En Europe du Nord, la tendance est plutôt en faveur du nucléaire, bien que le clivage gauche-droite reste présent.
Dans toute l’Europe, le nucléaire divise les partis politiques

Marqueur identitaire et politique fort au niveau national, l’énergie nucléaire est perçue différemment selon les pays et leurs opinions publiques, ce qui se reflète sur les positionnements des partis, qui, affiliés à la même famille politique, adoptent des stratégies différentes d’un côté et de l’autre du continent. EURACTIV vous propose un tour d’Europe (politique) de l’atome.

Alors que les débats entre États membres sur la qualification de l’énergie nucléaire comme “source verte” s’agitent, une analyse d’EURACTIV révèle que des clivages de fond existent, qui vont au-delà d’une même appartenance politique.

D’abord, en Europe occidentale, les opinions sont les plus contrastées et correspondent dans leur ensemble à un clivage gauche-droite.

En Allemagne, les partis sont quasiment tous opposés au développement du nucléaire, et en particulier les Verts. À droite (CDU), certains responsables politiques ont fait pression pour prolonger la durée de vie des trois derniers réacteurs nucléaires allemands, qui doivent finalement être arrêtés le 14 avril. Ils sont encore moins nombreux à plaider pour la construction de nouvelles centrales nucléaires, bien que la CDU, dans son ensemble, reste opposée au nucléaire.

Le parti libéral FDP (Renew) est l’un des partis les plus favorables au nucléaire. Troisième parti le plus important du gouvernement allemand, son chef Christian Lindner (ministre des Finances) considère que le pays devrait « continuer à utiliser l’énergie nucléaire pendant une période transitoire en temps de crise ». L’extrême droite (AfD) est aussi favorable au nucléaire, tout comme une frange minoritaire conservatrice chez les Verts. 

L’opinion publique est moins définitive que la classe politique, puisque selon un récent sondage, les trois quarts des Allemands (78 %) sont favorables à la prolongation de la durée d’exploitation des dernières centrales nucléaires jusqu’à l’été 2023, et les deux tiers souhaiteraient qu’elles fonctionnent cinq ans de plus. 41 % d’entre eux sont même favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Dans un autre pays sceptique envers le nucléaire, le Luxembourg, seuls le parti chrétien-démocrate de centre droit et le parti national-conservateur ADR sont considérés comme pro-nucléaires. Le reste du spectre politique y est opposé, y compris parmi les libéraux du Parti démocrate du Premier ministre Xavier Better, à la différence des voisins européens.

Allié aux Verts et aux sociaux-démocrates, M. Bettel a déclaré récemment à propos de l’énergie nucléaire que « ce n’est pas sûr, ce n’est pas rapide, ce n’est pas bon marché et ce n’est pas non plus respectueux du climat ». Son ministre de l’Énergie, Claude Turmes (Verts), est d’ailleurs connu pour son opposition très franche au nucléaire, ne manquant jamais une occasion de tacler ses alliés pro-nucléaire, notamment français.

Une position qui tranche avec celle du président Emmanuel Macron, qui souhaite redévelopper la filière nucléaire en France – elle représente déjà les deux tiers de la consommation électrique du pays. Dans l’Hexagone, les partis écologistes et de gauche radicale (La France insoumise) sont les seuls à être opposés à l’atome. Fait notable, les sympathisants des Verts français sont désormais pro-nucléaire, malgré la position des cadres du parti.

Les socialistes français voient davantage le nucléaire comme une transition vers un mix 100 % renouvelables. La droite soutient le développement de la filière, comme l’extrême droite (Rassemblement national) qui a été opposée à cette source d’énergie dans les années 2010, mais demande aujourd’hui la construction de 20 nouveaux réacteurs. 

En Espagne, les socialistes (PSOE) et la gauche radicale (Podemos) qui sont au gouvernement s’opposent à cette source d’énergie et souhaitent une sortie rapide du nucléaire, tout comme CRE, un parti indépendantiste catalan de gauche et d’opposition – comme leurs alliés allemands, luxembourgeois et français. À l’inverse, la droite et l’extrême droite y sont favorables, dans un contexte où les Espagnols sont plus nombreux à se dire contre (40 %) que pour (32 %), selon un sondage publié par El Mundo.

L’Italie connaît un phénomène semblable. La coalition gouvernementale, composée des partis de droite conservatrice et d’extrême droite Fratelli d’Italia, Forza Italia et Lega, mais aussi les deux partis centristes d’opposition, plaident pour un redéveloppement du nucléaire dans la péninsule, tandis que la gauche, les Verts et le Mouvement 5 étoiles pensent tout l’inverse.

En Europe du Nord, la tendance est plutôt en faveur du nucléaire, bien que le clivage gauche-droite reste présent. En Suède, la coalition droite / extrême droite au pouvoir souhaite même construire plus de réacteurs nucléaires. Ils représentent 50 % des forces politiques.

Plus partagé que ses partenaires français ou luxembourgeois, le Parti du centre suédois ne veut ni de subventions publiques pour l’énergie nucléaire ni de la fermeture prématurée de centrales nucléaires.

