L’obésité causerait 1,2 million de décès en Europe chaque année, selon l’OMS
Un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que le surpoids et l’obésité sont à l’origine de 1,2 million de décès en Europe chaque année, alors qu’aucun État membre de l’UE n’est en passe d’atteindre l’objectif de réduction des taux d’obésité d’ici 2025.
Selon les estimations de l’OMS, l’obésité est une pathologie plurifactorielle complexe qui touche près de 60 % des adultes et un enfant sur trois. En 2021, elle a été classée parmi les maladies chroniques par la Commission européenne.
Kremlin Wickramasinghe, chef de la prévention et de la lutte contre les maladies non transmissibles (MNT) au Bureau européen de l’OMS, a qualifié cette crise de véritable « tsunami de l’obésité », ajoutant que « nous devons de toute urgence faire tout ce que nous pouvons afin de mettre un terme à cette pandémie ».
Lors de la publication du rapport, mardi (3 mai), Francesco Branca, directeur de la nutrition et de la sécurité alimentaire à l’OMS, a souligné que l’obésité n’est pas seulement responsable de maladies non transmissibles, mais qu’elle augmente également le risque de maladies infectieuses. Ainsi, les personnes souffrant d’obésité ont vu leur risque de complications graves multiplié par quatre lors de la pandémie de Covid-19.
Des actions politiques isolées
À l’heure actuelle, aucun État membre n’est en passe d’atteindre l’objectif fixé par l’UE d’enrayer la progression de l’obésité d’ici 2025, et ce malgré les efforts déployés via plusieurs cadres politiques et plans d’action de l’OMS.
« Les mesures que nous avons prises ne sont pas suffisantes pour inverser la tendance, et […] celle-ci s’accentue », a déclaré M. Wickramasinghe. « C’est pourquoi nous devons vraiment changer nos activités et trouver de nouveaux moyens d’accélérer en quelque sorte notre travail de lutte contre l’obésité. »
M. Wickramasinghe a insisté sur le fait que les pays ne mettent en place qu’une seule politique, alors qu’« il s’agit d’une [maladie] plurifactorielle […], avec de nombreux facteurs, de sorte qu’une seule politique peut ne pas conduire à un changement au niveau de l’obésité ».
Abordant les causes de l’obésité, Johanna Ralston, PDG de la Fédération mondiale de l’obésité, a confié que certains lui demandaient : « Quel est le défi ? S’agit-il d’un problème de nutrition ? Est-ce la génétique ? Est-ce un problème clinique ? Est-ce un problème médical ? Est-il héréditaire ? Est-ce un problème de santé mentale ? »
Elle a alors indiqué que, « d’une certaine manière, la réponse est oui pour toutes ces hypothèses ».
Reconnaissance en tant que maladie non transmissible
Le 4 mars, le groupe d’intérêt des eurodéputés sur l’obésité a publié une déclaration conjointe demandant la reconnaissance obligatoire de l’obésité en tant que maladie non transmissible (MNT) et de la biologie de l’obésité dans les cursus de médecine, conformément à la directive européenne relative à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
Le récent rapport de l’OMS classant l’obésité parmi les MNT « ouvre vraiment la voie à la justification de la nécessité urgente de traiter l’obésité dans le cadre des MNT à part entière », a déclaré Jason Halford, président de l’Association européenne pour l’étude de l’obésité (EASO).
M. Halford a souligné la nécessité de fournir un cadre formel pour le diagnostic précoce, le dépistage, le traitement et la prise en charge à long terme. « Il s’agit de remodeler la formation et l’activité professionnelles nécessaires pour offrir un traitement efficace aux personnes souffrant d’obésité, et de faire en sorte que ces services soient dotés des ressources et du financement adéquats », a-t-il affirmé.
Jacqueline Bowman-Busato, responsable de la politique européenne de l’EASO et co-responsable du secrétariat scientifique du groupe d’intérêt des eurodéputés sur l’obésité, a confié à EURACTIV que tant que cela ne sera pas fait, le diagnostic de l’obésité continuera à être posé trop tard.
« [Le poids] est un symptôme d’une obésité non traitée, non contrôlée, non prise en charge. Et ce symptôme se situe assez loin dans le parcours », a déclaré Mme Bowman-Busato.
« Beaucoup de gens pensent que l’obésité est une question de poids et qu’il faut manger moins et bouger plus. Et il s’agit en réalité du discours tout à fait erroné et néfaste des décideurs politiques », a-t-elle ajouté.
Pernille Weiss, députée européenne chrétienne-démocrate danoise et présidente du groupe d’intérêt du Parlement européen sur l’obésité, a appelé à un élargissement des outils de diagnostic de l’obésité, « afin que nous ne nous concentrions pas uniquement sur l’indice de masse corporelle, mais que nous couvrions également les technologies innovantes de diagnostic précoce, telles que les marqueurs biologiques et le dépistage des maladies mentales ».
Accès aux soins et aux traitements
Dans l’UE, les principales initiatives axées sur l’obésité et une meilleure alimentation sont le plan européen de lutte contre le cancer, ainsi que la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork). En outre, en décembre 2021, la Commission a lancé l’initiative « Healthier Together » axée sur les maladies non transmissibles.
Cependant, les taux d’obésité continuent de peser sur les systèmes de santé en Europe.
Les cas d’obésité étant en augmentation, le directeur de l’OMS pour l’Europe, Hans Henri P. Kluge, a souligné qu’« il n’est pas certain que nos systèmes de santé aient la capacité de réagir » face à cette situation.
« Nous devons renforcer les capacités de nos travailleurs de la santé, en intégrant une gestion efficace dans les systèmes de soins de santé primaires dans le cadre de la couverture de santé universelle », a-t-il déclaré.
M. Branca a souligné la nécessité de disposer de services de soins de santé primaires à même de mener des actions de prévention et de lutte contre l’obésité.
« Il est inacceptable que cela soit considéré comme une responsabilité individuelle et non comme un élément clé de l’ensemble des prestations de soins de santé primaires », a-t-il conclu.