Climat : des experts de l’ONU prônent un système de traçabilité des minerais critiques
Le développement massif des énergies renouvelables, indispensable pour lutter contre le changement climatique, ne se fera pas sans ces minerais et métaux: cuivre, cobalt, nickel, terres rares, sélénium ou cadmium pour les batteries des véhicules électriques ou les panneaux solaires.
L’Agence internationale de l’Energie (AIE) estime ainsi que pour limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C, la demande de minerais critiques va quadrupler d’ici 2040.
Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a mis sur pied en avril un comité d’experts chargé d’élaborer des « garde-fous » pour cette révolution énergétique.
C’est une « réponse aux appels des pays en développement », a-t-il commenté mercredi.
Ces derniers s’inquiètent en effet que la transition énergétique puisse « reproduire et amplifier les inégalités du passé, reléguant au bas de la chaîne de production les pays en développement qui regardent d’autres s’enrichir en exploitant leur population et en mettant leur environnement en danger », a insisté le chef de l’ONU, appelant à des consultations avec les Etats membres pour faire avancer les recommandations d’ici la COP29 à Bakou en novembre.
Le but est « d’éviter les erreurs du passé », a de son côté insisté Nozipho Joyce Mxakato-Diseko, coprésidente du comité. « Nous voyons déjà des conflits provoqués par la ruée vers ces ressources, mon continent saigne », a assuré la diplomate sud-africaine devant la presse.
« La route est longue »
Le comité -composé de représentants de ministères des mines ou de l’environnement de divers pays et de spécialistes d’organisations non gouvernementales- met ainsi en avant sept « principes directeurs ».
Parmi eux, placer les droits humains (des enfants, femmes, peuples autochtones, travailleurs…) « au coeur » de toute la chaîne de production, à partir de l’extraction; protéger « l’intégrité de la planète » et des écosystèmes; ou encore assurer un « partage des bénéfices » entre les différents acteurs et pays, alors que souvent les pays en développement qui abritent ces richesses ne sont pas ceux qui en profitent le plus.
Plus concrètement, les experts, évoquant des initiatives existantes disparates, recommandent la mise en place d’un système mondial « de traçabilité, de transparence et de responsabilité » sur l’ensemble de la chaîne de production.
Ce système devrait notamment fournir une évaluation indépendante des performances environnementales et sociales des acteurs. Par exemple, données géographiques, respect des droits humains et du droit du travail, émissions de gaz à effets de serre, impacts environnementaux, corruption…
Le comité suggère également la création d’un fonds mondial, financé par les Etats et les entreprises, pour financer l’après-mine, notamment la réhabilitation des terres et le soutien des communautés locales après la fermeture d’un site.
Alors que l’AIE craint des « tensions » sur l’approvisionnement mondial en ces minerais critiques avec l’augmentation attendue de la demande, les experts de l’ONU appellent à investir dans l’innovation pour réduire la quantité nécessaire de ces minéraux et invitent à réduire les besoins par une consommation plus responsable ou encore le recyclage des produits qui en contiennent, comme les batteries.
La coalition d’ONG Climate Action Network, représentée dans le comité, a salué le rapport qui trace un chemin vers « un nouveau modèle enraciné dans l’équité et la justice ».
Mais « la route est encore longue pour que ces principes deviennent réalité », a commenté sa directrice Tasneem Essop dans un communiqué, se disant malgré tout « encouragée par la forte convergence entre gouvernements, entreprises, syndicats, peuples autochtones et ONG ».
Alors qu’avec l’explosion annoncée de la demande de ces minerais, certains industriels se tournent vers la potentielle exploitation très controversée des fonds marins, le mandat du comité d’experts ne portait que sur les mines terrestres.