2016 : Année la plus meurtrière pour les défenseurs de l’environnement
Jeudi 13 juillet, l’organisation non gouvernementale Global Witness a publié son rapport annuel, il dénombre les défenseurs de l’environnement assassinés partout dans le monde. L’année 2016 est l’année la plus meurtrière jamais enregistrée.
En 2016, 200 assassinats de défenseurs de l’environnement, soit plus d’un mort tous les deux jours, ont été perpétrés dans 24 pays différents. C’est beaucoup plus qu’en 2014 et 2015 et le bilan le plus lourd depuis que l’ONG Global Witness effectue ce décompte macabre. L’ONG publie ses rapports depuis 212, mais ses données remontent à 2002 et indiquent que 1.376 militants ont été tués. Global Witness estime toutefois que le nombre de morts serait en réalité bien plus élevé. En effet, il est difficile de récolter l’ensemble des informations et beaucoup de meurtres ne sont pas répertoriés, surtout dans les zones isolées.
Les défenseurs de l’environnement meurent avec la planète
Ce rapport de l’ONG, nommé « On dangerous Ground », est dédié à activiste hondurienne Berta Cáceres, qui luttait contre le projet de barrage hydro-électrique sur le fleuve Gualcarque. Elle a été assassinée le 2 mars 2016. En 2015, elle recevait le Prix Goldman pour l’environnement. Elle avait reçu 33 menaces de mort avant d’être assassinée, sans que les investisseurs soutenant le barrage auquel elle s’opposait n’élèvent une seule fois la voix.
Berta Cáceres, Joselito “Anoy” Pasaporte, Fidèle Mulonga Mulegalega… Ces défenseurs de l’environnement disparus
La liste des victimes dans les rangs des écologistes est longue : Berta Cáceres, militante écologiste hondurienne issue de la communauté Lenca, connue pour son action en faveur de la défense du fleuve Gualcarque, a été assassinée à son domicile le 3 mars 2016, après avoir été victime de menaces pendant plusieurs années. Quelques jours plus tard, c’est au tour de Nelson García, activiste de la même communauté de trouver la mort.
Joselito “Anoy” Pasaporte, 32 ans, membre du groupe Youth arm of the environmental group Panalipdan, est quant à lui, assassiné le 13 octobre 2016. Il luttait contre le développement de projets miniers dans le sud de Nindanao, une île du sud des Philippines. Son meurtre a eu lieu deux jours après le décès par balle de Jimmy Saypan, secrétaire général de l’Association des agriculteurs de la vallée de Compostela.
Fidèle Mulonga Mulegalega et Venant Mumbere Muvesevese, deux rangers du parc national des Virunga en République démocratique du Congo (RDC), ont été assassinés en mars 2016 par une milice locale le 20 juin 2015, en tentant de protéger la faune du parc des braconniers.
Les activistes sont le plus souvent tués dans des conflits liés à l’extraction minière, à l’agro-industrie, et aux activités forestières et hydroélectriques, ainsi qu’au braconnage. L’impunité règne, les criminels sont rarement arrêtés, et, dans la plupart des cas, ce sont des groupes paramilitaires, des services de sécurité privée ou encore l’armée ou la police qui sont impliqués. Les gouvernements ne mènent donc aucune enquête suivie.
Peu ou pas de protection est accordée aux militants, bien qu’ils fassent souvent l’objet de menaces répétées avant d’être tués. Les membres de leur famille, les témoins et le reste de la communauté restent encore très menacés même après le meurtre.
Les indigènes sont les premières victimes
Les trois pays les plus touchés par ces crimes contre les défenseurs de l’environnement sont le Brésil avec 49 morts, suivi de la Colombie (37 morts) et des Philippines (28 morts), où une industrie minière vorace menace les opposants. 60 % étaient en Amérique latine, dont une grande partie parmi les populations indigènes. Ces peuples défendent leurs terres ancestrales et par là-même, leurs identités traditionnelles et leurs modes de vie. Ils tentent de se défendre sous couvert d’une loi internationale censée les protéger, la FPIC (“Free Prior and Informed Consent“), mais celle-ci est loin d’être respectée.
En Colombie, les meurtres ont atteint un sommet historique, malgré, ou peut-être du fait de l’accord de paix récemment signé entre le gouvernement et la guérilla des FARC, qui permet aujourd’hui l’accès aux entreprises d’extraction minière, tandis que les communautés indigènes tentent de revenir réclamer leurs territoires traditionnels.
Le Nicaragua arrive reste dans le peloton de tête de ce douteux podium. Un canal inter-océanique devrait diviser le pays en deux, menaçant les populations locales de déplacement massif, de troubles sociaux et de répression violente ceux qui s’y opposent.
L’Inde est de plus en plus violente envers les défenseurs de l’environnement, dans un contexte de police aggressive et de répression des protestations pacifiques et de l’activisme civique. Plus généralement, la défense des parcs nationaux est plus risquée que jamais, en particulier en Afrique, où un grand nombre de gardes forestiers sont tués, en particulier en République démocratique du Congo.
Le problème n’est pas confiné aux pays en voie de développement. Les pays développés intensifient d’autres méthodes pour réprimer les militants, notamment les États-Unis, où les défenseurs de l’environnement sont amenés à protester contre les mesures anti-environnementales de l’administration Trump.
En Amazonie, où 80 % du bois est exploité illégalement, ce qui représente un quart des coupes clandestines du marché mondial, fournissant notamment l’Europe, ce sont les indigènes qui sont les premières victimes. Le marché de l’huile de palme et ses conséquences sur la déforestation représente l’un des problèmes majeurs.
Des militants criminalisés
En Afrique, peu d’assassinats sont recensés, mais les militants écologiques sont criminalisés et comparaissent devant la justice, loin des yeux de la société civile, des ONG et des journalistes. La documentation est donc moindre et les gouvernements peuvent prendre des mesures pour restreindre la liberté d’expression et d’association. Ils ferment souvent les yeux sur la corruption et la dégradation de l’environnement. De plus, ils influencent l’opinion publique, dénigrant les défenseurs de l’environnement qu’ils accusent de s’opposer au développement.
“Find the facts, expose the story, change the system”
“Recenser les faits, raconter l’histoire, changer le système“, tel est le mot d’ordre de Global Witness, ONG spécialisée dans la dénonciation des conflits, de la corruption et des violations des droits de l’homme associés à l’exploitation des ressources naturelles.
Dans son rapport, Global Witness formule cinq demandes aux gouvernements et à la communauté internationale :
- protéger les défenseurs de l’environnement,
- enquêter sur les crimes,
- juger les coupables et dévoiler les intérêts corporatistes et politiques liés aux persécutions,
- garantir la liberté d’expression et responsabiliser les auteurs des méfaits,
- résoudre les causes sous-jacentes de la violence contre les défenseurs et reconnaître les droits sur la terre.
Le rapport reste pessimiste, l’urgence climatique et l’accroissement de la population nécessitant toujours plus de ressources naturelles. Sans intervention urgente, le nombre de morts continuerait à augmenter considérablement. Selon l’ONG, l’augmentation des assassinats perpétrés contre les défenseurs de l’environnement serait symptomatique du développement du commerce, du non-respect des droits de l’homme et de la répression de la société civile dans de nombreux pays. A ce jour, en 2017, Global Witness recense déjà 98 assassinats de défenseurs de l’environnement…
Source : consoglobe.com