Un protocole d’accord signé le 19 juillet permettrait à l’UE de se fournir en lithium exploité en Serbie, essentiel pour assurer la « transition écologique ».
Batteries électriques : le lithium serbe attire l’UE

Il a fallu une crise sanitaire et un conflit à ses portes pour que l’Union européenne prenne à bras-le-corps sa dépendance de pays tiers pour des matériaux stratégiques. Il en est un dont les Vingt-Sept vont avoir cruellement besoin pour mener la « transition écologique » : le lithium, essentiel à la fabrication de batteries électriques.

Vendredi 19 juillet, le chancelier allemand Olaf Scholz s’est rendu à Belgrade (Serbie) où se déroulait le sommet des matières critiques. Le même jour, la Commission européenne annonçait la signature d’un protocole d’accord avec la Serbie, première pierre d’un partenariat sur « les matières premières durables, les chaînes de valeur des batteries et les véhicules électriques ». Dans le fond, il doit permettre à l’UE de se fournir en lithium exploité en Serbie. Il serait ensuite utilisé dans la production, notamment, des batteries électriques, dans la continuité de la décision prise d’interdire la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035.

« D’autres puissances pouvaient utiliser nos dépendances pour nous fragiliser »
« La crise sanitaire et la guerre en Ukraine nous ont rappelé que d’autres puissances pouvaient utiliser nos dépendances pour nous fragiliser », développe Diana-Paula Gherasim, chercheuse et responsable des politiques européennes de l’énergie et du climat à l’Institut français des relations internationales (Ifri). En effet, l’UE se fournit aujourd’hui largement en matières dites critiques auprès de pays tiers. Elle vise donc à diversifier ses sources d’approvisionnements. « Il y a un enjeu d’autonomie stratégique. On sait que nos besoins en matières premières critiques vont augmenter avec la transition énergétique », poursuit la chercheuse. « En 2030, la demande de lithium de l’UE (en équivalent carbonate de lithium) devrait s’élever à 271.473 tonnes par an », précise Johanna Bernsel, porte-parole de la Commission.

Inquiétudes sur l’eau et la terre
Ces négociations ont remis un coup de projecteurs sur la vallée de Jadar, à l’ouest de la Serbie. Quelques jours plus tôt, le président serbe, Aleksandar Vucic, y avait autorisé la reprise d’un projet d’extraction de lithium par le groupe australien Rio Tinto. Ce projet, qui était suspendu depuis janvier 2022, est toujours l’objet de nombreuses contestations de la part des populations locales et d’activistes environnementaux.

Ils s’inquiètent d’une dégradation de la qualité de l’eau et des terres si la vallée est exploitée, pour des bénéfices économiques réduits. « Je plaiderai en faveur de la protection de l’environnement dans notre pays », a déclaré Aleksandar Vucic, lors d’une conférence de presse au sommet des matières critiques. « Au moins six milliards d’euros d’investissements arrivent », a-t-il également annoncé sur X.

Des milliers de personnes ont manifesté samedi 10 août à Belgrade contre la relance du projet.

Le réseau de journalistes d’investigation Balkan Insight Reporting Network a pointé que le groupe australien Rio Tinto, qui va exploiter le lithium à Jadar, a continué ses achats de terrain sur le site supposé de la mine, même lorsque le projet était à l’arrêt. Contactée, la Commission européenne affirme n’avoir joué un rôle ni dans la décision de reprendre le projet d’exploitation, ni travaillé avec Rio Tinto en amont du protocole d’accord.

Garde-fous
Elle défend les garde-fous prévus dans le texte. « La Serbie et l’UE s’engagent à appliquer des normes environnementales - y compris en matière de gestion des déchets -, sociales et de gouvernance élevées ainsi que des pratiques durables », assure Johanna Bernsel. Elles appliqueraient également les mêmes normes au « cycle de vie des mines ». « On n’est pas encore dans la phase d’exploitation. Il faut s’assurer que les demandes faites sur le terrain soient écoutées, juge Diana-Paula Gherasim. Cela n’a pas de sens que le premier grand projet de lithium en Europe ne soit pas respectueux. »

La législation européenne impose effectivement que les producteurs de batteries respectent la traçabilité de leurs produits et des standards européens, environnementaux et sociaux. « Si les batteries ne sont pas conformes à ces standards, elles ne pourront pas être mises sur le marché européen », tranche la chercheuse. Le début de l’exploitation est prévu en 2028.

Plus globalement, l’Union a traduit ses ambitions dans un nouveau paquet législatif. Le règlement sur les matières critiques, adopté en mars 2024 et entré en vigueur, établit un cadre visant à « garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques ». Il impose notamment « aux États membres de disposer de programmes d’exploration nationaux et assure l’accès de l’UE aux matières premières critiques et stratégiques. » Le règlement liste 34 matières critiques, dont 17 stratégiques (lithium, cobalt, cuivre, nickel) pour la transition « écologique et numérique ».

Les autres textes qui forment ce paquet législatif visent à répondre aux objectifs que l’Union s’est fixés d’ici 2030 pour les matériaux stratégiques : au moins 10 % de la consommation annuelle de l’UE provenant de l’extraction dans l’Union ; au moins 40 % de la consommation annuelle de l’Union provenant de la transformation dans l’Union ; pas plus de 65 % de consommation annuelle de l’Union provenant d’un seul pays tiers pour chaque matière première stratégique. Elle a également tissé des partenariats similaires avec des pays européens (Norvège, Ukraine) et d’autres continents (Australie, Ouzkébistan, Rwanda, Chili, Canada).

Source: Le Nouvel République

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