En France, 1,76 million de m3 de déchets radioactifs à gérer, et d’autres à venir
Quelque 220.000 m3 supplémentaires ont rejoint le stock de déchets en cinq ans, soit 14% de plus, selon cet inventaire quinquennal à fin 2021 publié mardi par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
C’est « une augmentation courante », liée à l’activité du secteur, estime Philippe Loreaux, chargé de l’inventaire au sein de l’Andra. Sur fond de relance du nucléaire, mais aussi de démantèlement attendu de réacteurs en fin de vie, ce volume « va augmenter encore », a-t-il relevé, assurant que « le système est résilient » pour le prendre en charge.
Quelque 90% du volume – gravats, poutres, vêtements… – est composé de déchets de très faible activité ou de faible et moyenne activité à vie courte (inférieure à 30 ans, avec surveillance pendant 300 ans).
Le reste comprend des déchets de faible et moyenne activité à vie longue, et enfin, à ce jour, 4.320 m3 à haute activité.
Ces derniers forment la quasi totalité (97,2%) de la radioactivité recensée, avec des niveaux à plusieurs milliards de becquerels par gramme. Ils proviennent de la production électrique nucléaire (à plus de 90%), et dans une moindre mesure de la recherche associée et de la défense.
Radioactifs jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années, ils doivent être enfouis dans un site souterrain profond en préparation dans la Meuse (projet Cigeo), sujet de vives contestations.
Et demain ?
Cependant, ces volumes n’incluent pas à ce jour ce que la France considère comme des « matières » et non comme des « déchets »: en l’occurrence les éléments de combustibles usés qui pourraient être un jour réutilisés dans de potentiels réacteurs de « 4e génération » si ceux-ci devaient être mis au point.
Selon l’Andra, les combustibles usés en attente de retraitement et l’uranium recyclé issu du retraitement des combustibles usés représentent plusieurs dizaines de milliers de tonnes.
Qu’en sera-t-il demain? Continueront-ils à être des « matières »? ou viendront-ils rejoindre les déchets si la France abandonne l’idée du recyclage?
L’Andra propose plusieurs projections.
Avec les seuls réacteurs actuels (57 en comptant l’EPR de Flamanville attendu mi-2024, et en gardant la plupart jusqu’à 60 ans), le volume des déchets à haute activité fera plus que doubler, à 11.800 m3 si la France peut in fine recycler ses combustibles. En revanche si elle doit renoncer à recycler, ce seront au total 20.000 m3 à gérer.
Si on ajoute six EPR, déjà annoncés par l’Etat, ce sera 16% de déchets hautement radioactifs en plus, indique l’Andra (qui en revanche ne précise pas les « matières » associées).
Enfin, allonger de dix ans la durée de vie de 12 réacteurs ce sera +2 à +5% de déchets de ce type.
Le gouvernement a dit sa volonté de « prolonger autant que possible » les réacteurs, soutient la conception de « petits réacteurs » (SMR) et Emmanuel Macron a promis lundi d’annoncer huit EPR de plus « dans les prochains mois ».
L’Andra n’inclut pas encore ces éléments dans ses projections, mais veut rassurer sur sa capacité à gérer.
« Le développement progressif de Cigeo laisse beaucoup de possibilités d’adaptation. Il n’est prévu d’y stocker les déchets de haute activité qu’à partir de 2080; il peut y avoir beaucoup de points de rendez-vous », indique Sébastien Crombez, directeur sûreté, environnement et stratégie de l’Andra.
Mais il n’y a « aucune preuve », nulle part, qu’un tel site « est gérable », objecte Roger Spautz, pour Greenpeace, qui préfère un dépôt à sec en sub-surface, où les déchets restent accessibles. « On produit des déchets, et on n’a pas de solution pour les gérer! »
Les déchets les moins radioactifs, eux, sont stockés en surface dans des centres de l’Andra dans la Manche (en cours de fermeture) et l’Aube (avec des extensions prévues).
Quant aux substances de faible activité à vie longue, un projet est à l’étude, dans l’Aube encore, pour un stockage souterrain « en faible profondeur dans l’argile ». L’Autorité de sûreté (ASN) doit en valider le principe.
Restent enfin tous les déchets non inclus dans cet inventaire car gérés de façon « spécifique »: résidus de minerais d’uranium (stockés sur d’anciens sites miniers) ou encore déchets « en situation historique », comme ceux immergés en mer à une époque où cela était admis.