Comment l'énergie solaire accélère l'électrification de l'Afrique
Sa facilité d’installation fait que le marché du solaire est le plus dynamique du secteur des énergies renouvelables en Afrique.
L’Afrique est le continent doté du plus fort potentiel d’exploitation d’énergie solaire dans le monde. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) estime le potentiel d’énergie solaire du continent africain à 60 millions de TWh par an, contre 3 millions de TWh par an pour l’Europe par exemple. Les pays d’Afrique du Nord et australe sont les plus favorisés du continent. Le potentiel solaire est également considérable en Afrique de l’Est, dans la corne de l’Afrique et au Sahel. Tandis que le potentiel solaire est plus réduit en Afrique centrale, en raison de son climat équatorial et de ses écosystèmes dominés par des forêts qui réduisent la pénétration des rayons du soleil.
Alors que le potentiel du continent africain reste largement sous-exploité, beaucoup d’efforts sont nouvellement mis à contribution pour faciliter et accélérer le déploiement des installations de production d’énergie solaire en Afrique. Grâce à une politique favorable aux investissements des producteurs indépendants d’électricité (IPP), l’Afrique du Sud affiche par exemple une capacité solaire installée de 2 323 MW selon Power Africa. Avec la baisse progressive des coûts d’exploitation de l’énergie solaire, l’Irena estime que l’Afrique pourrait acquérir une capacité solaire installée de 70 GW d’ici à 2030, à condition de mettre en place des politiques favorables aux investissements dans les énergies renouvelables. Actuellement, le continent affiche une capacité solaire installée de 12 GW selon le cabinet d’analyse Rystad Energy.
Les technologies exploitées en Afrique
Parmi les technologies de production d’énergie solaire mises en place en Afrique figure le solaire thermodynamique. Dans une centrale solaire à concentration (CSP, pour concentrated solar power), des miroirs captent des rayons du soleil de façon à générer des températures très élevées, entre 400 à 1 000 °C. La chaleur ainsi produite permet de transformer l’eau en vapeur dans une chaudière. Sous pression, la vapeur fait tourner une turbine qui entraîne un alternateur. C’est cet équipement qui produit un courant alternatif.
Il existe ainsi trois types de centrales solaires thermodynamiques dans le monde. Dans le cas d’une centrale à collecteur cylindrique, de longs miroirs tournent autour d’un axe horizontal pour suivre la course du soleil. Les rayons sont concentrés sur un tube dans lequel circule le fluide qui servira à transporter la chaleur vers la centrale. Dans la technologie collectrice parabolique, le rayonnement solaire est concentré sur la focale des paraboles orientables dans lesquelles se trouvent des mini-centrales électriques. Quant à la centrale à tour, un champ de miroirs orientables situés au sol renvoie les rayons solaires sur une chaudière située en haut… d’une tour.
La CSP de Kathu (100 MW) en Afrique du Sud © Engie
En raison des coûts inhérents à l’installation de ces technologies, très peu de projets solaires à concentration sont mis en œuvre en Afrique actuellement. Les centrales existantes ou en construction sont localisées essentiellement en Afrique du Sud et au Maroc. Dans le pays de Nelson Mandela, l’IPP français Engie exploite la centrale de Xina Solar One et celle de Kathu, d’une capacité de 100 MW chacune. L’IPP saoudien Acwa Power exploite la CSP de Bokpoort de 50 MWe. Dans royaume chérifien, l’entreprise saoudienne a construit plusieurs centrales de ce type au sein du complexe solaire de Noor Ouarzazate de 580 MW.
Le solaire photovoltaïque
Plus courantes, les centrales photovoltaïques sont équipées de plusieurs panneaux solaires. Dans une telle installation, les panneaux solaires captent les rayons du soleil. Sous l’effet de la lumière du soleil, le silicium, un matériau conducteur contenu dans chaque cellule, libère des électrons pour créer un courant électrique continu. L’onduleur transforme ce courant continu en courant alternatif pour qu’il puisse être plus facilement transporté par les lignes à moyenne tension du réseau.
Des mégaprojets solaires sur le continent
Le photovoltaïque est la technologie la plus développée en Afrique : des grandes centrales, connectées aux réseaux, aux systèmes solaires domestiques. Cette technologie est au cœur des mégaprojets d’exploitation de l’énergie solaire en Afrique. C’est le cas au sein du complexe solaire de Benban, située dans le gouvernorat d’Assouan en Égypte. Il s’agit d’une mosaïque de 32 centrales solaires entièrement financées et construites par des IPP. Le complexe mis en service en 2019 affiche une capacité de 1 650 MWc.
Même si les autorités marocaines accusent du retard dans sa mise en œuvre, le complexe solaire de Noor Ouarzazate figure parmi les grands projets solaires développés sur le continent africain, avec une puissance installée actuelle (photovoltaïque et CSP comprises) de 580 MW. La mise en œuvre de ce projet s’inscrit dans le cadre du plan du gouvernement marocain visant à produire 52 % d’électricité consommée dans le royaume à partir des sources renouvelables à l’horizon 2030.