À gauche, les Verts se disent opposés à la construction de tout nouveau réacteur, mais ne sont pas antinucléaires en soi, jugeant le nucléaire comme une source d’énergie de transition, à abandonner de manière progressive. Le Parti de gauche souhaite sortir du nucléaire dès que possible. Les sociaux-démocrates, qui dominent la gauche suédoise, considèrent que l’énergie nucléaire est une part importante de la production d’électricité suédoise, qu’elle le restera encore longtemps et que se disent ouverts à étudier « le potentiel de tous les types d’énergie à l’avenir ».

En Finlande, non seulement le soutien à l’énergie nucléaire ne cesse de croître dans l’opinion publique, mais aucun parti sérieux n’est contre le nucléaire, y compris le Parti vert, cette source d’énergie étant jugée nécessaire pour atteindre l’objectif climatique ambitieux de la Finlande d’une neutralité carbone en 2035. Les sociaux-démocrates ont des divergences internes sur la question, mais demeurent officiellement favorables.

Exception notable pour le Danemark, qui n’a aucune centrale nucléaire et un mix énergétique tourné vers les énergies renouvelables, où les positions sont plus contrastées.

Dans la coalition au pouvoir, les sociaux-démocrates y sont opposés, tandis que les libéraux de Renew voient le nucléaire d’un bon œil comme outil de lutte contre le changement climatique. Le troisième parti du gouvernement, les Modérés, ne s’est pas saisi de la question.

À l’opposition, les partis écologistes s’opposent à l’énergie nucléaire en ce qu’elle serait trop risquée et trop chère, et le Parti populaire danois, peu soutenu dans l’opinion et pas influent, se dit favorable à cette source d’énergie sûre et efficace, qui permettrait de réduire la dépendance du Danemark à l’égard des combustibles fossiles.

C’est en Europe centrale et orientale que se trouvent les défenseurs les plus farouches de l’énergie nucléaire, dépassant les clivages gauche-droite, et allant parfois à l’encontre de la position officielle du parti de rattachement européen.

En Bulgarie, la société est résolument pro-nucléaire et parmi les partis représentés au Parlement, seuls les Verts s’opposent à l’énergie nucléaire. Ils ne forment qu’une petite partie de la coalition « Continuing the change – Democratic Bulgaria », avec le reste de la gauche, et n’ont donc aucune influence sur la prise de décision.

La Pologne est aussi farouchement favorable au nucléaire. 86 % des Polonais soutiennent en effet cette énergie, un chiffre est en nette progression, selon un sondage de fin 2022. 

Dans le spectre politique, tous les partis sont pro-nucléaires, bien que le degré de soutien varie. Les partis écologistes, dont Poland 2050, l’acceptent comme une source d’énergie supplémentaire par rapport aux renouvelables qu’ils privilégient, tandis que le parti eurosceptique Solidary Poland du ministre de la Justice Zbigniew Ziobro (allié du PiS), est extrêmement pro-charbon, sans refuser pour autant le nucléaire. La gauche est également favorable au nucléaire, mais propose que la Pologne loue les centrales nucléaires que l’Allemagne s’apprête à fermer.

En Slovénie, où 60 % des citoyens sont favorables à l’énergie nucléaire, celle-ci n’est aucunement un débat, puisqu’elle est perçue comme un acquis. Ainsi, aucun parti ne s’y oppose. À noter que depuis une vingtaine d’années aucun parti écologiste suffisamment fort n’est apparu sur la scène politique nationale. 

Preuve de l’acceptation par la population, un site de stockage à sec pour le combustible nucléaire usé et un dépôt pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs ont été construits sans rencontrer aucune protestation ni inquiétude.

La République tchèque peut, à son tour, compter sur un très fort soutien du nucléaire de la part de tous les partis politiques représentés au Parlement tchèque, y compris les Pirates tchèques, affiliés aux Verts. Ces derniers, membres de la coalition du gouvernerment conservateur regroupant les Démocrates civiques, les Démocrates chrétiens, TOP 09 et STAN, prônent même la construction de nouveaux blocs de centrales nucléaires dans le pays, à la différence de la plupart des partis écologistes européens.

Quant à la Slovaquie, la plupart des partis slovaques soutiennent le nucléaire, le pays étant très pro-nucléaire. Le parti le plus proche des Verts, Progressive Slovakia (PS), ne souhaite pas la construction de nouvelles unités nucléaires à grande échelle, mais s’est dit favorable à l’achèvement de celles déjà en cours de construction. Il s’oppose néanmoins à la classification du nucléaire comme « source d’énergie verte ».

En Roumanie également, le recours au nucléaire n’est pas vraiment un débat, la population étant plutôt favorable et aucun parti politique au parlement ne s’y opposant. La chambre des députés a même récemment voté en faveur de la construction de deux nouvelles unités dans une grande centrale du pays, et est le premier pays européen à disposer de petits réacteurs modulaires, de conception américaine.

Dans les Balkans, en Albanie, le nucléaire n’est pas vraiment un sujet pour la raison inverse. Un projet de centrale avait été lancé en 2007 a été finalement jugé trop coûteux et abandonné. De plus, non seulement l’Albanie est exposée au risque de tremblement de terre, mais elle est également dépendante de l’énergie hydraulique et cherche à construire des infrastructures gazières, des centrales solaires et des centrales éoliennes.

Source: euractiv.fr

COMMENT

Les meilleurs de Tired Earth dans votre boîte mail

Inscrivez-vous pour découvrir d'autres photos, histoires et offres spéciales de Tired Earth