Au Royaume-Uni, les amoureux de la nature invités à compter les papillons
Les amoureux de la nature sont invités à compter les papillons qu’ils observent lors de leurs balades au Royaume-Uni, dans le cadre d’un large recensement de ces insectes de plus en plus menacés.
Le « Big Butterfly Count » -la plus grande initiative du genre au monde selon ses organisateurs- a lieu cette année du 14 juillet jusqu’au 6 août et permet aux scientifiques d’évaluer l’état de santé des espèces naturelles du pays.
Sans attendre ce rendez-vous annuel, Amy Walkden et Emma Grice emmènent régulièrement leurs enfants respectifs, Robin et Alex, huit ans tous les deux, dans un parc du petit village d’Abbotskerswell (sud-ouest) pour observer les papillons.
Ensemble, ils tentent de repérer les insectes, peu nombreux ce jour-là, pour transmettre leurs observations aux équipes de l’association Butterfly Conservation qui organise le grand recensement cet été.
« Avoir une trace annuelle de ce qu’on observe ou pas ici, je pense que ce sont des données scientifiques précieuses pour souligner des changements comme le réchauffement climatique ou la destruction des habitats », explique Mme Walkden, engagée dans l’association.
« Les papillons sont des indicateurs sensibles à ce qu’il se passe », ajoute-t-elle.
« Si on n’a plus de papillons, ceux qui se nourrissent de papillons n’auront plus rien à manger », acquiesce sa fille Robin, robe jaune aux motifs papillon sur les épaules et visiblement très au fait de la chaîne alimentaire.
Déclin
Dans le cadre du « Big Butterfly Count », les volontaires peuvent télécharger un tableau qui leur permet d’identifier plusieurs espèces de papillons et de recenser en ligne ceux qu’ils observent dans leur jardin, dans les parcs ou pendant leurs promenades.
Selon les scientifiques, les populations de papillons diminuent depuis des années, les espèces peinant à s’adapter au changement climatique.
« C’est assez inquiétant », affirme à l’AFP Richard Fox, responsable dans l’association de conservation qui organise le grand recensement. « La principale cause du déclin, c’est ce que les humains ont fait au paysage ces 50, 60, 70 dernières années au Royaume-Uni. »
Selon un rapport de Butterfly Conservation publié cette année, quatre espèces de papillons sur cinq sont en déclin par rapport aux années 1970 et la moitié des 58 espèces recensées au Royaume-Uni sont menacées.
Entre 1976 et 2019, les papillons ont perdu 42% de leur aire de répartition et le nombre de papillons a diminué de 6% sur les sites étudiés.
L’intensification de l’agriculture, avec plus d’engrais et de pesticides, ainsi que des modifications du paysages comme la disparition des haies pour maximiser les surfaces cultivables, sont pointées du doigts pour expliquer le déclin.
« Indicateurs »
Au cours des dernières décennies, le Royaume-Uni a perdu près de la moitié de sa biodiversité, selon un rapport officiel.
Compter les papillons permet de surveiller le déclin. Et si les volontaires sont invités à participer à ces recensements depuis les années 1970, l’activité est de plus en plus populaire.
Le « Big Butterfly Count » a officiellement été lancé en 2010. Plus de 64.000 « scientifiques-citoyens » ont participé l’année dernière, enregistrant près de 100.000 papillons dans tout le pays.
Et près d’un million de papillons observés ont déjà été enregistrés sur l’application dédiée depuis 2014.
« L’une des choses géniales concernant les papillons, (…) c’est qu’ils agissent comme des indicateurs pour tous les autres groupes » d’animaux, souligne M. Fox. « Donc on apprend un peu sur l’état de nos abeilles, nos scarabées, nos mouches, nos guêpes et d’autres insectes importants ».
Richard Fox espère que le dernier rapport va inciter le monde politique à prendre des mesures, même s’il concède que la tâche est « énorme ».
Le gouvernement britannique a pour objectif de palier la perte de diversité en plantant entre 90 et 120 millions d’arbres par an d’ici 2025.
Un projet « fantastique » selon M. Fox, mais qui n’est pas suffisant si des projets vers une agriculture moins intensive ne sont pas encouragés.
« Nous pouvons faire beaucoup plus pour nous assurer que les espaces autour des champs sont gérés de manière à améliorer la situation de nos papillons », insiste-t-il.