Le monde doit d’urgence s’attaquer à la pollution plastique marine, alerte le WWF
Un sac plastique flotte dans les eaux de l'océan Indien le 31 décembre 2021 près de Galle, au Sri Lanka © AFP/Archives Olivier MORIN
A quelques semaines d’une assemblée environnement de l’ONU qui pourrait lancer des négociations sur un tel accord, le Fonds mondial pour la nature publie un volumineux rapport sur les impacts de la pollution plastique sur les océans, la biodiversité et les écosystèmes marins. Synthèse des conclusions de plus de 2.000 études scientifiques distinctes sur ces questions.
Premier constat, cette contamination « a atteint toutes les parties des océans, de la surface aux grands fonds marins, des pôles aux côtes des îles les plus isolées, et se retrouve du plus petit plancton à la plus grosse baleine ».
Car entre 19 et 23 millions de tonnes de plastiques arrivent chaque année dans les eaux de la planète, dont une bonne partie finissent en mer, selon les estimations.
Un danger croissant, même si le WWF reconnaît un manque de données sur d’éventuelles répercussions sur les humains de cette présence de produits aux composants chimiques.
Les produits sont pour une bonne part des plastiques à usage unique, que de plus en plus de pays interdisent mais qui constituent toujours plus de 60% de la pollution marine. Ils se dégradent au fur et à mesure de leur séjour dans l’eau, devenant de plus en plus petits, jusqu’au « nanoplastique » d’une taille inférieure au micromètre (millième de millimètre).
Saturation
De sorte que même si plus aucun plastique n’arrivait dans l’océan, le nombre des microplastiques devrait y doubler d’ici 2050. Or, selon les estimations citées par le WWF, la production de plastique dans le monde devrait doubler d’ici 2040.
Les représentants de l’industrie estiment toutefois probable que la croissance de production ralentisse et permette d’éviter ce doublement.
Mais pour Eirik Lindebjerg, responsable du dossier plastique au WWF, « nous atteignons un point de saturation pour les écosystèmes marins qui fait peser une menace non seulement sur des espèces données mais affecte tout l’écosystème ».
Au-delà des photos emblématiques de phoques ou de tortues se débattant avec des sacs plastiques ou débris de filets de pêche, c’est toute la chaîne alimentaire qui est affectée.
Une étude de 2021 a ainsi répertorié 386 espèces de poissons ayant ingéré du plastique sur 555 testées.
Selon d’autres scientifiques, examinant une des grandes espèces de pêche commerciale, jusqu’à 30% d’un échantillon de cabillauds pêché en mer du Nord avaient des micro-plastiques dans l’estomac. De quoi interpeller les amateurs de « fish and chips ».
Côté harengs, une étude a retrouvé des microplastiques dans 17% d’un échantillon pêché dans la Baltique.
Les oiseaux sont eux aussi exposés. Dans le nord-ouest de l’Atlantique, 74% des oiseaux de mer examinés par une étude avaient mangé du plastique. 69% selon une autre étude à Hawaï.
Zéro émissions
Eirik Lindebjerg compare la situation à la crise climatique et ses « budgets carbone », quantité maximale de CO2 pouvant être rejetée dans l’atmosphère avant certaines conséquences.
« C’est la même chose avec le plastique. Ce que nous montrons dans ce rapport c’est qu’il y a une limite à la pollution que peuvent absorber nos écosystèmes, » poursuit l’expert.
Limite déjà atteinte côté microplastiques en plusieurs points du globe, pointe le WWF, notamment en Méditerranée, dans les mers Jaune et de Chine orientale (entre la Chine, Taïwan et la péninsule coréenne) et dans la banquise arctique.
« Nous devons considérer la question comme celle d’un système fini qui n’absorbe pas le plastique et c’est pourquoi nous devons aller vers zéro émissions, zéro pollution, aussi vite que possible », insiste Eirik Lindebjerg. Car chercher à nettoyer les océans est « extrêmement difficile et cher » et il est bien moins coûteux et efficace d’agir en amont.
Le WWF en appelle donc au démarrage rapide de pourparlers en vue de l’élaboration d’un accord international sur le plastique. Le sujet sera au menu d’une réunion de l’ONU sur l’environnement, du 28 février au 2 mars à Nairobi.
Un accord qui devrait a minima selon le WWF aboutir à des standards mondiaux de production et de « recyclabilité » réelle. « Et qui puisse aussi aboutir à la disparition de certains produits dont nous n’avons pas besoin », veut espérer Eirik Lindebjerg.
© AFP