Le télétravail « très positif » pour économiser de l’énergie, à condition d’être synchronisé
« Il faut que les métiers s’y prêtent, c’est la limite, mais quand on arrive à faire une mise en sommeil totale du site, on arrive à des économies d’énergie substantielles », souligne Christophe Rodriguez, directeur adjoint de l’Institut français pour la performance énergétique des bâtiments (IFPEB), qui a supervisé une expérimentation grandeur nature, la première du genre en France.
Empiriquement, souligne-t-il, on aurait tendance à penser que le télétravail fait économiser de l’énergie à l’entreprise mais génère une surconsommation majeure au domicile, or il n’en est rien.
« C’est l’idée reçue de base », souligne M. Rodriguez auprès de l’AFP.
« L’étude révèle deux choses », dit-il. « D’abord, il faut que le télétravail soit synchronisé, et ce qui marche bien, c’est de faire une fermeture pour tous le vendredi, donc le bâtiment s’arrête trois jours de suite. Deuxième enseignement, l’effet rebond dans les logements est en moyenne assez faible, de l’ordre de seulement 8% ».
Une centaine d’agents de l’administration sur dix sites, à Paris, La Défense, Orléans, Angers et Valbonne, se sont prêtés au jeu et ont accepté un suivi de leurs consommations au bureau, à domicile (gaz et électricité) et de leur transport durant cinq mois l’hiver dernier.
Un échantillon réduit mais dont les participants ont accepté de répondre à des questionnaires poussés : « Quand ils étaient au bureau, on essayait de comprendre qui était chez eux, un conjoint, un animal, s’ils avaient réduit le chauffage ou s’ils ne l’avaient pas fait, pourquoi, et on avait un mandat pour récupérer leurs données de consommation », poursuit M. Rodriguez.
Les résultats ont été ensuite corrélés aux observations de dix grandes entreprises privées, Allianz, La Poste Immobilier, Natixis, BPCE, SNCF ou Crédit Agricole Immobilier qui ont mené des tests d’organisation, avec à la clé un rapport à paraître d’ici début novembre, regroupant tous les trucs et astuces pour conjuguer télétravail et économies d’énergie.
« Une gageure »
La conclusion de l’étude est que les économies d’énergie par télétravailleur et par jour lors d’une fermeture de site sur une journée atteignent « 25% voire 35% avec un site peu performant dont les occupants prennent la voiture pour le trajet domicile-travail », autrement dit si les bureaux sont une passoire énergétique et si les salariés n’ont pas de transports en commun du quotidien.
Les économies de carbone sont encore plus fortes, entre 30% et 45%, selon l’étude.
Laisser les locaux ouverts mais ne chauffer qu’un seul étage de l’entreprise serait une option sur le papier mais c’est « compliqué à mettre en oeuvre », selon M. Rodriguez, et n’a pas pu être mesuré.
Reste qu’instaurer des jours de télétravail identiques pour tous les salariés est une gageure.
C’est le cas par exemple chez le fabricant de mobilier urbain JCDecaux. Dans une optique de baisse de consommation énergétique de ses bâtiments, l’entreprise a fermé ses sites en France l’an dernier entre Noël et le Jour de l’An, sauf la préparation d’affiches ou l’assemblage.
L’opération sera rééditée cette année. Mais synchroniser le télétravail « n’est pas envisagé compte tenu de la nature de nos activités qui nécessite une continuité d’activité », indique la société.
En France, environ 27% des salariés étaient en télétravail en janvier 2021 (les derniers chiffres disponibles, NDLR), les plus assidus étant des cadres de grandes entreprises du privé, selon le département statistique du ministère du Travail (Dares).
En hausse constante depuis 2000, le télétravail était minoritaire avant le Covid et concernait environ 4% de travailleurs en 2019, majoritairement des cadres, avant son expérimentation massive forcée durant la crise sanitaire qui l’a installé dans le paysage, au profit de certains salariés.
Dans les pays de l’OCDE, le télétravail est plus répandu parmi des salariés ayant un haut niveau d’instruction, un haut salaire, habitant une grande ville et employés d’une grande entreprise.