L’engagement des partenaires au développement
Deux institutions de financement du développement veulent s’appuyer sur le solaire pour accélérer l’électrification de l’Afrique. C’est le cas de la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale qui étend son programme « Scaling Solar ». Ce programme mis œuvre au niveau mondial permet l’installation rapide de centrales solaires grâce aux partenariats public-privé (PPP). Pour l’heure, « Scaling Solar » se déploie au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, à Madagascar, en Zambie et plus récemment au Niger.
Au-delà de ses investissements dans des centrales solaires un peu partout en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) concentre ses efforts sur le Sahel, dont elle veut faire la plus grande zone de production d’énergie solaire en Afrique, à travers son initiative « Desert to Power ». Le programme qui entame sa phase de développement a déjà reçu un financement de 150 millions de dollars du Fonds vert pour le climat (FVC), pour sa facilité « Desert to Power G5 Sahel ». La BAD vise une capacité solaire installée de 10 000 MW dans le Sahel, l’équivalent de la production électrique d’un pays comme le Maroc, qui s’élève actuellement à 10 627 MW selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (Onee).
Le 20 octobre 2020, l’Alliance solaire internationale (ASI) a annoncé un partenariat avec Bloomberg Philanthropies en vue de mobiliser 1 000 milliards de dollars d’investissement dans la production d’énergie solaire à travers le monde. Ce programme concerne les 80 pays membres de l’organisation dont la plupart se trouvent en Afrique.
L’énergie solaire décentralisée ou la clé de l’électrification rurale en Afrique ?
Le développement de l’énergie solaire en Afrique est aussi porté par les systèmes décentralisés généralement financés et installés par des entreprises privées. Ces solutions sont composées de systèmes solaires domestiques. Ce petit réseau électrique à l’échelle d’une maison est composé d’un ou plusieurs panneaux solaires, des onduleurs et des batteries pour le stockage de l’électricité. L’électricité propre ainsi stockée est redistribuée à la demande dans le réseau domestique pendant la nuit ou par mauvais temps.
La distribution de ses équipements est facilitée par le système de payement à l’usage, dont le principal mode de payement est le mobile money, un service bancaire par téléphone portable disponible partout en Afrique subsaharienne, même dans les zones les plus reculées. De plus en plus, les systèmes solaires domestiques sont accompagnés d’autres services, notamment internet et la télévision. Ces équipements impactent réellement l’électrification des zones rurales. Récemment, l’entreprise américaine d.light a indiqué fournir grâce à ses kits solaires l’accès à l’électricité à 100 millions de personnes dans le monde, dont la plupart se situent en Afrique. Outre les systèmes solaires domestiques, certaines entreprises fournissent des kits solaires complémentaires, notamment des lampes et des lanternes solaires.
Les mini-grids permettent aussi l’électrification des zones rurales. Il s’agit de petites centrales solaires photovoltaïques avec systèmes de stockage d’électricité par batteries ou hybridées avec des groupes électrogènes. Ces installations sont équipées de petits réseaux de distribution capables d’alimenter une communauté ou un village. Plus tard, si nécessaire les mini-grids pourront même être raccordés au réseau central. Mais, en République démocratique du Congo (RDC), l’entreprise Nuru déploie d’ores et déjà des mini-grids de plus de 1 MW qui alimentent des villes entières, à l’instar de Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Un off-grid solaire dans la ville de Goma en RDC © Nuru
Au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent (plus de 206 millions d’habitants en 2020, Ndlr), les autorités misent particulièrement sur les mini-grids pour la mise en œuvre d’un ambitieux projet d’électrification rurale (NEP) soutenu par la Banque mondiale et la BAD. Dans ce cadre, l’Agence d’électrification rurale (REA) favorise l’implantation des fournisseurs de mini-grids solaires en mettant en place un système de subventions basées sur la performance (PBG).
À côté de ces systèmes au sol, d’autres opérateurs se sont spécialisés dans l’installation de mini-grids solaires conteneurisés. Cette solution modulaire est facile à mettre en place puisque les principaux composants sont préfabriqués avant d’être transportés par conteneur maritime.
Quid de l’énergie solaire à usage productif ?
Les systèmes d’énergies solaires à usage productif font partie des solutions off-grids déployées pour l’alimenter des clients commerciaux et industriels. Dans la plupart des cas, l’entreprise bénéficiaire de l’énergie solaire n’investit rien, mais se contente de payer des factures à la consommation d’électricité auprès du fournisseur qui installe le système. C’est ce qu’on appelle le « leasing solaire » qui se développe particulièrement dans les pays comme le Nigeria, le Ghana et le Kenya.
Ces systèmes solaires décentralisés sont vus comme la solution efficaces face aux délestages ou pour réduire le fossé entre les zones rurales et les villes en matière d’accès à l’électricité. Pour l’heure, près de 600 millions d’Africains attendent encore d’obtenir l’accès à l’électricité.