La réduction des populations d’insectes pollinisateurs dans les milieux agricoles conduit les fleurs de ces milieux à revoir leurs stratégies de reproduction.
Quand les fleurs des champs s’adaptent à la disparition des pollinisateurs

Cette adaptation des fleurs se révèle une conséquence de la diminution des populations d’insectes observée depuis des décennies. En étudiant des fleurs de pensée des champs (Viola arvensis), les scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont constaté que « leur reproduction devenant plus difficile, elles évoluent vers l’autofécondation », selon un communiqué. En l’espace de 30 ans, la part des plantes de pensée des champs issues de l’autofécondation est passée de 50 % dans les années 1990-2000 à 75 % en 2021.

Pierre-Olivier Cheptou, directeur de recherche au CNRS et superviseur de l’étude précise : « en peu de temps, en l’occurrence une vingtaine d’années, une espèce de plante commune évolue et rompt l’interaction avec son pollinisateur. Évoluer signifie qu’elle a des traits génétiques un peu différents d’il y a 20 à 30 ans. » En effet, les fleurs de cette plante ont perdu 10 % de leur taille tandis qu’elles produisent 20 % de nectar en moins. Elles sont donc devenues moins visibles et attractives pour les insectes.

« Nous étions étonnés de trouver une évolution si rapide de la part des plantes », confie Samson Acoca-Pidolle, doctorant à l’Université de Montpellier et premier auteur de l’étude. « Ces changements pour les fleurs montrent que les liens anciens qui nouent ces pensées à leurs pollinisateurs sont en train de se rompre. »

Un cercle vicieux qui contribue au déclin des pollinisateurs

« Les pensées sont en train d’évoluer pour se passer des pollinisateurs », ajoute Pierre-Olivier Cheptou. Il explique qu’il s’agit d’un potentiel cul de sac évolutif sur le long-terme car cela aboutit à des formes de consanguinité. « Elles sont en train d’évoluer vers l’autofécondation, où chaque plante se reproduit avec elle-même, ce qui fonctionne probablement à court terme mais pourrait limiter la capacité de l’espèce à s’adapter aux changements environnementaux futurs. ». L’impact de ces changements va au-delà des plantes puisqu’elles consacrent moins d’énergie à produire du nectar et se montrent donc moins nourricières en 2021 que dans les années 1990.

L’étude publiée dans la revue New Phytologist fin décembre 2023 met en lumière, selon les chercheurs, « un cercle vicieux dans lequel le déclin des pollinisateurs entraîne la réduction de production de nectar par les fleurs, ce qui pourrait, à son tour, aggraver le déclin de ces insectes. »

Les pollinisateurs jouent un rôle important dans l’équilibre des écosystèmes, ils contribuent à la reproduction et au martien des espèces en disséminant le pollen. Les services qu’ils rendent sont bénéfiques tant pour les plantes sauvages que pour les rendements de 75% des cultures agricoles, comme le colza.

En se nourrissant du nectar des plantes et en butinant, les insectes contribuent à leur reproduction en dispersant le pollen. Cependant, depuis des décennies, un déclin massif des populations d’insectes est observé. Les causes de la disparition des insectes sont multiples : érosion de la biodiversité des plantes, transformation des paysages au profit de la monoculture, expositions aux pesticides….

Les scientifiques travaillent désormais pour savoir si leurs résultats ne concernent que le Bassin parisien où ils ont effectué leurs mesures ou bien généralisables à l’ensemble de l’Europe.

Ils essayent également de savoir s’il est encore possible de recréer l’interaction entre la plante et le pollinisateur, mais cela dépend avant tout des conditions favorables aux insectes et aux plantes sauvages dans les milieux agricoles.  Pierre-Olivier Cheptou estime que cela passe par la diversité des plantes sauvages pour permettre aux pollinisateurs de trouver des ressources alimentaires tout au long des saisons et par une réduction de l’usage des produits phytosanitaires.

Source: goodplanet.info

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