Pollution : vers un traité mondial pour contrer le plastique ?
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Unep), la pollution est, avec la crise climatique et le recul de la nature, l’une des trois menaces auxquelles notre planète fait face. Et, parmi toutes les sources de pollutions et de déchets, le plastique occupe la première place. Chaque année, les humains produisent 300 millions de tonnes de détritus en plastique, et 11 millions d’entre elles finissent dans les océans. Sans action rapide menée à grande échelle, ces volumes devraient presque tripler d’ici à 2040.
Assaut contre les océans
Dans mon pays, le Sénégal, les artisans pêcheurs et les femmes qui transforment le poisson n’ont pas besoin des rapports de l’ONU pour savoir que cette crise est bien réelle. Les plages et les eaux, qui étaient vierges il n’y a pas si longtemps, sont maintenant infestées de sacs en plastique, d’emballages alimentaires, d’équipements médicaux, de bouteilles et de bouchons d’eau, de déchets provenant de cargos…
ENVIRON 99 % DU PLASTIQUE DANS LE MONDE EST DÉRIVÉ DE COMBUSTIBLES FOSSILES SALES ET NON RENOUVELABLES
Le Sénégal n’est pas le seul pays dans ce cas : en quelques décennies seulement, chaque recoin urbanisé d’Afrique s’est retrouvé envahi par le plastique. Cette pollution frappe de manière disproportionnée les groupes marginalisés et les pays à faible revenu.
Cet assaut contre nos océans est directement lié au changement climatique et à l’acidification, qui dégradent l’écosystème marin. Environ 99 % du plastique dans le monde est dérivé de combustibles fossiles sales et non renouvelables. D’ici à 2050, le secteur du plastique pourrait représenter 20 % de la consommation mondiale totale de pétrole, et la pollution qu’il engendre, 3 % du budget carbone total de la planète.
La durabilité et le faible coût de ce matériau le rendent attrayant pour les industries. Mais cette résistance au temps fait qu’il est également néfaste à notre santé. Le plastique ne disparaît jamais vraiment. Il se transforme en fines particules, lesquelles sont avalées par les poissons ou les animaux de ferme et éventuellement consommées par les humains à travers leur nourriture et l’eau du robinet.
Colonisation par les déchets
Un océan rempli de plastique signifie donc également des corps humains remplis de plastique. Car l’océan fournit leur principale source de protéines à plus d’un milliard de personnes dans le monde. Au Sénégal, le poisson couvre environ 70 % des besoins en protéines animales de la population. Avaler du plastique peut augmenter le risque de cancer et causer des problèmes hormonaux, qui affectent aussi bien les fruits de mer que ceux qui les consomment.
LE GÉANT ALLEMAND DU TRANSPORT MARITIME HAPAG-LLOYD A ÉTÉ PRIS EN FLAGRANT DÉLIT ALORS QU’IL TENTAIT D’INTRODUIRE ILLÉGALEMENT 25 CONTENEURS DE DÉTRITUS EN PLASTIQUE
La pêche est le deuxième secteur de l’économie et la principale source de devises étrangères. Les déchets en plastique nuisent à un écosystème déjà fragilisé par la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, la surpêche, la fraude, l’industrie de la farine de poisson, etc. Le plastique s’écoule parfois dans l’océan avec les courants. Dans d’autres cas, il est volontairement importé en Afrique. Récemment, le géant allemand du transport maritime Hapag-Lloyd a été ainsi pris en flagrant délit de fraude par les douanes sénégalaises alors qu’il tentait d’introduire illégalement 25 conteneurs de détritus en plastique dans le pays.
Il est grand temps de mettre fin à cette colonisation par les déchets, qui touche à la dignité humaine. Elle devrait être remplacée par un engagement inébranlable en faveur du développement durable et, donc, par une grande détermination des pays à lutter contre cette pollution.
Certains s’y essaient. En 2015, le gouvernement sénégalais a décidé d’interdire les sacs en plastique, puis, en 2020, les sachets d’eau et les gobelets en plastique. Bien que les autorités locales n’aient montré que peu d’empressement à mettre en pratique ces mesures, elles ont le mérite d’avoir conduit les ministres de l’Environnement des quinze pays de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] à envisager l’interdiction des emballages en plastique dans la région d’ici à 2025.
Vraies fausses solutions
Une prise de position qui mériterait d’être saluée, mais que certaines grandes industries considèrent comme une réelle menace et tentent de contrecarrer en proposant de vraies fausses solutions qui ne favorisent ni le passage d’une économie à usage unique à une économie de réutilisation, ni la réduction des matières en plastique produites. Certaines promettent par exemple de recycler, alors qu’elles se contentent de jeter leurs ordures dans d’autres pays. D’autres placent trop d’espoir dans des technologies immatures. Or ces fausses solutions créent une diversion et font oublier les causes profondes de la crise due aux déchets en plastique. Et permettent à la production de plastiques à usage unique – marchandise préférée des entreprises pollueuses – de perdurer.
Il n’y a qu’une seule vraie solution pour surmonter la crise due à ce produit chimique toxique : mettre fin à sa production de masse. Les gouvernements doivent être concentrés et implacables : l’adoption d’interdictions des plastiques à usage unique et le renforcement de leur application là où elles existent sont essentiels pour que nous puissions demander des comptes aux grandes entreprises. D’autres mesures positives incluent l’investissement dans la recherche et le développement d’autres substances réutilisables comme les bouteilles en verre, les pailles en acier inoxydable ou les cabas, ainsi que l’incitation à les utiliser.
Le Ghana à l’origine de l’appel à un traité mondial
Grâce aux nombres croissants de personnes exigeant une Afrique sans plastique et de pays champions à travers le continent, les avancées sont positives. Avec le Ghana à l’origine de l’appel à un traité mondial sur le plastique, nous pouvons partager les progrès réalisés en Afrique avec le reste du monde. Et alors que le continent ouvre la voie à un avenir sans plastique, nous espérons que la planète se rendra compte que nous refusons le statut de dépotoir mondial. Au lieu de raccourcis colonialistes, les pays devraient investir dans le développement et l’adoption de systèmes d’élimination des déchets et de solutions réutilisables.