Les législateurs européens demandent à la Commission de mettre fin à la promotion de la viande
Le financement de la promotion de la viande par l’UE est depuis longtemps un sujet controversé, mais la guerre en Ukraine et ses répercussions sur l’approvisionnement alimentaire dans l’UE et dans le monde ont ajouté une nouvelle dimension au débat.
L’Ukraine et la Russie étant toutes deux des producteurs clés de céréales, la guerre menée par Moscou risque d’entraîner des pénuries alimentaires dans les pays qui dépendent fortement des exportations de blé.
Si l’Union est largement autosuffisante en ce qui concerne la quasi-totalité des denrées alimentaires, elle est fortement tributaire des importations d’intrants, notamment d’aliments pour animaux, a indiqué Wolfgang Burtscher de la DG AGRI de la Commission, à la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI), jeudi 31 mars.
Dans sa communication de la semaine dernière sur la sécurité alimentaire, l’exécutif européen a donc proposé que les agriculteurs soient autorisés à utiliser les surfaces d’intérêt écologique (SIE) pour l’alimentation animale.
« La possibilité d’y faire pousser de l’alimentation animale pourrait permettre à d’autres régions de l’UE de produire des denrées alimentaires », a affirmé M. Burtscher.
La politique de promotion à nouveau sous le feu des critiques
Dans le même temps, les législateurs de tous partis qui se sont exprimés au sein de la commission jeudi ont fait valoir que pour assurer la sécurité alimentaire dans les circonstances actuelles, la consommation de viande devrait être réduite dans son ensemble et une plus grande proportion de cultures devrait être utilisée directement pour l’alimentation humaine plutôt que pour l’alimentation animale.
« Pensez-vous vraiment qu’il est juste en ces temps de promouvoir l’exportation de viande avec l’argent des contribuables ? », a demandé le conservateur Peter Liese (Parti populaire européen, PPE) au représentant de la Commission.
« Ou ne devrions-nous pas y réfléchir à deux fois et demander aux gens de manger moins de viande, afin que cela puisse également contribuer à résoudre le problème ? », a-t-il poursuivi.
Avec sa politique de promotion, l’UE soutient financièrement la promotion de certains produits agricoles européens dans le but de stimuler la compétitivité et la consommation des produits agroalimentaires du bloc au niveau national et international.
À l’approche de la récente refonte de cette politique par la Commission, qu’elle a finalisée en décembre 2021, la question de la promotion de la viande a déjà été fortement débattue.
Alimentation humaine vs alimentation animale
Comme la révision visait à aligner la politique de promotion sur la politique alimentaire phare de l’UE, la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork Strategy), ainsi que sur son « plan de lutte contre le cancer », beaucoup ont fait valoir que l’UE ne devrait pas aider à promouvoir des produits comme la viande rouge, qui affectent le climat et sont liés à un risque accru de cancer.
Aujourd’hui, la crise ukrainienne a ajouté l’angle de la question de la sécurité alimentaire au débat.
Accélérer le passage à une alimentation plus saine avec moins de produits d’origine animale « réduirait la quantité de céréales nécessaires pour nourrir les animaux », a déclaré l’eurodéputée écologiste Tilly Metz au cours du débat, tandis que sa collègue de parti Jutta Paulus a souligné que « plus de la moitié des cultures céréalières et environ 80 % du maïs produits dans l’UE sont destinés à l’alimentation animale ».
Delara Burkhardt, membre des sociaux-démocrates (S&D), a ajouté qu’en ces temps de pénurie alimentaire mondiale, « les cultures ont leur place […] dans les assiettes des gens, pas dans les mangeoires ».
On ne peut pas se passer de la production animale
Toutefois, M. Burtscher a fait valoir que le maintien d’un certain niveau de production animale était nécessaire au fonctionnement du système agricole.
D’une part, le fumier des animaux est nécessaire pour réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des engrais synthétiques que l’UE importe en grande partie de Russie et de Biélorussie.
En outre, de nombreuses zones utilisées pour le pâturage ou la culture de plantes fourragères ne peuvent être utilisées pour la culture de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine, a souligné M. Burtscher.
« En particulier dans certains pays du Nord, il existe des zones où rien d’autre que des aliments pour animaux ne peut être produit en termes de qualité — on ne peut pas produire du blé partout en Europe », a expliqué le fonctionnaire.
Enfin, il a souligné qu’une majorité de l’apport protéique des citoyens de l’UE provient encore de produits d’origine animale comme la viande ou les produits laitiers.
« N’est-il donc pas juste de promouvoir non pas la viande, mais la façon dont elle est produite ? » a demandé M. Burtscher, concluant qu’il y avait encore des arguments à faire valoir pour que l’Union européenne fasse la promotion de la viande issue de l’agriculture biologique dans le cadre de sa politique de promotion.