En Guyane, les tortues marines en danger malgré des pontes en hausse
Le département français situé en Amérique du Sud est un haut-lieu de reproduction des tortues marines. Cependant sur les quinze dernières années, le déclin de ces reptiles reste fort.
« Des pontes en hausse, mais des menaces encore nombreuses », résume le Réseau tortues marines de Guyane dans son bilan 2023, même s’il estime « encourageant » le suivi des pontes réalisé cette année sur les deux principaux lieux de reproduction du littoral guyanais: la plage d’Awala-Yalimapo à l’ouest et celles de l’agglomération cayennaise, à l’est, dans un rapport publié le 25 octobre.
Les tortues luths, les plus menacées, ont pondu deux fois plus avec 1.715 nids recensés contre 828 en 2022. Les tortues vertes, qui se concentrent à 94% à l’ouest, montrent également des chiffres encourageants avec 1.945 nids recensés contre 1.727 l’année dernière. Quant à la tortue olivâtre, présente uniquement à l’est, les pontes sont quasiment égales: 3.675 nids cette année contre 3.723 en 2022. Quelques tortues imbriquées ont également pondu cette saison à l’est.
« Sur les deux, trois dernières années, nous assistons à une hausse des pontes. En revanche, sur une temporalité plus longue -la plus importante car les tortues vivent longtemps-, on distingue une forte diminution ces quinze dernières années de la tortue verte et une quasi-disparition de la luth », avertit Laurent Kelle, directeur du WWF Guyane.
Les populations de cette imposante tortue ont reculé de 90% dans la région des Guyanes et ont frôlé l’extinction en 2020 avec 160 pontes recensées dans le département français alors que la plage d’Awala-Yalimapo était « le plus gros site de ponte » au monde dans les années 1980 avec des dizaines de milliers de pontes.
Hécatombe chez les tortues marines
À l’est, Benoît de Thoisy, président de l’association Kwata, qui oeuvre pour la conservation des tortues marines, se montre inquiet: malgré une augmentation des pontes cette saison, le nombre d’émergences (naissances) est particulièrement faible, du « jamais vu » souligne-t-il.
Avec un tel volume de pontes, « nous aurions dû voir quotidiennement des émergences. Or, pendant des semaines, nous n’en avons pas vu une seule. Une saison de pontes est morte dans le sable, il manque des milliers de tortues », indique-t-il à l’AFP.
Cette hécatombe serait due à des taux de mortalité très importants pendant la période d’incubation des œufs. La chaleur, particulièrement élevée cette année sous l’effet du phénomène El Niño, couplée au réchauffement climatique global, en serait responsable.
Dans la zone de l’ouest transfrontalière avec le Suriname, la pression humaine sur les tortues est forte. Cette saison, 55 nids ont été braconnés et quatre individus interpellés pour ces faits.
Mais ce sont surtout les captures accidentelles de pêcheurs illégaux, « responsables de 30% des échouages » d’après le Réseau tortues marines, qui représentent la plus grande menace.
« Comme il faut 1.000 œufs pondus pour un individu adulte, c’est ce stade qui est le plus critique pour la reproduction de l’espèce. L’enjeu est donc de protéger les individus adultes dans l’eau », explique Laurent Kelle.
Une zone de non-pêche a bien été instaurée il y a vingt ans dans l’estuaire du Maroni « mais elle n’est pas respectée faute de surveillance suffisante », poursuit Laurent Kelle. « On espère qu’il y aura plus de contrôles pour la saison 2024. »
Selon le WWF, il y a urgence à agir, notamment pour les luths. Leur situation est si critique qu’une écloserie a été inaugurée en mai. Ce dispositif, qui mime des conditions naturelles et devrait durer « au moins trois ans », a permis l’émergence d’un cinquième des luths nées cette année dans la réserve naturelle de l’Amana, créée en 1998 pour sauvegarder cette espèce emblématique de la Guyane.