastique en surface, il y en a mille dessous. Après ça, les requins pelerins, les raies, tous les poissons gobent le plastique car ils ne parviennent pas à faire le tri. Il y a donc une véritable dégradation. Pourquoi ? Parce que le Gouvernement ne prend que des "mesurettes", et parce que les mesures imposées aux distributeurs de plastique sont insuffisantes.
Il y a une vraie différence : les microdéchets sont ingérés par des microanimaux, qui eux-mêmes vont être mangés en million par des animaux plus gros. Les crustacé de la taille d'un demi-ongle qui ingèrent ces microplastiques, sont consommés par la baleine par milliards . Elle ne digèrera pas les microplastiques. De même pour les poissons. Les microplastiques entre donc directement dans la chaîne alimentaire, et sont donc partout. Les gros sacs plastiques deviendront dans dix ans des petites billes, c'est pour cela qu'il faut impérativement les arrêter. Les associations essaient de nettoyer régulièrement les océans, les mers... mais quand c'est au large, on ne peut plus arrêter ça.
Peut-on croire en une prise de conscience générale ?
Les chiffres sont de plus en plus alarmants. Les journalistes, les associations doivent parler de ces chiffres. Et puis, il y a l'exemplarité. Je vais acheter mon pain, je refuse le sac car j'ai déjà un sac réutilisable. De temps en temps, des clients derrière moi ont le leur également. Il faut être contagieux, agir, tout de suite. Si vous avez changé une personne, vous avez gagné. Il faut que chacun se sente concerné, car il n'y a pas de loi et pas de mesure contre les distributeurs. Nous consommateurs, avons une puissance infinie avec notre non-consommation. Si nous décidons que l'usage unique ne doit plus être utilisé, que nous ne l'utisons plus, et bien nous pouvons changer les choses. Dans notre campagne, nous parlons des déchets plastiques, les plus visibles puis les pollutions qui commencent dans notre évier. Nous ne pouvons plus avoir de double discours qui est :"je veux offrir un bel avenir à mes enfants mais le gouvernement ne prend aucune mesure", ça ne tient pas.
Un avenir meilleur est-il envisageable pour les océans selon vous, ou cela relève-t-il de l'utopie ?
Évidemment que cela est possible. Par exemple, lorsque j'ai commencé, vous m'auriez demandé de plonger avec un cachalot, je vous aurais dit que cela était impossible, qu'ils ont été massacrés et qu'ils fuient les bateaux. Aujourd'hui, vous voulez venir nager avec un cachalot ? Sans soucis, ils vont venir devant vous. Comme les otaries, les phoques, les baleines. Ils sont tirés d'affaires. Les mesures de protections marchent. Autre exemple : nous faisons des réserves marines. Tout de suite, la vie revient en abondance. L'océan, contrairement au milieu terrestre, ne peut pas être désertifié. Ce sont les courants marins qui transportent les éléments nutritifs partout dans l'Océan, ce qui permet aussi aux algues de pousser et qui ramènent les œufs en permanence. Les animaux marins (exceptés les requins, les raies, les baleines et les dauphins) ont une forte fécondité. Ce qui signifie que dès que l'on arrête, la vie reprend. Mais, il y a la menace des différents polluants (pesticides, métaux lourds, plastiques) et ont une action à retardement. Tout comme le poison, vous n'allez pas mourir directement, cela a un effet à retardement et vous serez fatigué. Vous n'aurez pas la résistance qu'il faut, ni la reproduction nécessaire. Alors si vous souhaitez offrir un environnement plus riche à vos enfants, c'est possible, mais faisons-le.
Il suffit de ne pas acheter de pailles, de verres en plastique, de ne pas acheter de jetable. Les masques sont une catastrophe, les gants aussi. Si l'on prend des mesures de précautions, faisons des masques non jetables. J'entends que nous allons distribuer des masques jetables à tout le monde, mais c'est à hurler. Qu'allons-nous faire de tout ça ? Nous les retrouvons partout, et en mer, ils sont partout. Nous n'avons aucune conscience que nous faisons partie de ce vivant, nous sommes court-termistes. Nous avons toujours la sensation d'être extérieurs à tout ça : ce n'est pas le cas. Tout est lié. Ce que je fais actuellement, aura des conséquences demain. Et l'océan nous est crucial : nous utilisons chaque jour l'eau qui s'en est évaporée.