Face à l’avancée de l’océan, des petites villes du sud-ouest français prêtes à battre en retraite
La station balnéaire, comme celle de Lacanau ou d’autres sur le littoral atlantique, est prête à battre en retraite et faire reculer les bâtiments menacés par l’érosion marine – phénomène naturel enclenché depuis des siècles – mais réclament des outils juridiques et financiers.
Giflée par les vagues et les vents de l’Atlantique, la plage de Biscarrosse (16.000 habitants) est grignotée chaque année de deux mètres en moyenne, jusqu’à cinq en cas de fortes tempêtes.
Selon les chercheurs de l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine, l’érosion pourrait faire reculer le littoral sableux du golfe de Gascogne de 50 mètres d’ici à la moitié du siècle, auxquels pourraient potentiellement s’ajouter 20 mètres de repli supplémentaire, en raison du changement climatique.
Sur la dune, au sommet de la plage centrale, seules trois bâtisses « en dur » -deux villas découpées en une vingtaine d’appartements et un hôtel haut de gamme- construites au début du XXe siècle, subsistent après le démontage automnal.
La commune landaise cherche à les racheter pour les reconstruire plus loin, dans les terres, au grand dam de certains propriétaires.
Le Grand Hôtel de la Plage est « enraciné sur 14 mètres de profondeur » depuis sa remise à neuf en 2013, défend Alexandre Michel, directeur de cet établissement quatre étoiles, auprès de l’AFP. « Il n’y a pas de risque que ça s’effondre. En 2045, on sera encore là », parie le gérant.
Vincent Bawedin, géographe et ingénieur chargé de la gestion du trait de côte à Biscarrosse, estime au contraire que ces bâtiments pourraient s’écrouler en « cinq à dix ans », en cas de puissantes tempêtes hivernales.
Effondrement
Selon le Groupement d’intérêt public Littoral (GIP), principal acteur des stratégies locales de gestion de l’érosion, sans aucun ouvrage de protection ou politique active de préservation, près de 6.500 logements et commerces côtiers sont menacés d’effondrement d’ici 2050, du Médoc au Pays basque.
Mais pour réussir le pari de la « relocalisation », les communes réclament des outils juridiques et financiers à l’Etat.
Car « on a parfois l’impression que le législateur avance moins vite que l’érosion », se désole M. Bawedin.
La nouvelle loi Climat et Résilience, promulguée cet été, permet néanmoins désormais aux élus locaux de préempter un logement en cas de mise en vente dans les zones menacées.
Des mesures pour faire baisser le coût à supporter devraient aussi être prises dans les mois à venir, indique Stéphanie Dupuy-Lyon, à la tête de la Direction de l’aménagement du logement et la nature au ministère de la Transition écologique.
Ainsi, plus la menace de l’érosion « se rapprochera » d’un bâtiment, « moins sa valeur sera importante », explique-t-elle à l’AFP.
Mais qui dit acquisition ou expropriation dit paiement.
Pour Laurent Peyrondet, maire de Lacanau, qui évalue à 400 millions d’euros la valeur des biens menacés sur son territoire, les communes n’ont « clairement pas les moyens » d’engager « seules » les rachats nécessaires.
Comme d’autres élus du littoral, il réclame à l’Etat la création d’un mécanisme de financement, en suggérant des ponctions sur les assurances.
Sa ville de 5.000 habitants, pionnière dès 2012 des stratégies de repli, a finalement opté pour la construction d’un enrochement de blocs de pierres qui devrait fixer la dune sur un kilomètre jusqu’en 2050, avant d’enclencher « le scénario de relocalisation ».
Actuellement co-financée par les collectivités, l’Etat et les fonds européens, cette protection en dur coûtera, à terme, « plus de 30 millions d’euros », soit l’équivalent du budget annuel de la commune.
Une solution écartée par Biscarrosse, car « les points durs » bloquent « le transfert de sédiments » et creusent encore plus la plage de part et d’autre des ouvrages, dit M. Bawedin.
En attendant, sa ville recharge chaque hiver sa dune fragilisée avec du sable acheminé par des camions depuis une plage sauvage à proximité.
© AFP