Déminer les guerres de l'eau
Mesure phare proposée, la "mission d'information sur la gestion des conflits d'usage en situation de pénurie d'eau" suggère notamment de rémunérer les agriculteurs vertueux qui limitent leur consommation d'eau et l'usage des produits phytosanitaires, par des "paiements pour services environnementaux" via les agences de l'eau, avec un budget d'un milliard d'euros pour la période 2021-25.
Pour réduire la vulnérabilité des cultures, le rapport préconise aussi de sélectionner des espèces végétales moins gourmandes en eau ou plus résistantes à la sécheresse.
"L'agriculture irriguée ne représente qu'une faible part du total des prélèvements" mais elle "représente une -petite- moitié de la consommation nette annuelle et les trois-quarts de la consommation estivale" et se retrouve "très souvent au coeur des conflits" souligne le rapport.
D'une manière générale, les députés insistent pour qu'il y ait en France une "gouvernance de l'eau identique sur tout le territoire" et une gestion "par bassin versant et non par département", a résumé pour la presse la rapporteure Frédérique Tuffnell, député LREM de Charente Maritime, lors d'une visioconférence de présentation. "La question de la gouvernance est la plus importante pour éviter la judiciarisation" des conflits, a-t-elle dit.
Construction de retenues d'eau dans les Deux-Sèvres, activité industrielle de Nestlé à Vittel, gestion agricole d'une sécheresse aggravée et récurrente dans l'Indre, ou projet contesté et abandonné de construction de barrage à Sivens (Tarn): le rapport détaille quatre types de conflits d'usages très médiatisés ces dernières années, dont trois portent sur des usages agricoles.
Selon ses auteurs, les conflits viennent souvent du "manque d'état des lieux partagés" sur l'utilisation de la ressource, ainsi que de "l'insuffisance ou du caractère trop tardif de mesures de restrictions prises".
"Les conflits se sont multipliés et durcis" souligne le président de la mission, le député LFI de la Gironde, Loic Prud'homme qui plaide pour une sortie "du modèle agricole industriel".
Sécheresse et pénurie d'eau en chiffres : qui prélève quoi en France?
La France prélève quelque 37 milliards de mètres cubes d'eau par an sur les 175 milliards de mètres cubes composant la "recharge annuelle" des milieux naturels, indiquent des données contenues dans un rapport de l'assemblée nationale diffusé jeudi.
Voici comment se répartissent les 37 milliards de mètres cubes d'eau prélevés dans le milieu naturel en France (hors barrages hydroélectriques) en 2016, derniers chiffres connus:
- 20,8 milliards de mètres cubes d'eau douce sont utilisés dans le domaine de la production énergétique pour le refroidissement des centrales thermiques ou nucléaires, et relâchés dans les rivières ou sous forme de panache de vapeur.
- 5,4 milliards de mètres cubes d'eau potable correspondent aux usages domestiques des Français, soit 170 litres d'eau par jour par usager.
- 4,7 milliards de mètres cubes sont utilisés pour l'alimentation des canaux.
- 3,2 milliards de mètres cubes sont dévolus à l'irrigation de l'agriculture.
- 2,5 milliards de mètres cubes sont prélevés pour les besoins industriels.
"Si ces données de prélèvement agrégées semblent à première vue relativement faibles au regard de la recharge annuelle, elles masquent la réalité des besoins et de la ressource en eau disponible", indique le rapport sur la gestion des "conflits d'usage", qui "émergent quand la ressource, à un instant, en un lieu donné et pour une qualité donnée, ne permet pas, ou plus, de satisfaire les différents usagers".
Au total, le réseau des cours d'eau représente environ 270.000 kilomètres en France, tandis que le stock des eaux de surface (dans les lacs ou les barrages) s'élève à 109 kilomètres cubes.
La ressource souterraine représente 65% de l'alimentation en eau potable et un tiers des prélèvements utilisés pour l'industrie et l'irrigation.
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