Les chercheurs et chercheuses de l'Inserm ont mis en évidence que des températures élevées sont associées à une hausse de la mortalité à court terme, particulièrement concernant les suicides.
Les fortes chaleurs en Europe associées à une augmentation des suicides

Une étude de l’Inserm publiée mercredi (24 août) établit un lien entre des températures élevées et la hausse du nombre de suicide, confirmant de précédentes publications scientifiques européennes.

Les chercheurs et chercheuses de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont mis en évidence que des températures élevées sont associées à une hausse de la mortalité à court terme, particulièrement concernant les suicides.

Pour parvenir à ces conclusions, l’Inserm a étudié les causes de décès en France sur les 49 dernières années. Ainsi, de 1968 à 2016, 24,4 millions de décès ont été enregistrés, dont 502 000 suicides.

L’étude de l’institut montre que le taux de mortalité est au plus bas lorsqu’il fait 20°C. Au dessus et en dessous de cette température idéale, le taux de mortalité augmente. Au total, les 22 causes de décès étudiées par les chercheuses et chercheurs suivent cette logique.

En revanche, cela ne concerne pas la mortalité par suicide : « il n’y a pas d’excès de suicide lorsque les températures sont particulièrement froides », analyse Rémy Slama responsable de l’étude et directeur de recherche à l’Inserm, lors d’un entretien avec EURACTIV.

Dès lors, il y aurait donc plus de suicides lorsque les températures sont supérieures à 20°C.

L’étude de l’Inserm vient corroborer un article publié sur le site du World Economic Forum, le 14 juillet dernier. Les deux auteures, Laurence Wainwright de l’université d’Oxford et Eileen Neumann de l’université de Zurich, écrivent qu’il existe « un lien entre la température élevée quotidienne, le suicide et les tentatives de suicide ».

« Pour chaque augmentation de 1℃ de la température moyenne mensuelle, les décès liés à la santé mentale augmentent de 2,2 % », précisent-elles.

Sérotonine et isolement social

Si le lien entre fortes chaleurs et hausse des suicides est scientifiquement prouvé, il s’avère plus difficile d’expliquer précisément pourquoi. L’une des hypothèses émises par l’Inserm est la sécrétion de sérotonine, ou « hormone du bonheur », dans l’organisme.

« Lorsque la température augmente, cela a tendance à jouer sur notre système nerveux en faisant baisser ses taux de sérotonine. Or, si j’ai peu de sérotonine, les comportements impulsifs sont désinhibés, ce qui peut favoriser un passage à l’acte, notamment suicidaire », avance M. Slama.

Autre hypothèse : les interactions sociales, plus rares pendant une journée chaude.

« Durant les grandes chaleurs, l’isolement représente un facteur de risques qui peut accentuer les souffrances et les envies suicidaires des personnes en détresse », indique en ce sens Deborah Deseck, chargée de communication au Centre belge de Prévention du Suicide.

Contactée par EURACTIV, Mme Deseck ajoute également que pendant les périodes de grandes chaleurs, l’accès aux soins de santé mentale peut diminuer : « c’est le cas par exemple en Belgique. Certains services ferment à partir d’une certaine heure à cause des températures ».

« Il est alors plus difficile de consulter un psychologue ou un professionnel de la santé », conclut la chercheuse.

Mais, pour le centre d’informations et de prévention Infosuicide, il reste cependant « difficile d’avoir une visibilité » sur les raisons précises d’un suicide, qui est bien souvent multifactoriel.

En revanche, lorsqu’une personne est en pleine crise suicidaire lors d’une période de forte chaleur, le sujet est évoqué par les professionnels de santé, précise Infosuicide à EURACTIV.

« On pose des questions globales mais aussi plus précises : Comment la personne ressent-elle ces températures ? Dans quelles conditions se trouve-t-elle ? A-t-elle les ressources nécessaires pour surmonter l’épisode de canicule ? », explique le centre.

S’adapter au réchauffement climatique

Depuis 2016, date à laquelle l’étude de l’Inserm s’arrête, l’Europe a vu se succéder des vagues de chaleurs de plus en plus intenses et surtout de plus en plus fréquentes. Ce qui apparaissait comme des épisodes climatiques isolés, devient aujourd’hui la norme.

Au cours de l’été 2022, des températures records ont été enregistrées dans presque toute l’Europe entre juillet et août : 40,1 °C à Hambourg en Allemagne, 43,3 °C à Orense en Espagne, ou encore 42,9 °C à Biarritz en France.

Or, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la température extérieure idéale pour l’être humain se situe entre 18°C et 24°C.

S’il y a encore beaucoup de choses que « nous ne comprenons pas sur l’interaction complexe […] entre le changement climatique et la santé mentale – en particulier les effets des vagues de chaleur, […] il faut agir sur le réchauffement climatique », alertent Mmes Wainwright et Neumann.

« En l’absence de mesures de prévention particulières, soit vis-à-vis du suicide, soit vis-à-vis des températures élevées, on peut s’attendre à ce qu’il y ait plus de suicides », indique de son côté le directeur de recherche à l’Inserm.

La mise en place de stratégies d’adaptation pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre apparaît donc comme nécessaire.

Cependant, « il est crucial que ces stratégies d’adaptation au chaud n’accroissent pas les inégalités sociales ou régionales », souligne Rémy Slama.

Exemple ? Les climatiseurs. « Ceux qui n’ont pas les moyens de s’en acheter risquent d’être exposés à davantage de chaleur : ils vont récupérer toute la chaleur que les climatiseurs vont extraire du domicile de leurs voisins », conclut M.Slama.

Source: euractiv.fr

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